La RSE : utile ou futile ?
Passer du statut d’« animal atypique » au sein de l’entreprise à celui d’un réel accélérateur dans la prise en compte d’enjeux utiles à ses clients et à la société, c’est le chemin parcouru en quinze ans par la RSE chez Suez.
Chez Suez, c’est d’abord le terme « développement durable » qui est apparu il y a quinze ans, en 2005, avec la création de la direction du même nom. Au départ, nombre de dirigeants ont perçu cette entité et la charte associée comme un « animal atypique », qui réconciliait des dimensions qui ne se parlaient pas souvent (environnementale, économique et sociale) et qui avait peu ou pas d’objectifs communs et partagés, puisque l’environnement était à la main des opérationnels, l’économique à celle des financiers et le social à celle des RH.
Quand je regarde la perception que nous en avons aujourd’hui, je suis agréablement surpris du chemin parcouru : la dynamique transversale du développement durable nous a fait grandir collectivement en tant qu’entreprise.
REPÈRES
Suez est leader mondial de la gestion intelligente et durable des ressources, avec deux métiers principaux : gestion de l’eau et recyclage et valorisation des déchets, 17,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires (2018), 90 000 collaborateurs présents sur les cinq continents, dont 30 000 en France, et 120 M€ investis en R & D.
Puis vint la RSE
Aujourd’hui, nous parlons plutôt de RSE. Je préfère ce terme car il porte une notion dynamique : on parle de la feuille de route de l’entreprise, de l’ensemble des actions menées volontairement dans un objectif de développement durable, pérenne et résilient de ses activités et de ses collaborateurs.
La RSE est bien une « responsabilité » : un mot lourd de sens, puisqu’il engage ; il engage à agir à tous les niveaux de l’entreprise, il engage à agir avec l’ensemble des parties prenantes internes et externes, sur les trois piliers classiquement connus : économique, environnemental et sociétal.
Une RSE consubstantielle à nos activités
Les métiers de Suez sont très liés au développement durable, dans sa dimension environnementale. En effet, quand votre cœur de métier consiste à améliorer la qualité de l’eau, à collecter des déchets, à les recycler et les transformer en nouvelles ressources…, par essence, vous faites du développement durable ou de la RSE.
Comme de nombreux groupes, nous avons depuis bientôt quinze ans une feuille de route du développement durable, avec des ambitions redéfinies par période de quatre ans.
“S’intéresser aux externalités négatives
constitue un vrai changement.”
Au-delà de la protection de l’environnement
Notre feuille de route ne concerne pas uniquement l’environnement. Elle a progressivement intégré les enjeux sociaux et sociétaux : promotion de la diversité culturelle, contribution au bien commun, place des femmes dans la société, ouverture à de nouveaux business modèles, intégration des parties prenantes dans notre système de décisions… Des enjeux qui impactent ou impacteront notre activité et notre performance, car nos clients ou les nouvelles réglementations nous demandent d’agir ou de réagir…
Notre dernière ouverture a été de travailler sur les externalités positives et négatives. S’intéresser aux externalités positives (c’est-à-dire les bénéfices apportés par votre activité) est une démarche classique. Mais s’intéresser aux externalités négatives (c’est-à-dire aux dommages causés par votre activité, comme la pollution ou le rejet de déchets, en les intégrant directement aux modèles économiques) constitue un vrai changement.
Interrogations et résistances
Cette démarche n’a pas été un long fleuve tranquille. Comme pour tout sujet de transformation stratégique, il suscite interrogations et résistances. Naturellement, certains expriment des doutes sur l’opportunité et la pertinence de telle ou telle action : les financiers attendent un ROI et de la performance économique, les équipes des ressources humaines attendent un saut en avant en matière sociale et diversité, les commerciaux attendent un levier de fidélisation des clients… Au final, est-ce un vrai catalyseur créateur de performance pour l’entreprise ou ne cherche-t-on pas, en promouvant des actions de RSE à tous les niveaux, la quadrature du cercle ?
Quels résultats ?
Ma conviction n’a pas été la même au fil des années. Aujourd’hui, je dirais que la RSE nous permet de dessiner un ensemble cohérent, où chaque pièce du puzzle contribue à créer de la valeur, et d’accélérer certaines transformations. Par exemple, nous avons structuré pour la première fois notre « matrice des matérialités » en 2015 et nous sommes fiers d’avoir été précurseurs en la matière. Concrètement, nous avons impliqué près de 5 000 personnes (clients, parties prenantes…) dans plus de 45 pays, pour les faire réagir sur une liste de 51 enjeux. Chaque enjeu a été positionné sur une grille : « importance pour les parties prenantes » et « impact pour Suez ».
