La sécurisation des vols, enjeu majeur pour la filière
Ici sont énoncés les développements techniques nécessaires pour garantir la sécurité dans un contexte de densification des vols dans l’espace aérien global ouvert. Fiabiliser le matériel, assurer des liaisons sûres, créer des systèmes intelligents, mais aussi tenir compte des facteurs humains ou se proteger des intrusions.
À la croisée des univers aéronautique et logiciel, les drones attirent autant pour leurs capacités applicatives multiples que pour leur faculté à faire rêver.
“ L’ONERA et la Nasa développent un logiciel commun ”
La miniaturisation des capacités de calculs et la sophistication des algorithmes de pilotage et de décision, servies par une imagination sans limites, ont de fait permis la multiplication des potentialités de ces machines, se déplaçant dans le ciel sans pilote à bord.
Les missions qu’ils remplissent sont ainsi de plus en plus nombreuses, qu’il s’agisse d’agriculture, de cinéma, de travaux publics, de surveillance, d’exploration.
Rendre ces objets sûrs implique de couvrir de nombreux sujets.
REPÈRES
L’ONERA emploie environ 2 000 personnes. Placé sous la tutelle du ministère de la Défense, il dispose d’un budget de 230 millions d’euros dont plus de la moitié provient de contrats commerciaux.
Expert étatique, l’ONERA prépare la défense de demain, répond aux enjeux aéronautiques et spatiaux du futur, et contribue à la compétitivité de l’industrie aérospatiale. Il maîtrise toutes les disciplines et technologies du domaine.
Tous les grands programmes aérospatiaux civils et militaires en France Lidar Riegl capable de reconstruire et en Europe portent une part de l’ADN de l’ONERA.
DES SYSTÈMES EMBARQUÉS À FIABILISER
Nouvelle génération de capteurs infrarouges intégrés. © ONERA / SOFRADIR
Le premier sujet concerne la sécurisation du système embarqué : si des progrès sont effectués constamment dans ce domaine, la récente incursion d’un drone belge sur le territoire français (le 29 février 2016, le vol s’est terminé par un crash dans l’Aisne), ou les pannes survenant à bord des drones opérés démontrent que tout n’est pas résolu dans ce domaine.
Ainsi, des équipes de l’ONERA travaillent dans le projet FORC3ES (FORmal engineering for Critical Control-Command Embedded Systems) à faire le lien entre la théorie de l’automatique et sa mise en œuvre concrète dans les logiciels embarqués des drones.
L’objectif est d’apporter une démarche plus complète depuis la conception jusqu’à l’implémentation, et ainsi de démontrer des propriétés fines sur le code embarqué.
Signe de l’importance stratégique du sujet, ce travail donnera lieu à un développement de logiciel commun avec la Nasa.
DES LIAISONS SÛRES ET ADAPTÉES AUX DISTANCES
Les liaisons de communications relèvent aussi d’un besoin vital : il faut en améliorer les performances pour garantir un lien sûr entre la machine et son ou ses opérateurs, quelles que soient les conditions météorologiques ou encore les accidents de terrain.
Si aujourd’hui l’on peut dire que l’opération de drones à courte distance et sans obstacle ne pose pas de problèmes dans ce domaine, la présence de bâtiments, de relief, ou le contexte d’une opération à grande distance font apparaître les limites des technologies actuelles : il s’agit même d’un des enjeux majeurs pour développer la surveillance des grands réseaux linéaires (lignes à haute tension, voies ferrées, etc.).
Lidar Riegl capable de reconstruire l’environnement tridimensionnel du drone. © ONERA
DES CAPTEURS PERFORMANTS
Autre sujet fondamental, celui des capteurs permettant la mesure de l’environnement du drone pour sa mission, mais aussi la détection d’obstacles, fixes ou mobiles, sur sa route : accroître la performance de ces capteurs, tout en réduisant leur prix et en maintenant leur encombrement et leur consommation dans des limites raisonnables par rapport à la gamme de drones considérée est également un enjeu essentiel.
