La Révolution X, l’École polytechnique en 2008

Dossier : ExpressionsMagazine N°634 Avril 2008

L’É­cole poly­tech­nique, éta­blis­se­ment public dont les rela­tions avec l’É­tat sont enca­drées dans des contrats plu­ri­an­nuels, dis­pense trois sortes de for­ma­tion : la for­ma­tion poly­tech­ni­cienne, la for­ma­tion par la recherche et des for­ma­tions spé­cia­li­sées. La for­ma­tion poly­tech­ni­cienne s’é­tend sur quatre ans, dont deux ans de for­ma­tion géné­ra­liste, un an d’ap­pro­fon­dis­se­ment scien­ti­fique et tech­nique, et un an de spé­cia­li­sa­tion pro­fes­sion­nelle. Chaque pro­mo­tion de 500 poly­tech­ni­ciens accueille une cen­taine d’é­lèves internationaux.

Pré­sen­ta­tion et réflexions tirées d’un rap­port de la » Com­mis­sion sur l’é­vo­lu­tion de l’X » de l’AX (voir com­po­si­tion in fine)

« La réforme « X 2000 », une véri­table révolution »

La grande réforme de l’X, lan­cée par Ber­nard Esam­bert en 1985, fixe les grands axes des récentes trans­for­ma­tions : aug­men­ta­tion des effec­tifs, allon­ge­ment des études à trois ans, orien­ta­tion vers la recherche, orga­ni­sa­tion de la Gra­duate School en aval de l’X, inter­na­tio­na­li­sa­tion, déve­lop­pe­ment du Cam­pus, post­for­ma­tion, et enfin inté­gra­tion de l’É­cole poly­tech­nique dans la Nation. En 1998, Pierre Faurre obtient du ministre de la Défense le feu vert pour le lan­ce­ment de la réforme » X 2000 « . Sur le plan finan­cier, les 920 per­sonnes payées direc­te­ment par l’É­cole émargent pour 70 mil­lions d’eu­ros. Le bud­get conso­li­dé com­pre­nant le per­son­nel du CNRS, les frais de fonc­tion­ne­ment et les inves­tis­se­ments s’é­lève à 170 mil­lions d’eu­ros. Il faut ajou­ter à cela les res­sources propres de l’É­cole, c’est-à-dire les contrats de recherche, les levées de fonds et les chaires qui repré­sen­te­ront 20 % du bud­get total en 2011.

Deux siècles d’histoire
L’École poly­tech­nique fut créée en 1794 par la Conven­tion. Deux ans plus tard, elle pre­nait forme avec son nom actuel et sa mis­sion de dis­pen­ser à ses élèves une culture géné­rale les pré­pa­rant à suivre l’enseignement des écoles d’application. En 1804, Napo­léon lui attri­buait un sta­tut militaire.
Quatre déci­sions signi­fi­ca­tives furent prises dans les années 1970 : trans­for­ma­tion en éta­blis­se­ment public, redé­fi­ni­tion des mis­sions de l’École, ouver­ture aux jeunes filles, démé­na­ge­ment à Palaiseau.
Une loi de 1994 appor­tait trois dimen­sions nou­velles : le carac­tère inter­na­tio­nal de l’École, l’intégration de la recherche et la coopé­ra­tion avec des éta­blis­se­ments fran­çais et étran­gers. Un décret de 2001 dis­tin­guait la for­ma­tion poly­tech­ni­cienne et les for­ma­tions par la recherche.

Quatre ans de formation polytechnicienne

La for­ma­tion poly­tech­ni­cienne reprend l’en­sei­gne­ment tra­di­tion­nel des élèves, mais en y ajou­tant les spé­cia­li­sa­tions pro­fes­sion­nelles. C’est ain­si que ce cycle se trans­forme en une for­ma­tion de quatre ans com­pre­nant deux ans de for­ma­tion géné­ra­liste, un an d’ap­pro­fon­dis­se­ment scien­ti­fique et tech­nique, pré­pa­rant à une spé­cia­li­sa­tion pro­fes­sion­nelle qui peut prendre diverses formes en 4e année. Les pro­mo­tions ras­semblent envi­ron 500 élèves (soit 2 000 au total) dont 20 % d’é­tran­gers, et mobi­lisent 650 ensei­gnants pour leur scolarité.

