La rénovation urbaine, un enjeu social, économique et urbain
Quelles actions mène l’ANAH ?
Concrètement l’ANAH aide les propriétaires privés sous conditions de revenus modestes, voire très modestes. Nous leur versons des subventions qui couvrent en général 50 % de la réalisation de leurs travaux afin d’améliorer la performance énergétique de leur logement, de permettre l’adaptation à la perte d’autonomie ou de mettre l’habitation aux normes en termes de salubrité et de sécurité.
Une part importante du parc privé étant sous la forme de la copropriété, nous soutenons également les copropriétés avec des aides dédiées aux syndicats de copropriétaires quand celle-ci est en difficulté et peine à faire face à ses charges, dans la rénovation de l’immeuble qu’ils occupent.
Nous intervenons dans le cadre d’opérations programmées pilotées par les collectivités locales : sur le terrain, elles portent notre action et l’intègrent dans leurs politiques locales de l’habitat à travers lesquelles les subventions sont dispensées aux propriétaires qui en ont besoin.
Comment définissez-vous votre champ d’actions ?
Exemple d’intervention de l’ANAH sur des copropriétés privées avec la municipalité de Mulhouse qui souhaite préserver ce parc privé, afin de maintenir une mixité sociale dans ce quartier de 10 000 habitants où prédomine très largement le parc social.
Nous mettons à disposition des collectivités des outils d’observation du parc de logements, de son état, du niveau de revenus et d’endettement des habitants, et de repérage statistique des difficultés sur l’habitat privé.
Nous les accompagnons également quand elles souhaitent confronter cette analyse statistique aux observations physiques sur la dégradation qu’elles constatent. Ainsi, nous avons mis en place des dispositifs de veilles et d’observations des copropriétés leur permettant de s’emparer de ces sujets et de s’appuyer sur notre expertise.
Quels sont les cibles actuelles de la rénovation urbaine ?
La rénovation urbaine, telle que portée par son agence nationale ‑ANRU‑, a été initialement conçue pour aider les bailleurs sociaux à rénover le parc construit dans les années 60 qui, dans certains quartiers pauvres et relayés, s’est dégradé rapidement.
Elle concerne une géographie prioritaire, des zones où il y a une concentration forte de pauvreté. L’an dernier, en revoyant cette géographie à l’aide d’un indicateur unique de pauvreté relative des habitants de ces quartiers, beaucoup de centres anciens, en centre-ville, sont ressortis comme pauvres.
Aujourd’hui, les enjeux de la rénovation urbaine ne concernent plus seulement les grands ensembles HLM des années 50–60 mais aussi le parc privé : dans les 200 quartiers concernés par le nouveau Plan National de Renouvellement Urbain (NPNRU), la moitié se rapporte au parc privé. Cette situation justifie d’autant les publics cibles de notre action, des bailleurs sociaux mais aussi des propriétaires privés.
Qu’apporte votre collaboration avec l’ANRU ?
En 2003, le Programme National de Rénovation Urbaine visait principalement la démolition et la requalification de quartiers d’habitat social ; les besoins du parc privé étaient moins visibles. Aujourd’hui, ils sont de plus en plus prégnants.
C’est pourquoi, dans le cadre du NPNRU et grâce à la convention signée le 4 mai dernier, nous souhaitons proposer une boite à outils, d’ingénierie d’expertise et de subventions, commune à nos deux agences à destination des porteurs de projets, les collectivités locales, afin qu’elles utilisent l’ensemble des moyens mis à disposition dans leurs interventions de réhabilitation des quartiers en difficulté.
Quelle portée ont les interventions de l’ANAH, concrètement ?
L’an dernier, l’ANAH a subventionné la rénovation de près de 75 000 logements, à hauteur de 717 millions € d’aides. L’impact économique et social est important. Nos aides génèrent un volume de travaux éligibles de 1.4 milliards d’euros qui soutient l’activité d’entreprises artisanales qui à 70–80 % sont du département où les travaux sont menés. On estime à 28 000 le nombre d’emplois créés ou préservés grâce à ces investissements.
Il faut comprendre également qu’aider un bailleur social, qui a une stratégie de patrimoine, des fonds propres, etc. est relativement aisé, mais dès lors qu’il s’agit de propriétaires privés, des personnes avec de faibles revenus dont c’est le lieu de vie et le patrimoine, ces processus de réhabilitation deviennent plus complexes. Convaincre les propriétaires de lancer des travaux avec seulement un financement à hauteur de 50 %, avec les difficultés dans le montage des plans d’emprunt qui y sont liées, n’est pas facile. C’est pourquoi nous soutenons aussi l’action des collectivités à travers des structures, maîtres d’œuvre, bureaux d’études ou associations, qui accompagnent ces propriétaires dans leurs travaux, en montant leur projet de rénovation, leur plan de financement…
Justement, quels sont les enjeux du redressement des copropriétés en difficulté ?
Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, nous observons des bâtiments construits en même temps que les HLM, sous le statut de la copropriété privée, qui se retrouvent dans les mêmes conditions que leurs acolytes HLM de cette époque, avec de vraies situations d’habitat indigne, d’appauvrissement des propriétaires…
La finalité de notre intervention pour leur réhabilitation est de faire en sorte qu’elles puissent de nouveau maîtriser leurs charges, notamment sur le plan énergétique, et qu’elles puissent redevenir attractives et contribuer ainsi à la mixité du quartier.Dans le contexte de ces copropriétés, les enjeux de rénovation thermique sont très pertinents, car souvent, des charges mal maitrisées, notamment le chauffage, sont la cause de l’endettement.
Donc si l’isolement et le chauffage du logement deviennent efficaces, les difficultés financières se résorbent. Ces sujets de copropriété du NPNRU sont complexes, ils nécessitent des interventions lourdes qui prennent du temps mais qui sont déterminantes pour sortir de ces situations d’habitat indigne.
Des exemples de ces copropriétés en difficulté se retrouvent notamment à Clichy-sous-Bois, mais aussi sur tout l’axe méditerranéen… et un peu partout en France. Force est de constater que de plus en plus d’élus prennent conscience que pour mener à bien leurs projets de rénovation urbaine, ils doivent s’attaquer aux situations les plus difficiles et délicates qui concernent le parc privé.
Quels sont les impacts de votre action sur le parc privé ?
La géographie de la pauvreté a mué et ne concerne plus simplement les quartiers dits sensibles au sens traditionnel : des formes de pauvreté se sont développées dans les villes moyennes françaises dont le centre ancien s’est dégradé.
L’activité de l’ANAH n’a de sens que si elle s’intègre dans un projet de territoire où ces collectivités, qui disposent de peu de moyens d’ingénierie et d’expertise, peuvent s’appuyer sur des investissements qui redressent aussi leur situation économique. Cette requalification de l’habitat ancien en centre-ville est un aspect déterminant de l’aménagement du territoire aujourd’hui. C’est pourquoi outre la réponse du NPNRU, l’ANAH accompagne ces collectivités à travers 800 actions programmées sur l’ensemble du territoire. Notre activité a, par essence, un impact social et urbain fort sur la manière dont on conçoit la ville aujourd’hui. Agir sur ces sujets est déterminant aujourd’hui pour aller vers un modèle de ville durable intégrée, qui limite l’étalement urbain.