Certaines applications comme la surveillance d’infrastructures réclament de fait des précisions difficiles à atteindre, avec une compacité imposée par la dimension des machines.
DES SYSTÈMES INTELLIGENTS AU SERVICE DE LA CHAÎNE DE COMMANDE
L’information extraite des sorties de ces capteurs est essentielle, mais réclame d’être traitée et utilisée dans une chaîne de commande et de décision, dont la performance et la fiabilité sont cruciales pour garantir un comportement sain et sûr du drone.
La commande dite « référencée capteurs », par laquelle le lien entre la mesure de l’environnement et le mouvement commandé au drone est réalisé de manière particulièrement fine, a suscité un intérêt croissant.
Les travaux relatifs à l’amélioration de l’automatisation et à l’intelligence artificielle embarquée sont aussi capitaux. Un challenge européen, Euroc, s’intéresse ainsi à cette question dans le domaine plus global de la robotique.
Une équipe rassemblant les compétences de l’ISIR (Institut des systèmes intelligents et robotique) et de l’ONERA travaille sur cette thématique pour les drones dans un contexte très précis défini par RTE – inspection de dommages dans un transformateur électrique, en mettant en œuvre un vaste éventail de compétences et de développements technologiques autour de ces besoins.
Drone Vario Turbo de l’ONERA. © ONERA
PRENDRE EN COMPTE LES CRITÈRES ÉTHIQUES
L’éthique ne peut être écartée. En premier lieu, dans un contexte militaire, où la logique de déclenchement d’un armement doit pouvoir reposer sur une responsabilité humaine engagée sur la base d’une connaissance et d’une compréhension du contexte et des enjeux.
Également dans un cadre civil, où le degré d’automatisation des machines cité plus haut et la distance potentiellement importante entre l’opérateur et l’aéronef suscitent des scénarios complexes qui doivent être pensés en amont pour permettre une prise de décision satisfaisante.
DES FACTEURS HUMAINS À INTÉGRER
La prise en compte des capacités des opérateurs humains lors de la conception de systèmes de drones est aussi un enjeu majeur.
“ Un même opérateur ne peut superviser un nombre trop important de drones ”
Il repose sur une compréhension fine des phénomènes cognitifs à l’origine, par exemple, de la perte du sentiment de contrôle du système due aux capacités d’autonomie de la machine et de sa supervision à distance.
Dans le domaine militaire, on peut citer le phénomène bien connu de distanciation par rapport au contexte opérationnel lorsque le télépilote contrôle sa machine depuis des milliers de kilomètres du théâtre d’opérations et rentre chez lui chaque soir.
Des études ont également montré que, dans l’état actuel des choses, un même opérateur ne peut superviser les missions d’un nombre trop important de drones – environ 5–6 par exemple pour des drones militaires de taille conséquente.
DÉFINIR LA PLACE DES DRONES DANS L’ESPACE AÉRIEN
La question de l’insertion des drones dans un espace aérien déjà fortement encombré est un sujet majeur qui réclame le développement de concepts opérationnels susceptibles d’assurer le mieux possible la sécurité des aéronefs, et d’outils permettant leur évaluation rigoureuse et quantitative.
Cela permettra par exemple de traiter les demandes croissantes de transports de colis par drones, venues de différents acteurs (Google, Amazon, etc.), en allouant les différentes tranches de hauteur sol à différents véhicules aériens, selon le concept UTM (pour Unmanned Aircraft Systems Traffic Management) pensé par la Nasa.
GÉRER DES FLOTTES D’APPAREILS AGISSANT DE CONCERT
Certaines applications réclament même la mise en œuvre d’équipes de drones coopérant pour accomplir un objectif complexe.
“ Permettre à des engins de se reconfigurer face à des aléas ”
Ce fut ainsi le cas pour le programme d’études amont Action, financé par la Délégation générale de l’armement à l’ONERA et au LAAS (Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes).
Ce projet a vu, fin 2015, le déploiement d’une flotte d’une dizaine de robots aériens et terrestres pour explorer une zone urbaine inconnue, tout en réagissant à la perte de certaines des machines.