À l’issue de cet exercice, neuf enjeux prioritaires ont été retenus et ont permis de nourrir la stratégie du Groupe à moyen terme : éthique, renforcement des capacités et transfert de connaissances, accès des femmes à des postes à responsabilité, réduction des nuisances pour les riverains, réduction de la consommation d’énergie, pollution de l’air, etc. Depuis, ces enjeux guident nos plans d’action et nous permettent de développer de nouvelles solutions technologiques et de nouveaux dispositifs de gouvernance. Autre exemple, pour accélérer l’accès des femmes à des postes à responsabilité, Suez a décidé d’imposer au moins 50 % de femmes sur tous les recrutements de managers.
La RSE en chiffres
Chez Suez, la RSE c’est aussi :
27,6 % de femmes dans l’encadrement.
4,4 millions de tonnes de matières premières secondaires et 7,6 TWh d’énergie locale et renouvelable produits grâce à la valorisation des déchets.
7,6 milliards de mètres cubes d’eau potable produite ; 2,6 milliards de mètres cubes d’eaux alternatives produits.
55 % de contrats fournisseurs intégrant des clauses RSE.
Il faut « embarquer » l’écosystème
La création de valeur provient de l’embarquement de l’ensemble de votre écosystème : clients, citoyens, associations, médias… mais aussi vos partenaires. Vous ne pouvez pas être acteur engagé de la RSE sans avoir des fournisseurs, des sous-traitants également engagés.
Nous développons donc une culture et des actions RSE en interne, mais nous travaillons aussi à leur traduction chez nos partenaires et nos fournisseurs. Ce n’est pas simple. Néanmoins, nous ciblons deux bénéfices : un enjeu d’image pour le groupe Suez et une dynamique globale positive puisque nous tirons l’ensemble de l’écosystème vers le haut. Nous jouons ici un rôle de catalyseur, en incitant d’autres acteurs à s’engager dans de telles démarches. Et, la preuve par l’exemple étant toujours forte, nous démontrons concrètement que la RSE crée de la valeur au-delà de notre propre périmètre.
Suez a été distingué fin 2019 par l’ONU comme leader sur la prise en compte des Objectifs de développement durable dans sa stratégie. Une fierté, qui nous incite à poursuivre nos efforts, à rester pionnier de nouvelles démarches plus collectives, plus collaboratives et utiles aux territoires et aux populations…, sans jamais oublier que notre force de groupe international doit se concrétiser dans des projets et des actions locales.
Une valeur à court, moyen ou long terme ?
Un plan d’action RSE doit intégrer ces trois dimensions temporelles de façon équilibrée. Cet équilibre vous fera progresser ; il vous permettra de démontrer votre engagement par des actions visibles de court terme et de dégager de la performance dans la durée grâce à des actions plus profondes. Prenons l’exemple de l’insertion. Chez Suez, l’insertion a d’abord été positionnée comme un sujet RH et managérial afin de gérer la saisonnalité des besoins en main‑d’œuvre. Puis ce sont nos clients qui nous ont demandé de contribuer à leurs stratégies territoriales en accueillant au sein de nos activités des citoyens en insertion ou réinsertion dans la vie active.
C’est alors que Suez a totalement intégré l’insertion dans sa stratégie partenariale et d’investissement. Depuis 2014, nous avons créé trois « Maisons pour rebondir », pour faire converger emploi et économie circulaire au cœur des territoires, en travaillant main dans la main avec le monde de l’insertion et les entrepreneurs sociaux. Nous disposons également, depuis 2002, d’une structure dédiée Suez Rebond, qui pour sa part a permis à près de 5 000 personnes de retrouver un emploi stable. Ces entités sont totalement intégrées à notre stratégie, à nos activités et à nos réponses aux appels d’offres.
Des partenariats vertueux
Nous pouvons citer le partenariat mis en place entre Suez et LyondellBasell qui a permis la création d’une joint-venture dédiée à la production de polymères recyclés : Suez fournit à l’usine les déchets plastiques postconsommation et LyondellBasell commercialise les matières premières produites dans une des usines européennes de Suez.
Nous pouvons également citer le partenariat entre Suez et La Poste pour la création d’une offre de collecte de recyclage des déchets de bureaux, en inscrivant la dimension sociale et l’insertion comme clef de voûte de l’activité.
Et pour aller plus loin…
Quinze ans de mise en place, c’est à la fois court et long. Court, car transformer l’approche et le quotidien de
90 000 collaborateurs demande du temps… et long car, avec du recul, on aurait probablement pu faire plus rapide. Je reste convaincu que les nouvelles générations qui entrent sur le marché du travail seront plus sensibilisées que nous avons pu l’être à ces enjeux. Cela se fera d’autant plus naturellement si les écoles intègrent les notions de RSE dans leurs cursus pédagogiques et se donnent les moyens de les rendre concrètes en invitant, par exemple, des entreprises à témoigner. Je me prête à cet exercice depuis plusieurs années sur différents thèmes, et je serai ravi de poursuivre.
Faire de la RSE au quotidien, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir : c’est tout ce que je peux souhaiter à nos entreprises, à leurs collaborateurs et à leurs clients !