La qualité des eaux en France : progrès et préoccupations
Des efforts qui portent leurs fruits
La pollution des cours d’eau par les macropolluants d’origine urbaine a globalement diminué de moitié depuis la fin des années 1990 (figure 1), principalement grâce à l’amélioration du traitement des eaux résiduaires usées.
Toutefois, malgré ces améliorations, les orthophosphates et l’ammonium ne respectent pas, localement, les normes de qualité définies par la DCE.
L’excès de phosphore peut être à l’origine de phénomènes d’eutrophisation dans les cours d’eau et les plans d’eau.
Surveiller les pollutions diffuses
Les évolutions sont moins nettes concernant les pollutions diffuses. C’est notamment les cas des polluants très majoritairement d’origine agricole. Ainsi, sur la décennie 2000, la teneur en nitrates est globalement stable dans les cours d’eau (figure 2).
“ Les macropolluants d’origine urbaine ont diminué de moitié depuis la fin des années 1990 ”
Compte tenu des temps de transfert, elle a continué à augmenter dans les eaux souterraines au début des années 2000 pour se stabiliser depuis. Une baisse semble s’amorcer depuis le début des années 2010, mais elle reste à confirmer en raison de l’influence de la pluviométrie, les nitrates étant moins présents dans les eaux les années sèches.
Des progrès sont enregistrés localement, notamment dans l’ouest de la France, mais ils sont souvent insuffisants pour assurer une reconquête de la qualité des eaux et mettre un terme aux phénomènes d’eutrophisation des côtes et de marées vertes. Ils sont également contrebalancés par des dégradations dans d’autres secteurs.
Les enjeux de la pollution par les nitrates sont à la fois sanitaires, conduisant à la réglementation de leur teneur dans l’eau potable, environnementaux avec l’eutrophisation des cours d’eau, et économiques, la lutte contre cette pollution induisant des coûts importants.
Des phytosanitaires toujours très répandus
Figure 2. Évolution des teneurs en nitrates dans les eaux continentales métropolitaines entre 1996 et 2012. |
Source : agences de l’eau – BRGM, banque de données Ades – Réseaux RCS, RCO – Météo-France, MEDDTL/DEB – Traitement : SOeS, note : France métropolitaine, indice base 100 en 1996. |
Si les pesticides sont majoritairement utilisés en agriculture, ils font également l’objet d’un usage non agricole par les gestionnaires d’équipements ou de réseaux de transport, les collectivités locales ou les particuliers.
Les substances actives des pesticides et les molécules issues de leur dégradation, appelées métabolites, sont susceptibles de se retrouver dans les différents compartiments de l’environnement (air, sol, eaux, sédiments, etc.) ainsi que dans les aliments et donc dans la chaîne alimentaire. Même si elles ont initialement un rôle sanitaire contre les organismes nuisibles aux récoltes, elles présentent in fine, par leur migration dans les différents milieux, des dangers plus ou moins importants pour l’homme et les écosystèmes, avec un impact immédiat ou à long terme.
Des produits phytosanitaires, ou leurs résidus, ont été détectés en 2011 dans 93 % des points suivis dans les cours d’eau et dans 63 % des points d’eaux souterraines.
Ce constat est pratiquement le même depuis que les premiers bilans ont été réalisés à la fin des années 1990. Cette contamination est principalement due à des herbicides en métropole et à des insecticides outre-mer.
“ La lutte contre les nitrates induit des coûts importants ”
Si les teneurs mesurées sont parfois très faibles, elles traduisent néanmoins une dispersion importante des pesticides dans les milieux aquatiques.
Présence importante de produits de dégradation dans les eaux souterraines
En 2011, les normes de qualité définies dans le cadre de la DCE n’étaient pas respectées sur 4 % des points de suivi en cours d’eau et 18 % en eaux souterraines. Cette différence s’explique par des normes portant sur l’ensemble des pesticides dans les eaux souterraines alors qu’elles ne concernent que quelques substances dans les cours d’eau, pour la plupart déjà interdites.
On observe une diminution des molécules interdites dans les cours d’eau alors qu’elles persistent et s’accumulent dans les eaux souterraines, notamment sous forme de nombreux produits de dégradation (figure 3).
