La recherche sur le campus Polytechnique

Dossier : L'École polytechniqueMagazine N°622 Février 2007Par Maurice ROBIN

Dans la com­pé­ti­tion mon­diale dont fait désor­mais l’ob­jet l’en­sei­gne­ment supé­rieur, le fac­teur majeur de réus­site est la qua­li­té de la recherche. C’est évi­dem­ment le cas des ins­ti­tu­tions qui font réfé­rence dans le monde, bien sûr beau­coup d’u­ni­ver­si­tés amé­ri­caines bien connues, mais aus­si euro­péennes pas uni­que­ment dans les plus grands pays d’Eu­rope, puisque, par exemple, Poly­tech­ni­cum de Zurich (ETH) figure en bonne place dans tous les clas­se­ments. C’est aus­si l’é­ten­due et la qua­li­té de leur recherche qui font la répu­ta­tion de leur doc­to­rat, diplôme le plus éle­vé sur le plan international.

Dans ce contexte, un élé­ment pri­mor­dial de la stra­té­gie de l’É­cole est de consti­tuer un cam­pus d’en­ver­gure inter­na­tio­nale en s’as­so­ciant avec d’autres orga­nismes. Ce cam­pus doit deve­nir un lieu d’ex­cel­lence scien­ti­fique et d’in­no­va­tion contri­buant aus­si bien à la créa­tion de connais­sances et au déve­lop­pe­ment de tech­no­lo­gies qu’à leur trans­fert vers le milieu éco­no­mique, tout en pre­nant en compte les grands enjeux de socié­té, éner­gie, san­té, envi­ron­ne­ment, infor­ma­tion, sécurité…

Des partenariats nécessaires

Labo­ra­toire de biochimie

La recherche de l’É­cole est déjà essen­tiel­le­ment par­te­na­riale : les 21 labo­ra­toires de l’É­cole sont « mixtes » avec le CNRS et plu­sieurs sont éga­le­ment asso­ciés avec d’autres orga­nismes (INSERM, UPMC, CEA, INRIA, ENSTA…). D’autre part, la région pari­sienne est extrê­me­ment riche en labo­ra­toires. S’o­rien­ter vers des regrou­pe­ments est donc plus réa­liste que d’en­vi­sa­ger de trou­ver les moyens d’un déve­lop­pe­ment auto­nome et tous les orga­nismes par­tagent le même besoin de faire face à la com­pé­ti­tion inter­na­tio­nale et d’op­ti­mi­ser les moyens.

Dans cette opti­mi­sa­tion, les orga­nismes publics de recherche et les entre­prises sont de plus en plus inté­res­sés à coor­don­ner leurs efforts de recherche et à le faire à proxi­mi­té des étu­diants. L’É­tat, notam­ment avec la créa­tion des RTRA, des PRES, des pôles de com­pé­ti­ti­vi­té ain­si que les col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales veulent aus­si encou­ra­ger les pro­jets coopé­ra­tifs struc­tu­rants. Tous ces élé­ments confirment la per­ti­nence du concept de cam­pus « mul­tior­ga­nisme » choi­si par l’École.

Quels axes de développement ?

Le déve­lop­pe­ment du poten­tiel de recherche du cam­pus doit se faire en tenant compte de la voca­tion mul­ti­dis­ci­pli­naire de l’É­cole et des domaines clés pour l’a­ve­nir tant sur le plan scien­ti­fique que pour la com­pé­ti­ti­vi­té ou les enjeux de socié­té. Il faut cepen­dant faire des choix et l’É­cole a mis en avant plu­sieurs domaines :

• bio­lo­gie et interfaces,
• sciences et tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion et des com­mu­ni­ca­tions (STIC),
• optique-nanos­ciences et matériaux,
• économie-finance-gestion,
• climat-environnement,
• énergie.

La bio­lo­gie devient un domaine omni­pré­sent et qui inter­agit avec toutes les autres sciences. Pour être pré­sente dans cette dis­ci­pline au bon niveau, l’É­cole doit aug­men­ter signi­fi­ca­ti­ve­ment son poten­tiel et a défi­ni dans ce but un pro­gramme « Bio­lo­gie et inter­faces » qui fait inter­ve­nir tous les dépar­te­ments. Ce pro­gramme implique de nou­velles infra­struc­tures de nature à atti­rer des équipes de talent, en coopé­ra­tion avec le CNRS et l’IN­SERM notamment.

Dans le domaine des STIC, l’ar­ri­vée de Thales et l’as­so­cia­tion avec l’IN­RIA, le CEA, le CNRS, Paris XI et Supé­lec dans Digi­teo Labs qui com­pren­dra 300 per­sonnes sur le site de l’X en 2009 vont faire du cam­pus un acteur majeur dans le domaine des sys­tèmes com­plexes, du « sys­tème sur puce » aux grands sys­tèmes indus­triels à forte com­po­sante logicielle.

