La réforme des retraites expliquée… au gouvernement
Ou… à Hervé Le Bras ? Et par l’Élysée ? Pendant son premier quinquennat, Emmanuel Macron veut mettre en place un système unifié de retraites à points par répartition. Ses prévisions alarmistes sont fragilisées par un rapport du COR (Conseil d’orientation des retraites) : le système actuel serait bénéficiaire. La réforme est suspendue pendant la Covid puis par les élections de 2022. Réélu, Emmanuel Macron abandonne le système à points et propose de « sauver le système par répartition » en repoussant à 64 ans l’âge minimum de départ en retraite.
Démographe reconnu, Hervé Le Bras écrit alors dans Le Monde que la réforme proposée ne repose pas sur des bases scientifiques. Un haut responsable de l’Élysée le rencontre et lui reproche de ne pas tenir compte d’un élément essentiel : les comptes du COR n’intègrent pas le déficit réel des retraites publiques (30 milliards par an !) car il est effacé par des versements de l’État. Hervé Le Bras en déduit que l’extinction de cette charge budgétaire est l’objectif principal inavoué de la réforme. N’osant pas utiliser cette information dans le débat public, le gouvernement est amené à accepter des concessions. D’ « inutile et injuste », une réforme en fait nécessaire devient « inefficace et injuste ». Ce dernier qualificatif, inévitablement subjectif, est longuement endossé par Hervé Le Bras dans une deuxième moitié du livre totalement à charge et pas toujours convaincante, en particulier au niveau de contre-propositions parfois irréalistes.
Un point amusant : Hervé Le Bras vante, page 84, un système basé moins sur l’âge et plus sur le nombre d’années au travail. Des esprits malicieux pourraient l’accuser de corporatisme en lui faisant remarquer qu’une telle option favoriserait polytechniciens et normaliens qui commencent à cotiser très jeunes (il y a quelques années, un ancien Premier ministre a pu liquider sa retraite avant d’avoir 60 ans…).