Une formation généraliste de deux ans

Des contrats plu­ri­an­nuels avec l’État
Le sta­tut de l’École est celui d’un éta­blis­se­ment public à carac­tère admi­nis­tra­tif. Ses rela­tions avec l’État sont enca­drées dans des contrats plu­ri­an­nuels (2002−2006 puis 2007–2011). Le der­nier contrat recom­mande de confor­ter le cycle poly­tech­ni­cien (et par consé­quent de faire recon­naître, sans ambi­guï­té au niveau inter­na­tio­nal, le sta­tut de mas­ter du diplôme de fin de 3e année de sa for­ma­tion poly­tech­ni­cienne) ; pro­mou­voir la Gra­duate School (mas­ters, doc­to­rat) ; pour­suivre l’ouverture inter­na­tio­nale ; den­si­fier le Cam­pus et les par­te­na­riats de proxi­mi­té ; accroître les liens avec l’entreprise ; pro­mou­voir la construc­tion de ParisTech.

La pre­mière phase du cycle cor­res­pond à une for­ma­tion géné­ra­liste de deux ans. Elle com­mence par un stage de for­ma­tion humaine de sept mois. Pour les élèves fran­çais, ce stage débute par une for­ma­tion mili­taire, sui­vie d’un stage de for­ma­tion d’of­fi­cier. La for­ma­tion humaine s’a­chève par un » stage de ter­rain » en uni­té mili­taire ou en orga­nisme civil. Pour les élèves étran­gers, les fran­co­phones par­ti­cipent à un sémi­naire d’in­té­gra­tion sui­vi d’un » stage de ter­rain » en orga­nisme civil. Pour les non-fran­co­phones est pré­vu un semestre d’ac­cueil avec cours de fran­çais inten­sif. En fin de pre­mière année, cette for­ma­tion humaine est com­plé­tée par un » tronc com­mun scien­ti­fique » (tri­mestre de conso­li­da­tion et d’ou­ver­ture scien­ti­fique iden­tique pour tous).

« La deuxième année se conclut par un « stage de contacts humains » d’un mois »

La deuxième année de for­ma­tion dite » géné­ra­liste » com­porte deux semestres, cha­cun de ces semestres étant divi­sé en deux périodes. L’en­sei­gne­ment scien­ti­fique couvre une dizaine de dis­ci­plines, fon­da­men­tales et appli­quées. Pour envi­ron un tiers du temps cet ensei­gne­ment est com­plé­té par des acti­vi­tés à carac­tère cultu­rel, social et spor­tif. Cette deuxième année se conclut par un » stage de contacts humains » d’un mois, en entre­prise ou dans des orga­nismes à carac­tère huma­ni­taire. &nb


MP/PC/PSI/PT/TSI = classes pré­pa­ra­toires maths-phy­siques – phy­sique-chi­mie – phy­sique-sciences de l’ingénieur – phy­sique-tech­no­lo­gie – tech­no­lo­gie-sciences indus­trielles – ENSAM = Arts et Métiers.
Les chiffres indi­qués dans le sché­ma sont les pré­vi­sions d’effectifs des dif­fé­rentes filières pour la pro­mo­tion 2008.

Un approfondissement scientifique et technique


À titre d’exemple les 514 élèves de la pro­mo­tion 2003 ont été orien­tés de la façon ci-des­sus. À l’is­sue de cette troi­sième année, les élèves reçoivent le diplôme d’in­gé­nieur de l’É­cole poly­tech­nique, recon­nu comme un mas­ter et les corp­sards quittent le cadre admi­nis­tra­tif de l’École.

La seconde phase du cycle débute par une troi­sième année des­ti­née à l’ap­pro­fon­dis­se­ment scien­ti­fique et tech­nique et à l’i­ni­tia­tion à la vie pro­fes­sion­nelle. Les élèves doivent choi­sir leur orien­ta­tion, d’une part par une can­di­da­ture éven­tuelle aux Corps de l’É­tat et d’autre part en ce qui concerne la spé­cia­li­sa­tion de qua­trième année. Le choix défi­ni­tif est subor­don­né au clas­se­ment en ce qui concerne les Corps et à une vali­da­tion par un jury de pas­sage en ce qui concerne le cur­sus de qua­trième année. Deux tri­mestres sont consa­crés à des dis­ci­plines » d’ap­pro­fon­dis­se­ment » à carac­tère scien­ti­fique, tech­nique et même éco­no­mique. Enfin, un stage de recherche de quatre mois est réa­li­sé en cotu­telle pour les élèves qui vont suivre une filière ingé­nieur en qua­trième année.