Avec Thales (voir l’ar­ticle ci après), l’É­cole a enga­gé un par­te­na­riat à long terme qui a don­né nais­sance à une équipe com­mune « Nano­carb » dédiée aux dis­po­si­tifs élec­tro­niques à base de nano­tubes de car­bone, à la chaire « Ingé­nie­rie des sys­tèmes com­plexes » et à une cen­trale de tech­no­lo­gie mutua­li­sée Thales-Poly­tech­nique-Ins­ti­tut d’optique.

Digi­teo Labs, qui vient d’être éten­du en un RTRA (Réseau thé­ma­tique de recherche avan­cée), va struc­tu­rer la recherche en STIC du pla­teau de Saclay et sera le prin­ci­pal acteur public du pôle de com­pé­ti­ti­vi­té System@tic. Des moyens nou­veaux per­met­tront ain­si la créa­tion de pro­jets d’am­pleur inter­na­tio­nale aux­quels par­ti­ci­pe­ront le Labo­ra­toire d’in­for­ma­tique (LIX), le Centre de mathé­ma­tiques appli­quées (CMAP), le Labo­ra­toire de phy­sique des inter­faces et couches minces (LPICM) et le Labo­ra­toire de méca­nique des solides (LMS).

L’ENST étu­die main­te­nant la pos­si­bi­li­té de rejoindre Palai­seau, ce qui lui per­met­trait de béné­fi­cier de ce riche envi­ron­ne­ment scien­ti­fique et don­ne­rait une exten­sion nou­velle à la com­po­sante STIC du campus.

Digiteo Labs

Digi­teo Labs est le pre­mier parc de recherche en sciences et tech­no­lo­gies de l’information en Île-de-France. Il regroupe six éta­blis­se­ments et orga­nismes de recherche : École poly­tech­nique, CEA, CNRS, Supé­lec, INRIA, Uni­ver­si­té Paris Sud XI.
Les recherches de Digi­teo Labs sont cen­trées sur la concep­tion et le déve­lop­pe­ment de sys­tèmes intel­li­gents (phy­siques et logi­ciels), depuis le « sys­tème sur puce » jusqu’au « sys­tème de sys­tèmes ». Les enjeux liés à ces recherches sont la maî­trise des logi­ciels et du maté­riel, la maî­trise de la modé­li­sa­tion et de la simu­la­tion dans leur concep­tion, le déve­lop­pe­ment d’interfaces avan­cées et de nou­veaux modes d’interaction, la ges­tion de grandes masses de don­nées et le cal­cul intensif.
Digi­teo Labs ras­sem­ble­ra plus de 1800 cher­cheurs à hori­zon 2010. Il repré­sen­te­ra 40000 m² de locaux répar­tis en 3 pôles sur le pla­teau de Saclay, dont 8000 m² sur le cam­pus de l’École polytechnique.
Digi­teo Labs est sou­te­nu finan­ciè­re­ment par la Région Île-de-France, le Conseil géné­ral de l’Essonne et la Com­mu­nau­té d’agglomération du pla­teau de Saclay (CAPS).
Digi­teo Labs est éga­le­ment for­te­ment ados­sé aux entre­prises et notam­ment aux PME et aux grands indus­triels d’Île-de-France. Ses équipes jouent un rôle majeur dans le pôle de com­pé­ti­ti­vi­té System@tic. Enfin, Digi­teo a été label­li­sé RTRA (Réseau thé­ma­tique de recherche avan­cée) par le gou­ver­ne­ment en octobre 2006, ce qui ren­force encore son assise finan­cière et sa visi­bi­li­té internationale.


Optique-nanos­ciences et maté­riaux
seront des thèmes forts du RTRA « Tri­angle de la phy­sique » (Palai­seau-Orsay-Saclay) dans lequel inter­vien­dront 8 labo­ra­toires de l’École.

En par­ti­cu­lier, l’en­semble consti­tué par le labo­ra­toire de l’IO (LCFIO), ceux de l’X et de l’ENS­TA (LULI, LOB, LOA), Thales, aux­quels s’a­jou­te­ra l’O­NE­RA en 2010, repré­sen­te­ra un poten­tiel unique en Europe et doit per­mettre de réa­li­ser sur le cam­pus un pro­jet euro­péen (Extreme Light Infra­struc­ture) qui sera le laser à impul­sions ultra­courtes le plus puis­sant sur le plan mon­dial en 2011, dont on attend à la fois une phy­sique jusque-là inex­plo­rée, et des appli­ca­tions nom­breuses tant dans le domaine bio­mé­di­cal que dans celui des maté­riaux. Le site ver­ra éga­le­ment la créa­tion d’un centre dédiée à la struc­ture élec­tro­nique : de la théo­rie à la modé­li­sa­tion et à la simulation.