Figure 3. Pesticides les plus quantifiés dans les nappes de France métropolitaine en 2011. En pourcentage d‘analyses quantifiées par substance. |
Note : H = Herbicide ou son résidu ; F = Fongicide. Source : agences de l’eau – BRGM, banque Ades – Mesures sur réseaux DCE, RCS et RCO. Traitement : SOeS, 2013. |
Micropolluants et polluants émergents
D’autres micropolluants, utilisés lors de processus industriels ou entrant dans la composition de nombreux produits d’usage industriel, agricole ou domestique, sont très présents dans les milieux aquatiques, même s’ils le sont un peu moins que les pesticides.
“ Des molécules interdites persistent et s’accumulent dans les eaux souterraines ”
C’est le cas des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) qui, du fait de leur toxicité, sont soumis à des normes de qualité très strictes et qui, dans les cours d’eau, les dépassent fréquemment.
Leurs origines, diffuses et multiples comme la combustion de bois ou d’hydrocarbures, ainsi que le poids de certaines pollutions industrielles historiques, en font une pollution ubiquiste et difficilement maîtrisable.
Les eaux souterraines sont moins touchées. Des composés phénoliques et des composés organohalogénés volatils (COHV) sont néanmoins mesurés sur 17 % des points de suivi des nappes.
Les « polluants émergents » font l’objet d’une préoccupation récente même si leur usage est parfois ancien. Ils ont fait l’objet de campagnes de mesures en 2011 et 2012 afin de mieux cerner leur présence dans les milieux aquatiques.
Ces substances, jusqu’alors peu surveillées, relèvent d’usages très variés : médicaments, substances à usage industriel ou domestique comme les cosmétiques, substances dangereuses à usages multiples, listes complémentaires de pesticides, etc.
Suivre la flore et la faune
Traitement des cultures.
La flore (phytoplancton, diatomées, macrophytes) et la faune (invertébrés, poissons) sont des éléments à part entière du suivi de la qualité des eaux de surface. Sur la période 2009–2010, près de 56 % des points de suivi de la qualité piscicole des cours d’eau présentent un bon, voire un excellent état.
Depuis 2001, l’évolution reste relativement stable, avec toutefois une légère amélioration les dernières années. De fortes disparités existent cependant entre les bassins hydrographiques.
Outre la qualité chimique et physicochimique de l’eau, les poissons sont sensibles au régime hydrologique et à l’état physique des cours d’eau.
La France dans la moyennne européenne
En 2013, 44 % des masses d’eau de surface étaient en bon état écologique et 50 % en bon état chimique. Parallèlement, 67 % des masses d’eau souterraine avaient atteint le « bon état chimique » (figure 4).
Toutefois, compte tenu de connaissances encore partielles et d’une surveillance qui ne peut être exhaustive, la qualification de l’état écologique des masses d’eau de surface est marquée par une forte incertitude, avec la moitié de ces masses d’eau qualifiées avec un faible niveau de confiance.
“ La moyenne européenne cache une grande disparité ”
Par ailleurs, les méthodologies d’évaluation de l’état et les référentiels (masses d’eau, seuils d’interprétation, etc.) évoluent en fonction des connaissances acquises. Si ces évolutions concourent à une meilleure appréciation de l’état des milieux aquatiques, elles peuvent rendre difficile, voire impossible, la comparaison dans le temps des différents états des lieux.
Si l’on se réfère à l’évaluation 2009, pour laquelle des données sont disponibles pour l’ensemble de l’UE, la proportion des eaux de surface françaises en bon état écologique (41,4 %) est comparable à la moyenne européenne de 38,8 %.
En revanche, la situation des eaux souterraines françaises est moins bonne qu’au niveau européen, où 80 % d’entre elles sont en bon état chimique, contre 59 % en France. La moyenne européenne cache toutefois une grande disparité.
Malgré des critères d’évaluation définis par la directive-cadre européenne (DCE), les approches peuvent être assez différentes d’un pays à l’autre, tant dans la façon de décrire les masses d’eau que dans la manière de rapporter leur état.
Figure 4. État écologique et chimique des masses d‘eau de surface et souterraines françaises en 2013. |
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État écologique des masses d’eau de surface françaises en 2013 | État chimique des masses d’eau de surface françaises en 2013 | État chimique des masses d’eau souterraine françaises en 2013 |
Note : état des lieux 2013, à partir des données de 2011 de la France entière, hors Guadeloupe, Martinique et Mayotte. L’état quantitatif des eaux souterraines est présenté dans la partie du rapport consacrée aux ressources naturelles (voir chap. “Ressource en eau”). Source : Agences de l’eau – offices de l’eau – Onema, mars 2014. Traitement : SOeS, 2014. |
Prélèvement d’eau en rivière.