Les éléments cités précédemment nourrissent aussi la réflexion pour permettre à ces engins de se reconfigurer face à des aléas (perte des liaisons de communications, pannes sur le drone, turbulence, etc.) : ce sont toutes ces problématiques que l’ONERA étudie dans le cadre du projet DROPTER (Drone à résilience optimisée pour traiter les événements redoutés).
Drone Yamaha Rmax de l’ONERA. © ONERA
UN CONSEIL POUR LES DRONES CIVILS
Le Conseil pour les drones civils est issu des plans de la Nouvelle France industrielle. Il réunit régulièrement tous les acteurs de la filière – étatiques, institutions, industriels, laboratoires – pour identifier et contribuer à lever les verrous techniques, réglementaires et autres empêchant l’émergence d’une vraie filière.
Piloté par un comité exécutif, il s’appuie sur trois comités dédiés : opérations, réglementations et usages ; technologies et sécurité ; soutien et promotion de la filière.
SE PROTÉGER DES DRONES MALVEILLANTS
Un autre contexte relatif à la sécurisation des drones concerne la lutte contre les drones malveillants, ou pénétrant dans une zone interdite.
“ L’ONERA est au cœur de l’écosystème drone ”
Sur ce plan également, de nombreux progrès ont été accomplis, en particulier depuis que le SGDSN (Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale) s’est emparé de la question début 2015, en demandant à l’ANR (Agence nationale de la recherche) de faire un appel à projets spécifique sur cette thématique.
Parmi les projets sélectionnés, le consortium ANGELAS (ANalyse Globale et Évaluation des technologies et méthodes pour la Lutte Anti- UAS), piloté par l’ONERA, expertise des technologies de natures complémentaires et de maturités différentes (optronique, radar, acoustique, etc.).
L’objectif visé est de développer et évaluer ces technologies, mais aussi de les combiner de façon fine et pertinente par rapport à un scénario donné (protection d’un stade, d’une centrale nucléaire, etc.).
DÉVELOPPER LA COOPÉRATION ENTRE ACTEURS DE LA FILIÈRE
Reconstruction tridimensionnelle à partir d’un lidar embarqué sur drone (ONERA). © ONERA
L’univers des drones se développe à une vitesse impressionnante, avec un intérêt applicatif évident dans des domaines très variés. Parallèlement, de nombreux développements permettent l’accroissement de la sécurité associée à ces utilisations.
Ces développements permettent en retour des applications toujours plus nombreuses et pertinentes. L’ONERA, de par sa multidisciplinarité et sa mission d’innovation vers l’industrie, est au cœur de ces problématiques et de l’écosystème drone.
Ainsi, il travaille de manière très étroite avec l’ensemble de ces acteurs, dronistes, laboratoires, industriels fabricants, grands utilisateurs.
Parmi ces derniers, on peut citer le partenariat de recherche signé avec la SNCF pour permettre le développement de technologies drones utiles au monde ferroviaire.
S’APPUYER SUR LE DYNAMISME DU SECTEUR
Tous les développements dédiés à la sécurisation du vol des drones permettront de maintenir, avec un juste équilibre entre la vitalité des nombreuses PME récemment créées sur ce créneau et la nécessité de consolider les nouvelles capacités par une sécurisation croissante, la place de la France dans ce monde où elle est loin d’être absente, voire plutôt en avance.
Des déclarations récentes ont même indiqué au grand public que la « France des drones civils » – institutionnels, industriels fabricants et opérateurs de drones, industriels « clients » des drones, regroupés au sein du Conseil pour les drones civils – s’est structurée pour répondre au défi majeur que constitue le développement d’une capacité accrue pour des drones répondant davantage aux besoins de ces donneurs d’ordre.
Relever tous les enjeux technologiques et scientifiques qui s’offrent sera la clé de la consolidation d’une filière au dynamisme remarquable.
Simulation de concepts opérationnels d’insertion dans l’espace aérien (ONERA). © ONERA