La participation des usagers-clients-citoyens

Dossier : La réforme de l'ÉtatMagazine N°593 Mars 2004
Par Jean KASPAR

Il est banal de sou­li­gner l’im­por­tance des muta­tions et trans­for­ma­tions qui s’o­pèrent dans la socié­té. Ces muta­tions touchent tout à la fois les sphères de l’é­co­no­mie, du social, du cultu­rel et nos modes de vie.
L’Eu­rope s’im­pose de plus en plus comme une nou­velle fron­tière et comme un nou­vel espace où vont s’é­la­bo­rer nos règles du vivre ensemble.

Jean KASPAR : Consul­tant en Stra­té­gies sociales (gérant de J. K Consul­tant), ancien Conseiller social à l’am­bas­sade de France à Washing­ton et ancien Secré­taire géné­ral de la CFDT.

La mon­dia­li­sa­tion de l’é­co­no­mie, des échanges et l’in­ter­dé­pen­dance crois­sante de nos des­tins natio­naux imposent la mise en place de nou­velles règles pour régu­ler le mar­ché et per­mettre un déve­lop­pe­ment durable et soli­daire. Le fan­tas­tique déve­lop­pe­ment des tech­no­lo­gies de la com­mu­ni­ca­tion, le pro­grès de la science et des tech­niques nous ouvrent de nou­veaux espaces et dans le même temps nous obligent à de sin­gu­lières remises en cause dans nos façons de vivre, de tra­vailler et de vivre ensemble.

Ces évo­lu­tions et ces muta­tions obligent les per­sonnes mais aus­si tous les sys­tèmes d’or­ga­ni­sa­tion (État, entre­prises, col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, orga­ni­sa­tions syn­di­cales, par­tis poli­tiques, asso­cia­tions, etc.) à une refon­da­tion de leur mode de pen­sée, de leurs objec­tifs et de leur stra­té­gie. Dans une telle situa­tion, l’É­tat-nation ne peut plus être le seul lieu de la régu­la­tion éco­no­mique, sociale et poli­tique. Il ne peut res­ter en dehors de cet indis­pen­sable effort de redé­fi­ni­tion de son rôle, de ses mis­sions, d’a­dap­ta­tion, de moder­ni­sa­tion pour répondre aux grands défis de la période, pour démon­trer son uti­li­té et confir­mer son rôle irrem­pla­çable afin de favo­ri­ser la cohé­sion sociale, garan­tir les liber­tés indi­vi­duelles et col­lec­tives et exer­cer ses fonc­tions régaliennes.

L’amélioration de la qualité des services publics : une exigence économique, sociale et démocratique

Dans ce contexte de muta­tions, les ser­vices publics et ser­vices d’in­té­rêt géné­ral conti­nuent à appor­ter une contri­bu­tion essen­tielle à la qua­li­té de vie de cha­cun à tra­vers les ser­vices qu’ils rendent (eau, édu­ca­tion, sécu­ri­té, trans­ports, san­té…) mais aus­si à la socié­té tout entière par leurs contri­bu­tions à la cohé­sion ter­ri­to­riale, éco­no­mique et sociale. Cette cohé­sion est indis­pen­sable pour per­mettre un fonc­tion­ne­ment soli­daire et démo­cra­tique de la socié­té. L’é­vo­lu­tion conti­nue de la qua­li­té de ces ser­vices, c’est-à-dire leur adap­ta­tion per­ma­nente à l’é­vo­lu­tion des besoins et des attentes des usa­gers-clients-citoyens notam­ment des plus fra­giles, est un enjeu majeur en France comme en Europe.

Pour réus­sir cette néces­saire évo­lu­tion, il faut mobi­li­ser et impli­quer tous les acteurs qui y contri­buent : les élus, les mana­gers de ces ser­vices, les agents, leurs repré­sen­tants, le milieu asso­cia­tif mais aus­si et sur­tout les usa­gers-clients-citoyens des ser­vices qu’ils soient des par­ti­cu­liers, des entre­prises ou d’autres orga­nismes publics. Il n’y a pas, en effet, sur le long terme, de sécu­ri­té, de pro­pre­té, de san­té, d’é­du­ca­tion, de res­pect de l’en­vi­ron­ne­ment sans cette impli­ca­tion active. Il n’y a pas d’a­mé­lio­ra­tion signi­fi­ca­tive sans prise en compte de leurs cri­tiques, de leurs attentes et de leurs pro­po­si­tions. Il n’y a pas de concep­tion de ser­vices adap­tés aux besoins sans asso­cia­tion des utilisateurs.

