La science au service des sportifs
En 2018 Romain Labbé (M15) et Jean-Philippe Boucher (2015) ont créé Phyling pour développer des capteurs de force intégrés à l’équipement sportif, qui permettent un retour en temps réel et une analyse de données utiles à l’amélioration des performances et à la prévention des blessures.
Quelle est l’activité de Phyling ?
Phyling accompagne les entraîneurs, les sportifs de haut niveau et les chercheurs dans la collecte et l’analyse des données utiles à l’amélioration des performances et à la prévention des blessures. Notre solution allie capteurs de force intégrés à l’équipement sportif, retour en temps réel et analyse de données. L’idée est de montrer aux entraîneurs ce qui est invisible, notamment les forces en jeu lors d’un mouvement, par exemple la force exercée par un rameur sur sa rame. Travailler sur ces éléments permet aux athlètes d’objectiver leur pratique et d’améliorer leurs performances.
L’un des premiers capteurs que nous avons conçus est une queue de détente instrumentée pour le tir, développée pour l’équipe de France de pentathlon moderne qui l’utilise quotidiennement à l’entraînement. L’entraîneur s’en sert pour visualiser le geste de ses athlètes et vérifier leur répétabilité. Au rugby, nous avons un brevet sur un crampon instrumenté permettant de mesurer les forces à l’interface entre le terrain et la chaussure et de faire de la prévention de blessure en direct.
Comment vous est venue l’idée ?
L’idée a émergé pendant nos thèses au laboratoire LadHyX à l’École polytechnique sous la direction de Christophe Clanet. Nous avons tous les deux travaillé sur la physique de l’aviron, ce qui nous a amenés à rencontrer des entraîneurs et sportifs de haut niveau. La technologie que nous avions développée et notre savoir-faire dans le domaine de la mesure d’effort intéressaient beaucoup les sportifs. Nous avons ainsi commencé à travailler sur deux projets : le tir et le rugby et, avant la fin de nos thèses, nous avions déjà 30 000 euros de devis signés pour des premiers prototypes.
Quel est le parcours des fondateurs ?
Romain est diplômé de l’ENS de Cachan en mécanique et Jean-Philippe de l’X avec une spécialisation en mécanique des fluides. Nous avons suivi le même mastère de mécanique des fluides et avons ensuite réalisé nos thèses au LadHyX, où nous avons beaucoup travaillé ensemble. Inventif et créatif, Romain est excellent pour imaginer et fabriquer de nouveaux capteurs et de nouvelles solutions techniques. Avec un profil plus « matheux » et rigoureux, Jean-Philippe est, lui, chargé de la partie analyse de données et retour utilisateur.
Qui sont les concurrents ?
Nous avons assez peu de concurrents directs sur le marché du sport de haut niveau, car très peu d’entreprises proposent des capteurs d’effort adaptés. Certaines entreprises offrent la possibilité d’analyser la performance à partir d’enregistrements vidéo ou de mesures cinématiques souvent obtenues avec des accéléromètres. Mais ces solutions plutôt grand public sont délaissées par les sportifs de haut niveau en raison de leur manque de précision et de fiabilité.
Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?
D’octobre 2018 à mars 2019, nous avons été accélérés à X‑Up. Nous avons ainsi bénéficié d’un accompagnement de très grande qualité sur les questions autour de la création, de la gestion d’entreprise et de la propriété intellectuelle. Phyling a officiellement été créée fin novembre 2018. Et, en février 2019, nous avons livré nos premiers capteurs. Nous avons aussi bénéficié d’une aide de la BPI en juin 2019, qui nous a permis de clore une première phase de développement technique.
Aux USA, de nombreux sports font un usage massif des données. Est-ce le cas en Europe ?
La collecte et l’analyse de données dans le sport sont moins développées en Europe qu’aux USA et de façon inégale. Le Royaume-Uni est par exemple connu pour avoir beaucoup investi dans ce domaine, notamment pendant la préparation des JO de Londres. En France, le domaine est en plein essor. Mais l’utilisation des données dans le sport de haut niveau reste assez faible à cause du manque de données pertinentes et d’outils adaptés.
L’usage intensif de data ne risque-t-il pas de tuer l’intérêt des compétitions ?
Je ne le pense pas. Dans le sport de haut niveau, il s’agit d’une course perpétuelle aux records. La data donne ainsi des outils supplémentaires aux sportifs et aux coachs pour battre de nouveaux records. Cependant, l’humain reste au cœur de l’action. La data ne fera pas disparaître les exploits ou les défaillances.
… et de signer la fin de carrière des entraîneurs et coaches sportifs ?
Je ne le pense pas non plus. Notre solution ne se substitue pas à l’entraîneur mais l’aide à adapter ses entraînements. La relation entraîneur-entraîné est extrêmement importante dans le sport de haut niveau et il est illusoire de vouloir la remplacer. Mais, grâce à la data, le métier d’entraîneur est amené à évoluer, avec notamment des formations pour utiliser au mieux ces outils très puissants.
Y a‑t-il des applications pour les contrôles antidopage ?
Pour le moment, nous travaillons essentiellement sur des applications de suivi de performance et de prévention des blessures. Mais on peut facilement imaginer que les mesures de nos capteurs, par exemple en cyclisme avec les pédales instrumentées que nous avons développées ou en aviron grâce à nos rames instrumentées, pourraient servir à détecter des performances anormales et être utilisées pour cibler des contrôles antidopage.
L’homme augmenté est-il l’avenir du sport ?
Le sportif augmenté existe déjà, en particulier dans le sport paralympique. Les montres connectées sont de plus en plus utilisées dans le milieu sportif. Cette tendance va très certainement se poursuivre car le milieu du sport, par essence, est un réel domaine d’innovation.