Des spécialisations professionnelles

Cent corp­sards
Les Corps de l’État recrutent de l’ordre de 100 élèves par an à l’École. On dis­tingue les Corps d’officiers des armées, qui reçoivent de l’ordre de 4 à 5 élèves par an, des autres Corps qui sont au nombre de sept (Mines, Ponts et Chaus­sées, Arme­ment, Télé­com, INSEE, Eaux et Forêts, Assurance).

La seconde phase du cycle est com­plé­tée par la qua­trième année (spé­cia­li­sa­tion), qui dure en réa­li­té de quinze à vingt-quatre mois, et qui est réa­li­sée en cotu­telle entre l’X et les éta­blis­se­ments dans les­quels les élèves suivent leur for­ma­tion à fina­li­té pro­fes­sion­nelle. Quatre filières leur sont ouvertes : filière de spé­cia­li­sa­tion par la recherche (mas­ter recherche), filière de spé­cia­li­sa­tion (mas­ter d’u­ni­ver­si­té ou d’ins­ti­tut en France ou à l’é­tran­ger), filière ingé­nieur (diplôme d’é­cole de spé­cia­li­sa­tion) et enfin Corps de l’É­tat, avec école d’ap­pli­ca­tion, pour les élèves français.

« Deux diplômes dans la filière ingénieur »

Les élèves de la filière ingé­nieur pour­suivent leurs études dans des écoles d’in­gé­nieurs homo­lo­guées par l’X qui sont au nombre de seize. Sept d’entre elles figurent dans la liste des écoles d’ap­pli­ca­tion. Pour les élèves de la filière recherche, l’ob­jec­tif est d’ob­te­nir un mas­ter qui néces­site un cycle de deux ans ; ce cycle est cou­vert par la troi­sième année et la qua­trième année de la for­ma­tion poly­tech­ni­cienne. Enfin la filière dite de » spé­cia­li­sa­tion » recouvre prin­ci­pa­le­ment les ensei­gne­ments et les stages sui­vis en uni­ver­si­té ou ins­ti­tuts à l’é­tran­ger qui abou­tissent à un mas­ter ou un diplôme. Le cata­logue des coopé­ra­tions conduit à une cen­taine de choix en Europe, à quatre-vingts en Amé­rique du Nord et une ving­taine dans le reste du monde.

Le cycle master et l’École doctorale

La for­ma­tion par la recherche forme des cher­cheurs des sec­teurs public et pri­vé. Elle est orga­ni­sée par l’X dans ses labo­ra­toires ou en par­te­na­riat. Elle réunit 200 étu­diants dont 50 % d’é­tran­gers. Le cycle mas­ter cor­res­pon­dant com­porte 19 spé­cia­li­tés et s’é­tend sur deux années. Pour sa pre­mière année, il s’ap­puie sur les cours de troi­sième année de la for­ma­tion poly­tech­ni­cienne. La deuxième année, abou­tis­sant au mas­ter, regroupe les étu­diants de for­ma­tion par la recherche et les élèves de 4e année de la filière recherche de la for­ma­tion poly­tech­ni­cienne. Les for­ma­tions spé­cia­li­sées de troi­sième cycle sont orga­ni­sées dans le cadre de l’É­cole doc­to­rale par l’X seule ou en par­te­na­riat avec d’autres orga­nismes d’en­sei­gne­ment supé­rieur fran­çais ou étran­gers. Elles regroupent 460 étu­diants dont 40 % d’étrangers.

