La résistance ou l’appel du refus
La deuxième guerre mondiale, dite de 39–45, a connu en France quatre périodes de longueur et d’intensité très différentes : d’abord la « drôle de guerre » de septembre 1939 à mai 1940, puis la « Blitzkrieg » allemande de mai et juin 1940, ensuite l’occupation de juillet 1940 ou novembre 1942 à juin ou décembre 1944 selon les régions, et enfin la reconquête avec les Alliés de juin 1944 à mai 1945.
La période de l’occupation a été à la fois la plus longue et la plus pénible, matériellement comme moralement. Matériellement car l’Allemagne a ponctionné l’économie et imposé de lourdes restrictions mais surtout moralement car le régime de Pétain a effectué de son propre chef un retournement d’alliances qui a prôné la collaboration avec un régime nazi et a accepté ou même accompagné les dérives idéologiques et les exactions de celui-ci.
L’HEURE DU CHOIX
Dans ce contexte, les polytechniciens ont été confrontés comme tous les Français, mais un peu plus fortement en raison de leur formation, à un choix ternaire : apporter un concours engagé au régime de Pétain, contribuer techniquement à la bonne marche économique du pays en limitant au mieux les effets de l’occupation, ou résister soit militairement dans la France Libre, soit de façon variée dans les Mouvements ou les Réseaux de l’intérieur.
“ Quelques-uns ont refusé de se soumettre et sont devenus des Résistants ”
Certains, on le sait, ont choisi la première voie mais, heureusement, peu ont poursuivi jusqu’à la fin et le ralliement des autres à la Résistance a le plus souvent été le bienvenu. Beaucoup ont évidemment choisi le deuxième chemin et parmi eux, beaucoup aussi ont ensuite regretté ce qu’ils ont perçu eux-mêmes comme un manque de courage.
Quelques-uns enfin ont refusé de se soumettre et sont devenus des Résistants : en voici quatre, des promotions 1921 à 1938, qui ont été distingués comme « Compagnons de la Libération » par le général de Gaulle.
RÉSISTANT DÈS LA PREMIÈRE HEURE
Honoré d’Estienne d’Orves (1921) est l’un des X Résistants les plus connus. © COLLECTIONS ÉCOLE POLYTECHNIQUE
Le plus ancien, et l’un des plus connus, est Honoré d’Estienne d’Orves (1921), officier de marine, qui se trouve au large de la Syrie après l’armistice. Il ne supporte pas les ordres de Vichy et, alors qu’il est père de famille, n’hésite pas à démissionner dans des conditions qui l’assimilent à un déserteur.
Ayant rejoint Londres dès septembre 1940, il demande et obtient de partir en mission en France pour mettre sur pied un service de renseignement et assister la Résistance naissante.
Il arrive en Bretagne le 21 décembre 1940 mais est trahi par son radio et est arrêté le 21 janvier 1941, non sans que l’Abwehr ait eu le temps d’identifier trop de membres de son réseau.
Après une procédure complexe qui les condamne à mort, il est exécuté avec plusieurs de ses camarades au mont Valérien le 21 août 1941.
EN MISSION DANS LE RENSEIGNEMENT
Jacques Maillet (1931) était en mission aux USA en 1940 afin de commander du matériel pour l’aviation française.
Jacques Maillet (1931)
© COLLECTIONS ÉCOLE POLYTECHNIQUE
De retour en France en 1941, il se met en rapport avec les services secrets de la France Libre (BCRA) et leur fournit des renseignements.
Sur ordres, il rejoint Londres en janvier 1943 en passant par l’Espagne puis revient en France en octobre. Obligé de rester en France, il intègre le Comité français de Libération nationale et jouera un rôle de premier plan dans la région Sud-Est, en sauvant notamment de nombreux résistants prisonniers au fort de Montluc.
Dans la France libérée, Jacques Maillet portera haut les couleurs de l’industrie française aéronautique et spatiale, avec Snecma puis Intertechnique.
Il accordera beaucoup d’importance à la mémoire de la Résistance et a été le président de la nouvelle association X‑Résistance de 1997 à 2006.
UN COURAGE HORS DU COMMUN
André Rondenay (1933)
© COLLECTIONS ÉCOLE POLYTECHNIQUE
André Rondenay (1933) n’a pas eu autant de chance que son camarade. Il s’évade d’Allemagne après la campagne catastrophique de 1940 et rejoint rapidement l’Angleterre par l’Espagne. Il est affecté lui aussi au BCRA et, lorsque les perspectives de débarquement se précisent, demande également à être envoyé en mission en France où il est parachuté en septembre 1943.
“ Rondenay est assassiné sans jugement le 15 août 1944 ”
Il met au point le plan « Tortue » de paralysie des chemins de fer puis devient délégué militaire en région parisienne puis pour le Nord. Très actif après le débarquement et par là même très exposé, il est arrêté le 20 juillet 1944 et assassiné sans jugement dès le 15 août à Domont dans l’Oise.
UN PILOTE DE CHASSE SUR TOUS LES FRONTS
Marcel Langer (1938)
© COLLECTIONS ÉCOLE POLYTECHNIQUE
Mon dernier exemple sera celui de Marcel Langer (1938) qui, envoyé en école d’application en septembre 1939, est pilote de chasse en mai et juin 1940. Il rejoint Londres dès juillet 1940 et est affecté en Afrique où il enchaîne les missions de bombardement puis de convoyage.
Il combat ensuite en France de septembre 1943 à juillet 1944 et continue en Extrême-Orient jusqu’en septembre 1945.
Capitaine mais à nouveau élève, il porte le drapeau de l’École à la reprise des cours en octobre 1945.
Après quelques années dans l’aviation commerciale, Marcel Langer entreprend une carrière dans l’industrie. Il a, comme Jacques Maillet, veillé à ce que la flamme de la Résistance ne s’éteigne pas.