La révolution qualité dans l’administration : une responsabilité politique et une question de méthode
La révolution qualité est la finalité de tout ce que fait le gouvernement pour moderniser l’administration. De la même manière que les techniques les plus sophistiquées de la gestion des entreprises n’ont pas de sens si in fine elles ne permettent pas à celles-ci de vendre leurs prestations, de la même manière la culture de la performance qui est progressivement introduite dans les services publics ne serait qu’un formalisme si ces services n’obtenaient pas une plus grande satisfaction des usagers-citoyens. On a parfois tendance à centrer le débat de la gestion publique sur les processus internes.
Il faut rappeler fermement que cette question n’est pas affaire de technocrate, mais qu’elle ressortit bien à l’action politique à partir du moment où le citoyen est en jeu.
L’actuel gouvernement a beaucoup fait en dix-huit mois : la réforme des retraites, la loi sur la sécurité intérieure, la loi de programmation sur la justice, les mesures en faveur des entreprises et de l’emploi, la clarification des niveaux de SMIC, la loi constitutionnelle de mai 2003 lançant l’acte II de la décentralisation, sont autant de signes forts du changement en cours. Dans le droit fil des orientations tracées dans son discours des vœux pour 2003 par le Président de la République, le gouvernement a engagé résolument sous l’autorité du Premier ministre une série d’actions qui forment un ensemble cohérent. Il importe que chaque ministre mène sa propre politique de modernisation avec la même cohérence. La méthode est fondamentale pour développer la révolution qualité.
Les » stratégies ministérielles de réforme » sont un instrument dont le rôle est déterminant pour l’avenir de la modernisation des administrations
Nous pensons qu’il revient aux ministres d’être les premiers acteurs de la réforme en s’impliquant dans la gestion de leurs départements ministériels et en les engageant sur la voie du changement. C’est pourquoi j’ai proposé au Premier ministre que chacun des ministres élabore une stratégie de réforme (SMR) servant de cadre aux transformations de son ministère sur une base pluriannuelle. Il s’agit d’un instrument synthétique, global et s’inscrivant dans la durée.
Les SMR se traduisent par plusieurs innovations importantes. Leur principe repose sur un examen critique préalable et exhaustif des missions ministérielles. C’est pourquoi le choix a été fait de coupler l’exercice des SMR avec la préparation du budget 2004, mais aussi avec la mise en œuvre de la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences. C’est la première fois qu’il est demandé aux ministres, avec les SMR, de fournir des engagements précis, concrets, mesurables sur plusieurs années. Cette volonté du Premier ministre de mener un dialogue approfondi avec ses ministres s’est traduite, en particulier, par les entretiens bilatéraux qu’il a eus avec chaque ministre sur le thème de la réforme de l’État, durant lesquels les grandes orientations pour l’établissement de chacune des SMR ont pu être fixées. Cet exercice s’organise autour de trois thèmes structurants :
- les réformes de structures qui sont proposées en tenant compte de l’évolution des missions ;
- une réflexion prospective sur la prise en compte de la qualité de service par les administrations ;
- les évolutions des modes de gestion des ressources humaines, en particulier par la déconcentration, la réduction du nombre des corps, la mise en place d’une reconnaissance du mérite et la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences.
Ces sujets ont vocation à être complétés année après année. Les SMR n’ont en effet de sens que si elles font l’objet d’un suivi et d’une actualisation annuels prenant en compte la modification du contexte de l’action administrative et l’évolution des besoins.
Enfin, dernière et sans doute principale innovation majeure, c’est la première fois qu’un travail prospectif concernant les structures et le fonctionnement de l’exécutif dans une perspective pluriannuelle est soumis à l’examen critique du Parlement. C’est la signification du débat qui a eu lieu en novembre dernier à l’Assemblée nationale. Après plusieurs mois de préparation, les SMR ont été présentées devant les différents comités techniques paritaires ministériels puis elles ont été transmises en septembre au Premier ministre. Elles ont été ensuite adressées aux deux assemblées parlementaires, dont les Commissions des finances ont procédé à l’audition d’une dizaine de ministres en tout.
Quel bilan peut-on tirer de ce premier exercice des SMR qui s’est tenu dans des délais tendus mais qui ont été pourtant respectés par l’ensemble des ministères ?