L’internationalisation

Depuis 2002 chaque pro­mo­tion de poly­tech­ni­ciens accueille une cen­taine d’é­tran­gers, soit 20 % de chaque pro­mo­tion. Le recru­te­ment des can­di­dats se fait à tra­vers des centres de recru­te­ment à l’é­tran­ger au nombre d’une dizaine. Il se heurte à trois dif­fi­cul­tés : le peu de dif­fu­sion de la langue fran­çaise, la mau­vaise adap­ta­tion des études pré­pa­ra­toires et le manque de res­sources des étu­diants. Pour lever la pre­mière dif­fi­cul­té l’É­cole a mis en place un semestre d’ac­cueil d’ap­pro­fon­dis­se­ment de la langue fran­çaise, pour la seconde on a créé une filière spé­ciale d’ad­mis­sion, enfin, pour la troi­sième la Fon­da­tion assure aux étu­diants étran­gers un niveau de res­sources équi­valent à celui de leurs cama­rades fran­çais. L’in­ter­na­tio­na­li­sa­tion marque éga­le­ment la qua­trième année du cycle poly­tech­ni­cien, 40 % des élèves de ce cycle la pas­sant à l’é­tran­ger. Dès main­te­nant les ensei­gnants-cher­cheurs com­prennent 54 étran­gers. On trouve aus­si une forte pro­por­tion d’é­tran­gers dans les for­ma­tions par la recherche.

Un sys­tème de parrainage
L’intégration des élèves étran­gers au sein des pro­mo­tions fait l’objet d’efforts par­ti­cu­liers : la Kès repré­sen­tant les élèves com­porte des étran­gers et l’AX a orga­ni­sé un sys­tème de par­rai­nage par les anciens.

Le cam­pus de Palai­seau et les coopé­rants régionaux

Le Centre de recherche
Les labo­ra­toires de l’École ras­semblent 1 600 per­sonnes dont 640 cher­cheurs et 460 doc­to­rants dans 21 labo­ra­toires qui couvrent tous les domaines d’enseignement de l’École. Le Centre de recherche entre­tient une large acti­vi­té contrac­tuelle avec plus de 10 orga­nismes publics et plus de 50 entreprises.

Les nou­velles implan­ta­tions sur le cam­pus de Palai­seau se mani­festent avec l’ar­ri­vée en 2005 de Thales Research and Tech­no­lo­gy avec 250 cher­cheurs et du Réseau thé­ma­tique de recherche avan­cée (RRTA) Digi­teo Labs regrou­pant 300 cher­cheurs de diverses ins­ti­tu­tions. En 2006, l’Ins­ti­tut d’op­tique a rejoint le cam­pus avec 415 étu­diants et 50 cher­cheurs. Il est pré­vu dès main­te­nant que l’ENS­TA avec 620 étu­diants et 200 cher­cheurs et l’EN­SAE avec 430 étu­diants et 110 cher­cheurs le rejoin­dront en 2010, pro­ba­ble­ment sui­vies par le labo­ra­toire d’op­tique de l’O­NE­RA. Ain­si les effec­tifs du cam­pus attein­draient un nombre de l’ordre de 6 000 per­sonnes dans cinq ans. Le cam­pus se trouve à proxi­mi­té de nom­breux éta­blis­se­ments d’é­tudes et de recherche comme Paris-Sud XI, l’IN­RIA, le CEA, le CNRS, etc.

Les partenariats industriels

La Fon­da­tion de l’X, créée en 1987 par 30 grandes entre­prises a pour mis­sion de contri­buer acti­ve­ment à l’ou­ver­ture de l’É­cole au monde de l’en­tre­prise et à l’in­ter­na­tio­nal. Elle aide les élèves en finan­çant des bourses pour les étran­gers qui viennent à l’É­cole, des études de la qua­trième année à l’é­tran­ger et de nom­breuses ini­tia­tives de pro­mo­tion. Des liens directs de coopé­ra­tion se sont créés dans les pro­grammes de recherche. Un pas déci­sif a été fran­chi lorsque Thales a ins­tal­lé des labo­ra­toires sur le cam­pus et a créé une chaire d’en­sei­gne­ment à l’i­mage de ce qui se fait cou­ram­ment dans les pays anglo-saxons. Cet exemple a été sui­vi et en trois ans dix autres chaires ont ain­si été ouvertes par EDF, Lafarge, Renault, Suez, Uni­le­ver, Saint-Gobain, AXA, Socié­té Géné­rale, Sam­sung, avec des par­ti­ci­pa­tions finan­cières signi­fi­ca­tives. La coopé­ra­tion dans la recherche s’est ins­ti­tu­tion­na­li­sée avec la conclu­sion d’un accord-cadre entre EADS et l’X.

