La recherche à l’heure de la mondialisation
Peu avant que ne roule sous l’échafaud la tête de Lavoisier, un député de la Convention s’était exclamé : » La République n’a pas besoin de savants ! » Mais ce refus n’était déjà pas dans l’esprit du temps puisque, peu après, des membres éminents du Comité de Salut public, notamment Monge et Carnot, inspirés par l’esprit des Lumières, pour satisfaire les besoins de la nation française en savants, ingénieurs, officiers, décident de créer une pépinière de talents. Dès 1794, ils instituent l’École polytechnique, l’École normale supérieure et le Muséum d’histoire naturelle. De fait la réussite scientifique de ces nouvelles institutions fut remarquable. Les noms des plus grands savants du xixe siècle en témoignent : Gay-Lussac, Arago, Cauchy, Coriolis, Fresnel…
Depuis ces années, le monde a connu des bouleversements radicaux largement dus à ce qui a longtemps été appelé » progrès scientifique « . L’opinion découvre aujourd’hui que la science ne va pas forcément de pair avec le progrès mais, en même temps, elle demande une mobilisation sans précédent de ressources et de talents pour que la recherche nous fournisse les réponses aux mille problèmes et menaces auxquels l’humanité se trouve confrontée : la recherche est désormais un enjeu majeur. Aujourd’hui encore, donc, la République a besoin de savants.
La Jaune et la Rouge, en fin d’année dernière, a apporté un premier éclairage sur la recherche en France. Beaucoup s’alarment et sans doute à juste titre. Ils craignent que notre pays ne sache pas former, retenir et utiliser les talents toujours plus grands, nombreux et variés dont un pays moderne a besoin. Ils s’inquiètent aussi de la capacité de nos équipes à transformer les découvertes de laboratoire en inventions directement exploitables.
Dans un domaine plus que tout autre marqué par la mondialisation, la réponse à ces questions et à ces craintes oblige à regarder ce qui se fait ailleurs, plus particulièrement dans des pays phares en matière de recherche, et à comparer les pratiques. C’est la démarche proposée par ce dossier. Confrontée aux défis de demain, la République a‑t-elle tous les savants dont elle a besoin ?
Nous remercions chaleureusement la revue La Recherche et notamment son directeur scientifique Jean-Michel Ghidaglia (58) qui nous a beaucoup aidés dans la préparation des deux dossiers.