Ravi Viswanathan (82), la saga d’un X, français de Pondichéry
Une ascendance exotique peut faire de vous un super-Français, le signataire en témoigne. C’est aussi une caractéristique de ce banquier, qui en outre relie deux continents : l’Europe de son insertion et l’Asie de ses origines.
Il naquit à Pondichéry où son père, qui s’était inscrit à l’université de Dijon et en était sorti professeur de lettres modernes, enseignait. La maison familiale avait une bibliothèque riche de milliers de volumes.
“ L’influence de Lions et Aubin lui fit approfondir davantage processus stochastiques et probabilités ”
Lorsque Pondichéry fut intégrée à l’Inde en 1962, son père resta français. La famille bougea régulièrement, au gré des affectations du père, professeur puis principal de collège : Sénégal, Algérie, Djibouti, Martinique. Mais la maison française du Haut-Doubs lui fut point d’ancrage.
Ravi Viswanathan découvrit en adulte seulement l’Inde et sa diversité culturelle. Il y affectionne, outre Pondichéry, la spectaculaire chaîne de l’Himalaya, aperçue depuis Shimla ou le Cachemire ; le Rajasthan et ses palais ; le Tamil Nadu pour ses temples.
Il suivit la filière classique dans le secondaire, puis une prépa M’ à Louis-le-Grand, avec Jean-Pierre Sarmant en physique. Son service militaire se fit en Allemagne, à Trèves. À l’École, il opta pour le football et goûta l’excellente ambiance dans l’équipe. Il s’y cassa un bras, ce qui affecta une bonne moitié de sa scolarité.
Dessin : Laurent SIMON
Il conserve des souvenirs forts de ses enseignants de l’École, en particulier de Jacques-Louis Lions – après l’X, il suivra les cours de Pierre-Louis Lions à Dauphine ; et de Jean-Pierre Aubin, pour la théorie des jeux, en option.
La mécanique quantique, avec Jean-Louis Basdevant, lui fut une révélation. Ainsi que l’histoire, telle qu’Hervé Le Bras la lui fit découvrir. Après l’École et l’Ensta en école d’application, l’influence de Lions et Aubin lui fit approfondir davantage processus stochastiques et probabilités, et leurs applications à la finance.
Ainsi, Indosuez le recruta pour son premier emploi, en 1987. Puis, ce furent sept ans au Crédit Agricole-Lazard Financial Products. En 2000, il créa Nexgen Financial Holdings, basé à Dublin, avec l’État de Singapour comme actionnaire principal, dont il devint co-PDG.
Nexgen a été racheté en 2007 par Natixis pour devenir Natixis Corporate Solutions.
Vit-il venir 2008 ? Oui et non, dit-il, avec une pointe de regret. En 2012, avec Luc Giraud, il créa VisVires Capital, fonds d’investissement basé à Singapour et Paris, qui investit en Inde et dans les pays émergents, le luxe, les médias et le cinéma… Un total de 50 millions de dollars d’investissements à ce jour.
Son tempérament calme et doux, audacieux aussi, pince-sans-rire, n’est pas étranger à sa réussite en affaires. À titre d’exemples, VisVires cofinança les films La famille Bélier ; d’Omar Sy, Demain tout commence ; ainsi qu’un film de Kev Adams, Tout là-haut, tourné partie dans les Alpes, partie dans l’Himalaya, sorti en 2017.
Super-Français, Ravi Viswanathan fit sien le dicton « Saint Martin boit le bon vin, et laisse l’eau courre au moulin ». Cet oenophile s’enorgueillit de sa collection de quelques milliers de bonnes bouteilles, qu’abrite sa maison du Haut-Doubs. Il en fit un apostolat : résidant avec les siens à Singapour, il s’associa en 2012 avec le milliardaire indien Anil Ambani pour acquérir la moitié du capital de Grover Zampa, deuxième vignoble du pays avec 2,5 millions de bouteilles par an.
“ Il ambitionne le meilleur, et pas seulement en vins ! ”
Plus récemment, les deux partenaires investirent à hauteur de 30 % chez Sula, la marque dominante en Inde avec 12 millions de bouteilles. À eux seuls, ces deux producteurs couvrent 70 % du marché indien. Les Indiens se mettront au vin ; la classe moyenne indienne ira vers de tels produits de luxe : tel est son double pari.
Il est aussi à la tête de deux restaurants de haut de gamme à Singapour, où il vit avec sa famille : l’un de cuisine indienne moderne et l’autre russe, tenu par son épouse d’origine russe, Julia Shertstyuk.
Pour un anniversaire de mariage, il offrit à sa femme une rareté, un Veuve Clicquot de 170 ans d’âge, repêchée d’une épave en Baltique – une bouteille qu’il conquit aux enchères pour 30 000 euros. Cette anecdote lui ressemble : il ambitionne le meilleur, et pas seulement en vins.
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Valeurs
Une belle réussite financière, certes, due à beaucoup de travail. Belle prouesse que de pouvoir se payer une bouteille à 30.000 euros. Ça ou une Rolex.
Cela étant dit, que ce type d’hédonisme corresponde aux valeurs de l’École polytechnique (au point d’être cité en exemple), me laisse quelque peu dubitatif.