La notoriété et l’image de l’X

Il res­sort d’un son­dage fait pour l’AX en 2007 par l’I­FOP que les réelles trans­for­ma­tions de l’É­cole sont peu connues du fait » qu’elle s’est dis­pen­sée de faire savoir le conte­nu de son excel­lence et de ses évo­lu­tions « . Dans un ouvrage récent Pierre Veltz cri­tique nos grandes écoles aux­quelles il reproche de ne pas être des » foyers d’in­no­va­tion « . Il les engage à déve­lop­per leurs capa­ci­tés de recherche, inter­na­tio­na­li­ser le recru­te­ment des étu­diants et des ensei­gnants-cher­cheurs et chan­ger réso­lu­ment de taille. Ce sont bien les voies dans les­quelles l’X s’est engagée.

Paris­Tech
Dans une pers­pec­tive qui s’étend à l’ensemble de la région pari­sienne, l’X par­ti­cipe avec dix autres écoles au Pôle de recherche et d’enseignement supé­rieur « Paris­Tech », avec notam­ment pour objec­tif de déve­lop­per ensemble les rela­tions internationales.
On retrouve la plu­part de ces écoles par­mi les seize appe­lées à accueillir la qua­trième année de la filière ingénieur.

Neuf réflexions sur l’École polytechnique

Résumé des principales réflexions du rapport de la « Commission sur l’évolution de l’X »

1. Au ser­vice de la Nation

L’X n’est pas une école d’in­gé­nieurs comme les autres. Sa mis­sion, fixée par la loi, est d’ordre public : les élèves doivent être » aptes à occu­per des emplois de haute qua­li­fi­ca­tion ou de res­pon­sa­bi­li­té à carac­tère scien­ti­fique, tech­nique ou éco­no­mique, dans les corps civils et mili­taires de l’É­tat et dans les ser­vices publics et, de façon plus géné­rale, dans l’en­semble des acti­vi­tés de la nation » c’est-à-dire à deve­nir les » offi­ciers de la guerre éco­no­mique « . Dans une éco­no­mie deve­nue glo­bale, l’in­no­va­tion est un impé­ra­tif essen­tiel pour les pays indus­tria­li­sés qui entendent pré­ser­ver leur com­pé­ti­ti­vi­té. La for­ma­tion poly­tech­ni­cienne doit mettre l’ac­cent sur la recherche et sur son inter­ac­tion avec l’en­tre­prise. Elle doit sti­mu­ler l’es­prit d’i­ni­tia­tive et l’audace.

2. Démocratisation et féminisation de l’X

L’École poly­tech­nique est l’école d’ingénieurs la plus acces­sible aux reve­nus modestes

Les X appa­raissent comme une caste fer­mée sur elle-même. On parle de » repro­duc­tion d’une élite « , de » par­cours pro­gram­mé dès l’en­fance « . Ce sen­ti­ment est lar­ge­ment infon­dé. L’É­cole poly­tech­nique est l’é­cole d’in­gé­nieurs la plus acces­sible aux reve­nus modestes. On constate par ailleurs que le pour­cen­tage des élèves fémi­nines a mal­heu­reu­se­ment ten­dance à se sta­bi­li­ser autour de 10 à 15 %. C’est donc en amont de l’X que l’on devrait agir mas­si­ve­ment pour redon­ner à l’é­cole son véri­table carac­tère d’as­cen­seur social. L’É­du­ca­tion natio­nale doit s’im­pli­quer plus for­te­ment dans la détec­tion et l’o­rien­ta­tion des méri­tants défa­vo­ri­sés et des jeunes filles, et pou­voir s’ap­puyer sur un sys­tème des bourses ren­for­cé et plus efficace.