Comi­tés de quar­tier, conseils d’ad­mi­nis­tra­tion, débat public, com­mis­sions consul­ta­tives, groupes de tra­vail, bud­get par­ti­ci­pa­tif, éva­lua­tion de la satis­fac­tion, les for­mules de par­ti­ci­pa­tion sont nom­breuses et variées. Elles sont mises en place, par­fois à l’i­ni­tia­tive des élus, des admi­nis­tra­tions ou de leurs ser­vices, des citoyens, et, dans cer­tains cas, ren­dues obli­ga­toires par la loi. Cette par­ti­ci­pa­tion peut pas­ser par l’in­for­ma­tion, la consul­ta­tion, la concer­ta­tion et la for­ma­li­sa­tion d’un par­te­na­riat qui peut s’ins­crire dans le temps.

Nous consta­tons que l’in­for­ma­tion et la consul­ta­tion ne suf­fisent plus. Les attentes vont au-delà car s’ar­rê­ter à la seule infor­ma­tion et consul­ta­tion relève encore d’une atti­tude de sou­ve­rai­ne­té où les déci­deurs publics déter­minent le conte­nu de la rela­tion et où les usa­gers-clients-citoyens sont ame­nés à émettre un avis sans être cer­tains d’être enten­dus. Il faut pro­mou­voir des pro­ces­sus de concer­ta­tion qui favo­risent une réelle par­ti­ci­pa­tion car elle per­met de tra­vailler ensemble à un pro­blème com­mun, de défi­nir les axes de chan­ge­ment d’é­vo­lu­tion et d’a­mé­lio­ra­tion. La solu­tion au pro­blème s’é­la­bore alors dans un pro­ces­sus de cocons­truc­tion et de coéla­bo­ra­tion. Elle n’est pas impo­sée par une hié­rar­chie ou un pou­voir. Elle peut don­ner de la place à la négo­cia­tion et donc à une réelle res­pon­sa­bi­li­sa­tion des acteurs.

En tout état de cause, une évi­dence s’im­pose. Le temps où les tech­ni­ciens dic­taient leur point de vue, où les élus et les res­pon­sables admi­nis­tra­tifs déci­daient sans asso­cier les uti­li­sa­teurs, les per­son­nels et leurs repré­sen­tants, est révo­lu. Et c’est tant mieux. La prise en compte des besoins, l’ef­fi­ca­ci­té tech­nique et éco­no­mique rendent incon­tour­nable un appro­fon­dis­se­ment de la démo­cra­tie. En effet, la démo­cra­tie repré­sen­ta­tive doit s’en­ri­chir d’une dimen­sion par­ti­ci­pa­tive per­met­tant le dia­logue et le déve­lop­pe­ment de stra­té­gies de par­te­na­riat et de coopé­ra­tion entre tous les acteurs de la qua­li­té publique. S’il est clair, par exemple, que les élus sont choi­sis pour déci­der des orien­ta­tions poli­tiques, ils ne le sont pas pour repré­sen­ter et exer­cer la fonc­tion d’u­sage. Les élus, et ils sont de plus en plus nom­breux, qui ont inté­gré cette dimen­sion y trouvent un gain d’ef­fi­ca­ci­té et de légitimité.

