« La prévention des cancers est un de nos plus gros enjeux »
Thierry Breton, directeur général de l’Institut national du cancer, nous en dit plus sur la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021–2030 et ses priorités, il revient également sur la création de l’association Filière intelligence artificielle et cancer et son potentiel dans la lutte contre les cancers. Entretien.
Que faut-il retenir de la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021–2030 ?
Elle est d’abord très ambitieuse, et elle se place à un horizon de 10 ans, ce qui est assez novateur. En parallèle, elle se fixe des objectifs quantitatifs très ambitieux en termes de réduction du nombre de cancers, de participation des Français au programme de dépistage, de réduction du poids des séquelles… Cette stratégie très différente des précédentes s’appuie aussi sur une volonté forte d’orienter la recherche française sur des thématiques considérées comme prioritaires : la prévention, la lutte contre les cancers de mauvais pronostic, la lutte contre le cancer des enfants. Enfin, elle est aussi très ambitieuse en termes de moyens alloués : notre feuille de route jusqu’en 2025 est dotée de plus de 1,7 milliards d’euros, soit une augmentation de 20 %.
Dans la lutte contre le cancer, l’IA va jouer un rôle encore plus important notamment avec la création de l’association Filière intelligence artificielle et cancer. Qu’en est-il ?
L’IA est déjà largement utilisée dans le traitement des cancers, notamment en imagerie. Toutefois, son potentiel n’est pas encore totalement exploité. Nous explorons donc différentes pistes pour développer l’utilisation de l’IA au service de la valorisation des données dont nous disposons et qui sont, par ailleurs, au cœur du fonctionnement même des algorithmes d’IA.
Dans cette continuité, en partenariat avec huit laboratoires privés (AstraZeneca, Janssen-Cilag, MSD France, Novartis, Pfizer, Pierre Fabre, Roche Diagnostics France, AMGEN), l’Institut et l’Alliance pour la recherche et l’innovation des industries de Santé (ARIIS), le Health Data Hub et France Biotech, nous avons lancé cette association. Sa mission est très claire. Conçue pour être au service des patients, son objectif est de valoriser les données de santé pour :
- Accompagner des projets de recherche en vue d’améliorer la connaissance sur les cancers, permettre une meilleure prise en soins des patients et une médecine de plus grande précision ;
- Promouvoir l’innovation et le développement de solutions de diagnostic thérapeutique notamment au service des malades.
Nous sommes un des instigateurs de ce partenariat public privé. Au-delà, nous avons aussi un rôle de tiers de confiance et de garant de la vision stratégique de cette initiative. En effet, nous veillons à ce que l’ensemble des projets financés s’inscrivent dans la mission d’intérêt général de l’association : une utilisation de la donnée de santé au service des patients.
Des projets commencent à voir le jour : le développement d’une molécule pour le traitement des cancers du sein ; le développement d’une molécule pour le traitement du cancer du poumon avec un suivi en vie réelle ; le développement d’un bras virtuel dans le cadre d’un essai clinique basé sur l’exploitation des données disponibles sur un traitement dispensé… La réussite de ce dernier projet permettra, d’ailleurs, de pouvoir réduire considérablement les coûts des essais cliniques et contribuera également à renforcer l’attractivité de la France dans le domaine pharmaceutique.
Et pour conclure ?
La prévention des cancers est un de nos plus gros enjeux. Elle représente le principal levier pour réduire le poids du cancer en France alors qu’on estime que 40 % des cancers sont liés à l’exposition à des facteurs de risques de cancers évitables (tabac, alcool, alimentation déséquilibré…). La mobilisation doit être collective pour faire reculer ces comportements notamment en matière de lutte contre le tabac, qui doit être dénormalisé alors qu’on recense tous les ans 45 000 décès par cancer directement liés à sa consommation.
Enfin, il est aussi essentiel de promouvoir la coopération internationale dans la lutte contre les cancers afin de mieux coordonner et mutualiser les efforts pour développer dès aujourd’hui les solutions thérapeutiques de demain.