Les auditions effectuées par les Commissions des finances se sont révélées particulièrement propices à un débat de fond sur les objectifs et la stratégie de modernisation de chacune de ces administrations entre ministre et parlementaires. On pourra peut-être regretter que ce premier exercice de planification stratégique de la réforme ne se soit pas toujours traduit par des résultats aussi ambitieux que ceux que l’on aurait pu attendre d’un processus à ce point novateur. L’administration française éprouve encore quelques difficultés à sortir des vieux réflexes qui consistent à stratifier les organisations en tenant compte insuffisamment de l’évolution du contexte de l’action administrative et des missions. C’est pourquoi il a été demandé aux ministères d’intégrer d’emblée dans leurs SMR des propositions qui tiennent compte de la nouvelle configuration liée à la deuxième vague de décentralisation, afin d’adapter leurs structures aux transferts de compétences.
Au-delà de ces quelques réserves, il ne faut pas perdre de vue la portée considérable de cet exercice totalement nouveau dans son approche et dans ses ambitions. Une mécanique s’est enclenchée, une dynamique est à l’œuvre et elle ne s’arrêtera pas. Un certain nombre d’engagements précis ont été pris par les ministères, engagements qui ont été relevés par les Commissions des finances. En particulier, je relèverai les projets d’externalisation de certaines fonctions de type logistique qui ne sont pas au cœur des compétences de l’État, ou bien encore de la mutualisation des moyens des services à l’échelon territorial. Ces efforts doivent évidemment être poursuivis, amplifiés, notamment à l’échelon des administrations centrales.
C’est pourquoi j’œuvre pour que l’actuel exercice SMR pour 2004 s’accompagne d’un audit des missions mais aussi des moyens et de l’organisation des services. Une évaluation des SMR 2003 sera également réalisée au printemps 2004 et permettra ainsi de mesurer la portée des engagements pris, au moment où les ministères devront remettre au Premier ministre la deuxième version de leurs SMR, actualisées, avant transmission aux assemblées en septembre 2004 en même temps que le PLF 2005. Le pilotage de la réforme est essentiel si l’on veut s’assurer de son succès et de son adhésion auprès des agents qui sont les véritables acteurs de celle-ci. Les SMR ont fait l’objet d’un dialogue social préalable qui devra néanmoins aller plus loin en 2004 compte tenu des délais qui seront moins serrés.
Dans le cadre des stratégies ministérielles de réforme, la qualité du service rendu peut prendre tout son développement
La simplification des démarches et des procédures est la principale attente des citoyens. Une première loi portant simplification du droit, que j’ai présentée au Parlement, a été promulguée le 2 juillet 2003 et donne lieu à une quarantaine d’ordonnances. Certaines ont déjà été prises, les deux tiers des mesures qu’elles contiennent ont été publiés avant la fin du mois de janvier 2004. De très nombreuses mesures intéressant directement la vie des Français et des élus locaux y figurent.
Un second projet de loi est en cours de finalisation, autour des thèmes de l’attractivité du territoire et de la stabilité de la règle de droit. Il contient plus de 160 mesures, dont certaines très significatives comme la simplification du permis de construire, le rescrit social ou l’uniformisation des divers régimes de sanctions fiscales.
Le numéro d’appel unique est en cours d’expérimentation dans la région Rhône-Alpes. Ce numéro d’appel facilement mémorisable, le 3939, a vocation à répondre aux questions administratives des usagers, tout en leur simplifiant la vie. Sans se déplacer à un guichet, le citoyen pourra désormais obtenir une réponse de base en moins de trois minutes, sur des thèmes aussi divers que les formalités et procédures, la consommation, le logement, la santé, le travail, l’agriculture, les douanes, l’éducation nationale…
Ce service est accessible dans la région d’expérimentation, du lundi au vendredi de 8 heures à 19 heures et le samedi de 9 heures à 14 heures sur simple appel téléphonique. Le coût d’une communication est de 0,12 centimes par minute. Le site Internet » www.service-public.fr « , qui vient de fêter ses trois années de succès avec une augmentation considérable de ses visiteurs, et sur lequel s’appuie le 3939, reste consultable à toute heure. Le bilan qualitatif et quantitatif de cette opération permettra de décider de son extension à l’ensemble du territoire national.
