La production de menthol
REPÈRES
Le menthol qui, comme son nom l’indique, fleure la menthe, est l’arôme le plus vendu au monde, à raison d’une vingtaine de kilotonnes par an. Son prix de gros est d’environ 19 dollars/kg. Ses utilisations vont des dentifrices et cigarettes à l’industrie alimentaire.
La plante d’où on tire le menthol par entraînement à la vapeur, Mentha arvensis, est une culture asiatique : d’abord au Japon, puis en Chine, et surtout en Inde à présent. Ce dernier pays peut en fournir 16 kt/an, les bonnes années : cette culture est sujette, avec un rythme décennal, aux caprices de la mousson et à ses dévastations.
Ce menthol naturel est l’énantiomère lévogyre ou (-)-menthol. Le (+)-menthol a lui aussi une odeur de menthe. Mais le seul (-)-menthol apporte une sensation de fraîcheur, par son interaction, non seulement avec des récepteurs olfactifs, mais aussi avec des récepteurs du froid.
Le menthol de synthèse est donc indispensable, compte tenu aussi de l’accroissement de la demande. Trois voies d’accès existent actuellement vers cette molécule cible chirale, redevable donc d’énantiosélectivité dans son obtention. La société nipponne Takasago part du myrcène, de la famille des terpènes. Son procédé, en cinq étapes, le convertit d’abord en un précurseur du citronellal, l’aldéhyde responsable de l’arôme de citronelle, par le biais d’une isomérisation asymétrique et d’un catalyseur chiral au rhodium mis au point par le professeur Noyori Ryoji, prix Nobel de chimie en 2001. Un procédé rival est celui de la société Symrise (issue en 2002 de la fusion en 2002 de Dragoco et de la succursale Haarmann & Reimer de Bayer).
Une concurrence entre Occidentaux et Asiatiques
Il part du meta-crésol pour aboutir, en six étapes, au menthol. La troisième voie de synthèse est celle mise en oeuvre par BASF, dans une nouvelle unité à la capacité de 3 à 5 kt/an, à Leverkusen, en Allemagne. La matière première en est le (Z)-citral, ou néral, converti en menthol en quatre étapes, via le (+)-®-citronellal, par hydrogénation catalytique asymétrique, suivie d’une cyclisation en (-)-isopulégol, qu’il ne reste plus qu’à hydrogéner en (-)-menthol.
La fabrication du menthol illustre plusieurs tendances actuelles de l’industrie chimique : l’indispensable synthèse, lorsqu’un composé naturel est sujet à des fluctuations d’approvisionnement, quelles qu’en soient les causes ; la tout aussi indispensable énantiosélectivité dans la synthèse d’une substance naturelle ; la concurrence entre industriels occidentaux et asiatiques.