schématisation de nanoparticules

La passion de trois thésardes

Dossier : BiotechnologiesMagazine N°726 Juin 2017
Par Mathilde KOCH (12)
Par Marion PAOLINI (10)
Par Marie ROUQUETTE (11)

Trois jeunes poly­tech­ni­ciennes, pas­sion­nées par les bio­tech­no­lo­gies, dis­cutent de leur ave­nir autour d’un café. Un doc­to­rat est indis­pen­sable à la sor­tie de l’É­cole, mais son obten­tion ouvre toutes les portes et l’on peut choi­sir ensuite selon son goût ou sa voca­tion, res­ter dans la recherche publique ou pri­vée ou plon­ger dans le grand bain de l’industrie.

Par une fraîche soi­rée de novembre, nous nous retrou­vons, Marion Pao­li­ni (2010), Mathilde Koch (2012) et Marie Rou­quette (2011), dans un café du XIVe pour par­ler de ce fameux article que nous sou­hai­tons écrire pour La Jaune et la Rouge sur les doc­to­rats dans les biotechnologies. 

ELLES ÉTAIENT TROIS JEUNES POLY(BIO)TECHNICIENNES

Marion ter­mine son doc­to­rat en contrat CIFRE (Conven­tions indus­trielles de for­ma­tion par la recherche) chez Nanobiotix, 

“ Développer une nanomédecine plus universelle, offrant une solution à tous les patients ”

Mathilde entre en pre­mière année de doc­to­rat en bio-infor­ma­tique dans un labo­ra­toire aca­dé­mique et Marie, entre elles deux, entame sa deuxième année à l’Institut Galien. 

De quoi ani­mer une riche dis­cus­sion. Et celle-ci s’engage rapi­de­ment : nous sommes pas­sion­nées par les mêmes tech­no­lo­gies et moti­vées par les mêmes défis. 

REPÈRES

L’OCDE définit la biotechnologie comme « l’application à des organismes vivants des principes scientifiques et de l’ingénierie à la transformation de matériaux vivants ou non-vivants aux fins de la production de connaissances, de biens et de services ».
La biotechnologie résulte d’un mariage entre la science des êtres vivants – la biologie – et un ensemble de techniques nouvelles issues d’autres disciplines telles que la microbiologie, la biochimie, la biophysique, la génétique, la biologie moléculaire, l’informatique…
Elles contribuent aujourd’hui à moins de 1 % du PIB des pays de l’OCDE, mais ce seuil pourrait monter à 2,7 % d’ici 2030.

LES PROMESSES DE LA NANOMÉDECINE

Marion et Marie tra­vaillent dans la nano­mé­de­cine : c’est l’utilisation de nano­par­ti­cules, des objets envi­ron 100 à 1 000 fois plus petits que les cel­lules humaines, pour des appli­ca­tions thé­ra­peu­tiques ou de diag­nos­tic. Marion cherche à amé­lio­rer le ratio béné­fice-risque en onco­lo­gie en se concen­trant sur des pro­prié­tés de bio­phy­sique et de bio­mé­ca­nique per­mises par la nanomédecine. 

“ Le doctorat, une étape indispensable à la sortie de l’X ”

Quant à Marie, la forme nano­par­ti­cu­laire sur laquelle elle tra­vaille sert à cibler le foie et à pro­té­ger un prin­cipe actif, l’adénosine.

Sous forme libre, cette molé­cule est dégra­dée dans la cir­cu­la­tion san­guine au bout de quelques secondes, alors que, sous forme de nano­par­ti­cules, elle est beau­coup plus stable. Cela per­met de revi­si­ter son uti­li­sa­tion cli­nique pour une gamme de patho­lo­gies bien plus vaste. 

Contrai­re­ment à la ten­dance actuelle prô­nant la méde­cine per­son­na­li­sée, nous cher­chons à déve­lop­per une nano­mé­de­cine plus uni­ver­selle, offrant une solu­tion à tous les patients. 

BIO ET BIG DATA

Mathilde nous entraîne dans le monde de la bio-infor­ma­tique avec, bien sûr, l’exploitation des big data, mais aus­si la simu­la­tion de com­por­te­ments d’objets biologiques. 

Elle va, par exemple, recréer sur ordi­na­teur le com­por­te­ment de bac­té­ries pour les modi­fier de façon ciblée afin qu’elles puissent détec­ter des com­po­sés toxiques ou des bio­mar­queurs de maladie. 

Ces tech­niques, connues sous le nom de bio­lo­gie syn­thé­tique, visent entre autres à réduire les coûts de détec­tion médi­cale ou envi­ron­ne­men­tale en mini­mi­sant le recours aux tech­niques chimiques. 

Nous nous accor­dons sur nos rai­sons du choix du doc­to­rat. Cha­cune d’entre nous a consi­dé­ré le doc­to­rat comme une étape indis­pen­sable à la sor­tie de l’X. Un doc­to­rat, c’est avant tout un défi scientifique. 

Trois ans pour pous­ser l’étude d’un sujet le plus loin pos­sible, se spé­cia­li­ser en se for­mant, en appor­tant sa contri­bu­tion et en ren­con­trant un réseau d’experts.

C’est aus­si un pré­re­quis pour pro­gres­ser dans les bio­tech­no­lo­gies, l’industrie étant très proche de la recherche dans ce domaine. 