En éco­no­mie-finance, le déve­lop­pe­ment à Palai­seau du nou­veau dépar­te­ment ensei­gne­ment-recherche d’é­co­no­mie, le par­te­na­riat avec HEC dans l’IN­SE­FI (Ins­ti­tut d’é­co­no­mie et de finance) et l’ins­tal­la­tion de l’EN­SAE et d’une par­tie du labo­ra­toire CREST per­met­tront de réa­li­ser un centre de qua­li­té inter­na­tio­nale. Les chaires sou­te­nues par des entre­prises (voir enca­dré) dans le cadre de la Fon­da­tion du risque, qui asso­cient les dépar­te­ments d’é­co­no­mie et de mathé­ma­tiques appli­quées de l’X, l’EN­SAE, l’ENPC, notam­ment, ren­for­ce­ront ce centre. D’autres chaires en éco­no­mie sont éga­le­ment en pré­pa­ra­tion.Le cli­mat et l’en­vi­ron­ne­ment feront l’ob­jet de nou­veaux pro­jets cen­trés sur l’im­pact des évo­lu­tions cli­ma­tiques sur la socié­té dans le cadre du grou­pe­ment récem­ment annon­cé par le gou­ver­ne­ment au titre du Plan Cli­mat à la suite de la pro­po­si­tion de Paris vi, du CNRS, du CEA, de l’UVSQ et de l’X, qui coopèrent déjà dans l’Ins­ti­tut Pierre Simon Laplace. Par ailleurs, le parc d’ins­tru­ments pour la recherche atmo­sphé­rique du cam­pus sera éten­du en par­ti­cu­lier par l’ins­tal­la­tion des équi­pe­ments du CEREA (labo­ra­toire com­mun EDF/ENPC).

Dans le domaine de l’éner­gie, l’É­cole s’im­plique for­te­ment dans la fusion à confi­ne­ment iner­tiel et dans la fusion à confi­ne­ment magné­tique (ITER dont l’ac­cord inter­na­tio­nal vient d’être signé à Paris) en s’ap­puyant sur les com­pé­tences des labo­ra­toires LULI, CPHT et LPTP. Il est par ailleurs envi­sa­gé de créer un pôle éner­gie-envi­ron­ne­ment au sein de ParisTech.

Les relations avec les entreprises et la valorisation

Les coopé­ra­tions de recherche avec les entre­prises sont natu­rel­le­ment pré­sentes dans tous les domaines qui viennent d’être évo­qués. L’É­cole ambi­tionne d’aug­men­ter le mon­tant des contrats indus­triels et les par­te­na­riats à moyen terme avec des entre­prises en par­ti­cu­lier sous forme de chaires d’en­sei­gne­ment et de recherche dont le nombre devrait pas­ser de 5 à 15 dans les cinq ans à venir. Les pro­jets en ges­ta­tion concernent l’éner­gie, l’é­co­no­mie indus­trielle, les « sur­faces actives », la modé­li­sa­tion, la matière molle…

Tra­vaux pra­tiques © Phi­lippe Lavialle – EP

Par ailleurs, les labo­ra­toires seront impli­qués dans les pro­jets à lea­der­ship indus­triel des prin­ci­paux pôles de com­pé­ti­ti­vi­té fran­ci­liens : System@tic, Medi­cen (san­té), Astech (aéro­nau­tique) et Indus­trie financière.
Pour atteindre ces objec­tifs, l’É­cole devra trou­ver les moyens d’ac­com­pa­gner les équipes dans la recherche de par­te­naires aus­si bien en France qu’à l’é­tran­ger, dans la mise au point des contrats et devra éga­le­ment pour­suivre son inves­tis­se­ment dans la valo­ri­sa­tion, tant en matière de bre­vets et licences que de créa­tion d’entreprises.

L’en­cou­ra­ge­ment à la créa­tion de start-up et l’ac­cueil d’é­quipes indus­trielles col­la­bo­rant avec des labo­ra­toires du cam­pus seront favo­ri­sés par la construc­tion d’une infra­struc­ture de 10 000 m² sous maî­trise d’ou­vrage des col­lec­ti­vi­tés locales qui décu­ple­ra la capa­ci­té actuelle.

Cette énu­mé­ra­tion n’est pas exhaus­tive et peut seule­ment don­ner un aper­çu de l’am­bi­tion du cam­pus dont les labo­ra­toires pour­raient com­prendre 3 000 per­sonnes en 2012, dont un mil­lier de doctorants.

Les chaires d’enseignement et de recherche

Les chaires orga­nisent un ensemble d’activités d’enseignement et de recherche autour d’un thème scien­ti­fique plu­ri­dis­ci­pli­naire. Elles par­ti­cipent géné­ra­le­ment au déve­lop­pe­ment d’un mas­ter, les acti­vi­tés de recherche étant struc­tu­rées en projets.
Pour l’École poly­tech­nique, la créa­tion des chaires par­ti­cipe d’une poli­tique volon­ta­riste de rap­pro­che­ment avec le monde des entreprises.
En trois ans, l’École a créé cinq chaires et compte tri­pler ce chiffre d’ici 2011 :
« Déve­lop­pe­ment durable » avec EDF (2003),
« Ingé­nie­rie des sys­tèmes com­plexes » avec Thales (2005),
« Mana­ge­ment de l’Innovation » avec Arce­lor, Das­sault Sys­tèmes, Renault et Valeo (2005),
« Science des maté­riaux pour le déve­lop­pe­ment durable » avec Lafarge (2006),
« Nanos­cience et nano­tech­no­lo­gie pour l’électronique des grands sub­strats et les écrans plats » avec Sam­sung (2006).

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