POUR EN SAVOIR PLUS
Les informations présentées dans le présent article sont développées dans le rapport sur l’état de l’environnement 2014, publié en septembre 2014 par le Service de l’observation et des statistiques (SOeS) du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie.
Les données utilisées sont issues du système d’information sur l’eau (SIE).
Sites Internet : Eaufrance, le portail de l’Eau
Service de l’Observation et des Statistiques
– L’essentiel sur l’environnement :
– Rubrique > Milieux > Eau.
Commentaire
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La qualité des publications de « La jaune et la rouge » ?
Auteur du commentaire : Anne Spiteri (74)
Je suis très choquée par le manque d’esprit critique, d’indépendance et d’ouverture de cet article de « La jaune et la rouge » sur la qualité des eaux (on n’évoque même pas le manque de pertinence des statistiques et graphiques présentés avec la désinformation qui en résulte, ni le manque de pertinence de la définition et du calcul d’un « bon état chimique » simpliste et réducteur incapable de traduire la réalité de la contamination chimique et de la toxicité des eaux et qui ne prend même pas en compte les cocktails de substances, etc.). Pas de scientifiques interrogés sur le sujet ?
C’est d’autant plus choquant que « La jaune et la rouge » publiait en novembre 2011 l’article Faut-il mesurer l’environnement ? où le chef du SOeS de l’époque reconnaissait lui-même « la qualité des résultats laisse sans doute à désirer dans certains cas ; elle est en deçà de ce qu’on peut trouver en statistiques économiques et sociales ou en données scientifiques. Il faudra à l’avenir recourir à des méthodes de mesure plus rigoureuses pour améliorer la précision des résultats ». Selon moi, le terme particulièrement vague « dans certains cas » concerne forcément au moins l’eau, l’interview ayant été réalisé après la publication du site Eau-Evolution et de ses critiques étayées sur la surveillance et l’évaluation de l’état réel des eaux…
Dans ces conditions, je pense indispensable de compléter la rubrique « POUR EN SAVOIR PLUS » ; vous trouverez ci-dessous quelques liens donnant le point de vue indépendant d’une polytechnicienne qui a été chargée de mission eau à l’Ifen (ex SOeS) avant sa transformation en service statistique SOeS du Ministère de l’écologie :
L’eau, toujours source de vie ? L’état réel des eaux et des données sur l’eau : Une synthèse indépendante, réalisée à partir des données brutes publiques disponibles, sur l’état réel des eaux et sur les problématiques de la surveillance et de l’évaluation de cet état. Ce document porte un intérêt tout particulier sur la pollution chimique généralisée et sur les aspects globaux et cumulés des dégradations. Il montre que les informations publiques sont déficientes par rapport aux enjeux et aux données existantes, elles-mêmes très partielles et insuffisantes.
Atlas et livre noir de la qualité de l’eau en France : Un livre noir de la qualité de l’eau en France à travers un atlas de cartes de qualité des eaux superficielles et souterraines et des sédiments. Ces cartes des pollutions par les macropolluants ou les micropolluants chimiques, ainsi que de leur mesure, montrent l’ampleur des dégradations de l’état des eaux. Elles montrent aussi l’incapacité de l’Etat à protéger et à surveiller efficacement la ressource en eau pourtant déclarée patrimoniale depuis 1992.
Les grandes faillites de l’Etat sur l’eau et les milieux aquatiques : Les grandes faillites de l’Etat sur l’eau et les milieux aquatiques sont au nombre de quatre. Ces manquements concernent la protection de la ressource patrimoniale en eau, la surveillance (données brutes) de la ressource patrimoniale en eau, l’information sur l’état réel de la ressource patrimoniale en eau, et la révision de nos modèles archaïques de pression agricole, industrielle et domestique afin de les rendre durables.
Et pour les amateurs, on ne peut pas passer sous silence le dernier livre de Marc Laimé Le lobby de l’eau (« Le lobby de l’eau c’est moins d’une centaine de personnes en France, élus demi-soldes de la politique nationale, mais véritables « barons de l’eau », hauts fonctionnaires des grands corps de l’Etat, membres d’associations socio professionnelles du secteur, représentants de l’agriculture, de l’industrie, de l’énergie, des multinationales françaises de l’eau, des instituts de recherche spécialisés… Omniprésents, monopolisant toutes les instances de décision, érigeant les conflits d’intérêts en mode de gouvernement, les membres du lobby de l’eau ont précipité une crise financière, environnementale, sanitaire, aux conséquences catastrophiques à l’horizon des toutes prochaines années »).