La nano­mé­de­cine : c’est l’utilisation de nano­par­ti­cules, des objets envi­ron 100 à 1 000 fois plus petits que les cel­lules humaines, pour des appli­ca­tions thé­ra­peu­tiques ou de diag­nos­tic. © ANDRII VODOLAZHSKYI / SHUTTERSTOCK.COM

DES DOCTORATS SOUS DES FORMES DIVERSES

Marion a opté pour le doc­to­rat en entre­prise (CIFRE) car elle vou­lait aus­si embras­ser les ques­tions stra­té­giques et de déve­lop­pe­ment indus­triel. Sa volon­té de déve­lop­per un pro­duit pour les patients coïn­ci­dait bien avec les objec­tifs orien­tés vers le mar­ché d’une entreprise. 

LES BACTÉRIOPHAGES

Ces virus, infectant les bactéries mais inoffensifs pour l’homme, sont utilisés dans les pays de l’ancien bloc communiste pour lutter contre la tuberculose ou des infections au staphylocoque doré.
En France ou aux États-Unis, au contraire, ils restent très méconnus, car leur production est difficilement contrôlable et donc impossible à autoriser selon les critères actuels des agences réglementaires.
Pourtant, n’est-ce pas une voie prometteuse face aux bactéries résistantes aux antibiotiques et à la recrudescence des maladies infectieuses ?

Mathilde a choi­si d’effectuer une thèse aca­dé­mique dans un labo­ra­toire ayant don­né nais­sance à une start-up l’année pré­cé­dant son arri­vée. Si sa recherche, dans un cadre aca­dé­mique, peut don­ner des résul­tats exploi­tables par une entre­prise, elle serait à même de la créer dans cet envi­ron­ne­ment. Par ailleurs, il lui semble qu’elle aura une plus grande liber­té de recherche dans le domaine académique. 

Marie ren­ché­rit : la recherche pré­cli­nique qu’elle mène à l’Institut Galien lui per­met d’appréhender l’énorme poten­tiel inno­vant des labo­ra­toires publics. Forte de cette connais­sance, elle tâche­ra, au cours de sa car­rière, de rap­pro­cher indus­trie et monde aca­dé­mique pour trans­for­mer ce poten­tiel en inno­va­tion clinique. 

LES BIOTECHNOLOGIES : ENCORE BEAUCOUP À EXPLORER

Bien sûr, la dis­cus­sion pro­gresse sur d’autres bio­tech­no­lo­gies que nos sujets de doc­to­rat, cer­taines en plein essor, d’autres plus mécon­nues. Qui se sou­vient, par exemple, qu’il fut un temps où l’on pen­sait à l’utilisation de bac­té­rio­phages comme antibiotiques ? 

“ La recherche au présent est synonyme de questions ”

Et com­ment ne pas débattre de CRIS­PR-Cas9, cette tech­no­lo­gie qui per­met de faire du copier/coller géné­tique avec une extrême pré­ci­sion ? Ses poten­tia­li­tés sont immenses : gué­ri­son de mala­dies géné­tiques, thé­ra­pies géniques infi­ni­ment plus efficaces. 

Mais les ques­tions qu’elle sou­lève sont tout aus­si éthi­que­ment inquié­tantes : va-t-on et veut-on modi­fier les lignées ger­mi­nales humaines et prendre le risque de réveiller les démons de l’eugénisme ?

BIOTECHS ET DÉBAT SOCIÉTAL

Ain­si les bio­tech­no­lo­gies repré­sentent un espoir : des inno­va­tions et des oppor­tu­ni­tés médi­cales, éco­no­miques, socié­tales majeures, mais engendrent aus­si des débats. C’est d’ailleurs un sujet à la mode en cette période élec­to­rale, où les can­di­dats prônent les bio­tech­no­lo­gies et les nano­tech­no­lo­gies. Nous abou­tis­sons donc sur un sujet qui nous tient à cœur : la place de la recherche et du cher­cheur dans la société. 

Bactériophage, virus, infectant les bactéries
Les bac­té­rio­phages sont des virus, infec­tant les bac­té­ries mais inof­fen­sifs pour l’homme. © NOBEASTSOFIERCE / SHUTTERSTOCK.COM

De l’extérieur, il est sou­vent dif­fi­cile d’appréhender ce que sont la recherche et la vie d’un cher­cheur en biotechnologie. 

En tant que « thé­sardes », nous sommes sou­vent confron­tées à l’incompréhension de nos proches, entre ceux qui pensent que nous pou­vons répondre à toutes leurs ques­tions et ceux qui nous demandent si nous tra­vaillons à plein temps. 

Les Ted­talks ou les pré­sen­ta­tions comme « Ma thèse en 180 secondes » per­mettent de faire décou­vrir ce monde au grand public et de bâtir des ponts entre la recherche et la société. 

La plus grande dif­fi­cul­té de la vul­ga­ri­sa­tion scien­ti­fique reste de faire com­prendre que, si la recherche au pas­sé est syno­nyme de réponses, la recherche au pré­sent est, elle, syno­nyme de questions. 

Et pour la suite ? 

Marion réflé­chit déjà à déve­lop­per un outil de diag­nos­tic grâce à des nano­par­ti­cules, Mathilde et Marie sont ouvertes à créer une spin-off de leur labo­ra­toire académique. 

Nous consi­dé­rons que les bio­tech­no­lo­gies trouvent leur uti­li­té dans la socié­té par le biais de pro­duits sur le mar­ché, pour les patients.

Commentaire

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Syl­vainnerépondre
4 septembre 2017 à 7 h 34 min

c’est par la pas­sion de ces
c’est par la pas­sion de ces jeunes qu’on avance, feli­ci­ta­tion a ces trois the­sardes pour leur travail !
ou peut-on trou­ver les theses pour les lires ?
Merci

Syl­vainne

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