Les asso­cia­tions d’u­sa­gers qui agissent avec beau­coup de bonnes volon­tés, sou­vent avec peu de moyens et d’ex­per­tises, doivent être sou­te­nues pour être en mesure d’ap­por­ter leur indis­pen­sable contri­bu­tion. Ce sou­tien doit por­ter à la fois sur le déve­lop­pe­ment de leur exper­tise et sur leur mode de finan­ce­ment. L’É­tat, les admi­nis­tra­tions, les col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales mais aus­si les poli­tiques doivent apprendre à tra­vailler avec le milieu asso­cia­tif, les orga­ni­sa­tions syn­di­cales, les citoyens. L’onc­tion du suf­frage uni­ver­sel ne suf­fit plus pour jus­ti­fier des modes de déci­sions d’un autre âge. La démo­cra­tie repré­sen­ta­tive doit s’en­ri­chir de l’im­pli­ca­tion des citoyens et de la par­ti­ci­pa­tion des mul­tiples corps intermédiaires.

Se donner les moyens d’une démocratie plus participative

Les asso­cia­tions d’u­sa­gers-consom­ma­teurs-citoyens doivent aus­si, au niveau natio­nal, régio­nal et local, s’or­ga­ni­ser de façon trans­ver­sale pour faire cir­cu­ler l’ex­pé­rience, mutua­li­ser leurs com­pé­tences et déve­lop­per leurs spé­ci­fi­ci­tés. L’é­lec­tion de repré­sen­tants de la fonc­tion d’u­sage, comme cela existe par exemple pour les parents d’é­lèves, peut être une façon de contri­buer au débat, à la légi­ti­mi­té et à une plus grande repré­sen­ta­ti­vi­té de ces asso­cia­tions. Ce mode de dési­gna­tion ne remet en cause ni l’é­lec­tion à la fonc­tion poli­tique de ges­tion de la cité ni celle des repré­sen­tants du per­son­nel, elle leur est complémentaire.

Le per­son­nel et ses repré­sen­tants doivent être impli­qués par des pro­ces­sus d’in­for­ma­tion, de concer­ta­tion et de négo­cia­tion. Cela implique aus­si des chan­ge­ments signi­fi­ca­tifs dans le mode de mana­ge­ment des ser­vices publics. La com­pé­tence tech­nique ou les diplômes ne suf­fisent plus. Les mana­gers des ser­vices publics doivent avoir une com­pé­tence mul­ti­di­men­sion­nelle (éco­no­mique, orga­ni­sa­tion­nelle, sociale et mana­gé­riale). La négo­cia­tion doit trou­ver dans l’ad­mi­nis­tra­tion, toute sa place, pour gérer les chan­ge­ments qu’elle doit opérer.

C’est donc ensemble, dans de nou­velles formes de par­te­na­riat qu’il nous faut tra­vailler pour répondre très concrè­te­ment aux enjeux de la qua­li­té publique en pre­nant conscience qu’au­cun des acteurs seuls n’est capable de rele­ver ce défi. Il y va de l’a­ve­nir des ser­vices publics et d’in­té­rêt géné­ral et plus pro­fon­dé­ment de la qua­li­té démo­cra­tique de notre société.

France Qualité Publique

Oser… pour satisfaire

France Qua­li­té Publique est une asso­cia­tion par­te­na­riale dont le but est de pro­mou­voir la qua­li­té des ser­vices publics et ser­vices d’in­té­rêt géné­ral. Elle asso­cie l’É­tat et notam­ment la Réforme de l’É­tat et la DATAR, des asso­cia­tions d’é­lus comme l’As­so­cia­tion des régions de France ou le Grou­pe­ment des auto­ri­tés régu­la­trices des trans­ports, des orga­nismes publics : CNMTS, CNAF, La Poste, IGN, Météo France, des asso­cia­tions fami­liales, de parents d’é­lèves et d’u­sa­gers (UNAF, FCPE) et des syn­di­cats (CFDT, CGT).

France Qua­li­té Publique inter­vient par la mise en réseau des acteurs :

  • au niveau ter­ri­to­rial (23 réseaux sont label­li­sés dans 13 régions),
  • au niveau sec­to­riel : san­té-social, don­nées publiques…
  • et par des obser­va­toires thé­ma­tiques sur la par­ti­ci­pa­tion des usa­gers-clients-citoyens, l’é­va­lua­tion de la satis­fac­tion, l’ac­cueil, l’é­va­lua­tion de la qua­li­té publique, la fonc­tion qua­li­té qui vont don­ner lieu à des publi­ca­tions à la Docu­men­ta­tion française.

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