La qualité est aujourd’hui une exigence incontournable pour nos concitoyens mais aussi pour une large majorité de fonctionnaires. Les Trophées de la Qualité, récompensant les meilleures initiatives de modernisation de l’administration, que j’ai créés, ont permis de mesurer le formidable potentiel de volonté de changement de l’administration, guidée par des démarches qualité. Le 15 novembre, j’ai lancé la mise en place des chartes d’accueil dans les services déconcentrés. Ces chartes, à qui nous avons donné le beau nom de » Chartes Marianne « , visent un double objectif : une charte de l’accueil constitue d’une part un élément immédiatement visible pour les citoyens de la démarche d’amélioration de la qualité des services publics engagée par le gouvernement ; elle représente d’autre part un outil de management et de modernisation de l’administration.
Les progrès sont d’autant plus urgents que ce sont les publics » fragiles » (personnes en difficulté sociale, personnes en situation de handicap, etc.) qui pâtissent le plus des défaillances de notre accueil. La charte Marianne a la forme d’un cadre commun de rubriques d’engagements et de conseils méthodologiques de mise en œuvre. Une déclinaison de la charte par ministère d’abord, par service ensuite, sera nécessaire pour que les engagements soient adaptés d’une part à la variété des missions, prestations et publics de chacun, et d’autre part à l’hétérogénéité des conditions d’accueil existantes. Le lancement de la généralisation de la charte Marianne adviendra courant 2004, l’objectif étant son affichage dans tous les services le 1er janvier 2005. D’ici là, une expérimentation est engagée dans six départements pilotes (l’Ain, la Charente, l’Eure-et-Loir, les Hautes-Pyrénées, le Loiret et la Moselle).
Le développement de l’administration électronique est la troisième priorité de cette politique de l’accueil. Ce que l’on appelle » l’e-administration » correspond à une demande croissante des Français qui lui font de plus en plus confiance ainsi qu’en témoignent des enquêtes convergentes.
L’offre d’administration électronique se renforce considérablement
On compte aujourd’hui 5 500 sites publics, soit une augmentation de 20 % en un an. De plus en plus de démarches peuvent être accomplies entièrement sous forme dématérialisée. Les progrès récents de notre pays sont d’ailleurs reconnus au niveau international : la France vient de se hisser à la 7e place mondiale dans un classement que vient de publier l’ONU sur le développement de l’e-administration.
Des orientations stratégiques pour les quatre années à venir ont été fixées dans le plan stratégique pour le développement de l’administration électronique (ADELE) présenté par le Premier ministre à Lyon le 9 février dernier. De nombreux projets sont d’ores et déjà lancés selon les principes qui guident notre action : la mutualisation des grands projets et services, par le biais de plates-formes techniques d’interopérabilité, qui permettent des gains de productivité et financiers considérables. À titre d’exemple : le service de changement d’adresse, les 13 projets de cartes de vie quotidienne, la dématérialisation d’un dossier unique de demande de subvention et de son instruction.
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En menant ces réformes, nous visons trois objectifs :
- un État plus réactif et plus partenaire en allégeant et en clarifiant ses structures ;
- un État plus efficace et moins pesant sur la fiscalité en modernisant ses services administratifs et en réduisant ses coûts de fonctionnement ;
- un État moderne respectueux du contribuable et de l’usager : pour ce faire, nous voulons changer la culture de l’administration et, tout en maintenant et en respectant la tradition française du service public, nous voulons introduire dans la fonction publique la notion de performance et de résultat.
Aucun secteur, aucun ministère n’est à l’écart de cet effort qui doit nous redonner rapidement les marges indispensables pour investir, pour stimuler la recherche, pour recréer de la richesse. Osons le dire dès maintenant : l’objectif du gouvernement, à travers les politiques qui concourent à la réforme de l’État, est de dégager des gains de productivité substantiels dans les administrations.
Nous ne visons pas cet objectif pour satisfaire une préoccupation idéologique, mais parce que nous avons une vision précise de ce que doit être l’action publique dans les années à venir. Cette vision est fondée sur la croyance que, dans une société moderne, le service public et le secteur privé doivent fonctionner en harmonie dans le respect mutuel et en se soutenant au lieu de se combattre. Un pays comme la France a besoin d’un service public efficace et performant au service d’une économie performante et de politiques sociales qui marchent.