3. Relations avec les entreprises

Les coopé­ra­tions avec les entre­prises se déve­loppent rapi­de­ment, d’une part à tra­vers les actions de la Fon­da­tion de l’X et d’autre part dans des rela­tions directes au niveau de la recherche et de l’en­sei­gne­ment. Ces rela­tions sont de la plus haute impor­tance pour assu­rer la tran­si­tion entre l’en­sei­gne­ment et l’exer­cice des métiers et pour appor­ter un com­plé­ment de res­sources au finan­ce­ment de l’É­cole. Don­ner une impul­sion à ces coopé­ra­tions, ain­si que le pré­co­nise le der­nier contrat plu­ri­an­nuel avec l’É­tat, peut se faire à tra­vers le choix d’en­sei­gnants venant de l’in­dus­trie, la créa­tion de chaires nou­velles et le lan­ce­ment de pro­grammes de recherche en par­te­na­riat. Mais c’est aus­si la rai­son d’être de la Fon­da­tion de l’X de recueillir direc­te­ment des res­sources nouvelles.

4. Intégration des étrangers

L’in­té­gra­tion des étran­gers pose natu­rel­le­ment un pro­blème à par­tir du moment où langues, cultures et sys­tèmes d’en­sei­gne­ment sont dif­fé­rents. De nom­breuses dis­po­si­tions ont été prises pour assu­rer les tran­si­tions et les adap­ta­tions néces­saires, et les résul­tats obte­nus sont signi­fi­ca­tifs. Il convient néan­moins de pour­suivre les efforts dans ce domaine, et la col­la­bo­ra­tion des élèves fran­çais est indis­pen­sable et doit être encou­ra­gée. Par ailleurs la Fon­da­tion et l’AX, qui mènent des actions dans ce domaine, doivent les suivre et les déve­lop­per. Concer­nant l’o­ri­gine des étran­gers, on note une défi­cience des Euro­péens et des Nord-Amé­ri­cains. On peut certes essayer d’y remé­dier, mais il est plus impor­tant d’at­ti­rer les puis­sances émergentes.

5. Formation humaine

La for­ma­tion humaine est un fac­teur essen­tiel de dif­fé­ren­cia­tion par rap­port aux autres for­ma­tions d’étudiants

Dans le cycle poly­tech­ni­cien, la for­ma­tion humaine tient une très large place (sept mois au cours de la pre­mière année et un tiers du temps par la suite jus­qu’à la fin de la troi­sième année). Il en résulte que ce cycle est plus long que la plu­part des autres cycles paral­lèles. La for­ma­tion humaine est de grande qua­li­té et pré­sente un puis­sant inté­rêt pour la com­pré­hen­sion des pro­blèmes mana­gé­riaux et sociaux. Elle est consi­dé­rée comme un » fac­teur essen­tiel de dif­fé­ren­cia­tion » par rap­port aux autres for­ma­tions d’é­tu­diants. Comme les X auront à rem­plir des fonc­tions de res­pon­sa­bi­li­té dans un monde socia­le­ment com­plexe, ces qua­li­tés humaines seront déter­mi­nantes pour leur effi­ca­ci­té. Dans ces condi­tions le sta­tut mili­taire de l’É­cole et la for­ma­tion humaine qui y est asso­ciée sont des avan­tages consi­dé­rables qui doivent être conser­vés et déve­lop­pés. L’en­ca­dre­ment mili­taire a su faire accep­ter intel­li­gem­ment l’es­prit de dis­ci­pline et la com­pré­hen­sion des autres et il faut l’en féliciter.

6. Partenariats ou fusions

Dans tous les domaines d’ac­ti­vi­té (ensei­gne­ment, labo­ra­toires, implan­ta­tion, recru­te­ment, inter­na­tio­na­li­sa­tion), l’É­cole a éta­bli des par­te­na­riats adé­quats avec d’autres ins­ti­tu­tions avec les­quelles elle pou­vait exploi­ter des syner­gies. La ques­tion s’est alors posée de savoir si, pour atteindre une dimen­sion supé­rieure, il ne conve­nait pas de fusion­ner l’X avec d’autres écoles. On contaste en fait que le mou­ve­ment ne s’est pas pro­duit dans ce sens. Les fusions de grandes écoles, qui ont ten­dance à se mul­ti­plier, se font par famille et spé­cia­li­té. Dans ce sys­tème il est clair que les prin­ci­pales affi­ni­tés fonc­tion­nelles sont entre l’X et ses seize écoles de spé­cia­li­sa­tion de la qua­trième année, dont une par­tie seule­ment sont auto­nomes. Quant aux par­te­na­riats, il faut conti­nuer à les déve­lop­per, notam­ment avec les uni­ver­si­tés, mais en res­pec­tant une exi­geante cohérence.

7. Maîtrise de la complexité

L’X est deve­nu un ensemble très com­plexe aux inter­ac­tions par­ti­cu­liè­re­ment nom­breuses avec des ins­ti­tu­tions fran­çaises et étran­gères. On a vou­lu diver­si­fier et com­plé­ter l’en­sei­gne­ment, inter­na­tio­na­li­ser le recru­te­ment et la for­ma­tion, et ouvrir lar­ge­ment sur la recherche. Cela ne pou­vait se faire qu’en coopé­ra­tion et en par­te­na­riat avec de nom­breuses ins­ti­tu­tions. On peut néan­moins se poser la ques­tion de savoir si l’on n’est pas allé trop loin lors­qu’on constate que le poly­tech­ni­cien peut suivre plu­sieurs dizaines de mil­liers de par­cours dif­fé­rents entre sa can­di­da­ture et sa sor­tie de l’École.

8. Identité

Ain­si, l’É­cole poly­tech­nique est-elle le coeur d’un vaste ensemble cou­vrant une mul­ti­tude de dis­ci­plines dans le domaine de la recherche et de l’en­sei­gne­ment et s’é­ten­dant au monde entier. Son ori­gi­na­li­té repose, en plus de sa plu­ri­dis­ci­pli­na­ri­té, sur son sta­tut mili­taire et sur la for­ma­tion humaine qu’elle dis­pense. Il n’existe aucune ins­ti­tu­tion simi­laire dans le monde. Un sou­ci de nor­ma­li­sa­tion pour­rait conduire à recher­cher un cer­tain ali­gne­ment sur le modèle anglo-saxon, réfé­rence mon­diale, de façon à favo­ri­ser une meilleure com­pré­hen­sion inter­na­tio­nale qui faci­li­te­rait un cer­tain nombre de démarches. Il appa­raît cepen­dant essen­tiel dans le monde d’au­jourd’­hui de conser­ver le carac­tère » édu­ca­tion » de l’X. L’é­qui­libre auquel a abou­ti la réforme » X 2000 » et qui a créé une nou­velle iden­ti­té doit être conser­vé. Dans un même sou­ci de cla­ri­fi­ca­tion, il convien­drait de réflé­chir à la meilleure manière de rap­pro­cher, dans la mesure du pos­sible, la durée de la for­ma­tion poly­tech­ni­cienne de celle qui pré­vaut pour des for­ma­tions simi­laires en France et à l’étranger.

9. Communication

Les orien­ta­tions de la trans­for­ma­tion de l’É­cole s’ex­priment en termes simples : inter­na­tio­na­li­sa­tion, diver­si­fi­ca­tion, inno­va­tion, huma­ni­sa­tion pour faire face aux défis de la mon­dia­li­sa­tion et de l’é­vo­lu­tion des rela­tions sociales. L’É­cole a com­plè­te­ment chan­gé de dimen­sion et est deve­nue le centre d’un vaste ensemble implan­té sur le cam­pus de Palai­seau et dont les par­te­na­riats s’é­tendent à l’en­semble du monde. Il reste que cette trans­for­ma­tion est très peu connue, alors que l’É­cole béné­fi­cie d’une estime popu­laire mais que les vieux cli­chés ont la vie dure. Un vigou­reux effort de com­mu­ni­ca­tion est plus que jamais indispensable.

COMMISSION ÉVOLUTION DE L’X :
Hen­ri Martre (47), président ;
Sta­nis­las Lan­dry (01), rapporteur ;
Laurent Billès-Gara­bé­dian (83) ; Jacques Bouttes (52) ; Georges Douin (64) ; Ber­nard Dubois (64) ; Ber­nard Esam­bert (54) ; Fran­çois Xavier Mar­tin (63) ; Pierre Mary (60) ; Robert Miz­ra­hi (70) ; Yves Stier­lé (65) ; Jean-Michel Yolin (65).

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