La sécurité aérienne : une affaire désormais européenne
La sécurité aérienne ne connaît pas de frontière. Après bien des débats et une lente évolution des esprits, l’acceptation politique du transfert à l’Union européenne des compétences nationales en matière de sécurité aérienne s’est traduite en 2002 par l’adoption d’un premier règlement du Conseil européen et du Parlement européen créant l’Agence européenne de la sécurité aérienne. Après deux amendements successifs en 2008 et 2009, l’Union européenne dispose aujourd’hui d’une base législative lui permettant de couvrir la sécurité de la totalité des composantes de l’aviation civile.
Une longue genèse
Au début des années soixante-dix, la naissance de l’Airbus A‑300 a rendu indispensable une première harmonisation des exigences de certification des avions en Europe. Pour ce faire furent créés les JAA (« Joint Aviation Authorities ») qui regroupaient de façon informelle les autorités nationales européennes. Mais les règlements et les certificats émis par les JAA n’étaient pas d’application obligatoire dans les États. Les règlements devaient être transposés dans le droit local ce qui était loin d’être fait et les certificats devaient être approuvés formellement par l’autorité locale bien souvent après avoir imposé des exigences supplémentaires. De ce fait la réglementation était très hétérogène d’un pays à l’autre et créait des distorsions de concurrence inacceptables dans un marché unique européen. Ë la grande satisfaction de l’industrie manufacturière et des opérateurs l’Agence a apporté une réglementation européenne unique directement applicable et des certificats uniques valables dans tous les États membres sans possibilité pour eux de les remettre en cause.
Les grands principes du système européen de sécurité de l’aviation civile
Le premier principe vise à doter l’Union européenne d’une réglementation et de normes uniques applicables dans l’ensemble de l’Union reflétant les meilleures pratiques et l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques. La référence mondiale en matière de réglementation de l’aviation civile est bien entendue donnée par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).
Mais pour la sécurité de son aviation civile, l’Union européenne a choisi de se doter de normes parfois plus contraignantes que celles de l’OACI en tenant compte des spécificités locales.
Subsidiarité
Le second principe vise à une mise en application de ces règles et normes dans tous les États membres. La plupart des règlements européens sont mis en oeuvre par les États membres et leurs directions générales de l’aviation civile selon le principe de subsidiarité. L’Union européenne met en place un mécanisme de surveillance de la bonne application des règlements par les États membres. L’AESA est chargée des audits qui sont effectués dans un esprit d’aide et de soutien aux autorités visitées.
Une organisation globale et efficace
L’Agence européenne de la sécurité aérienne est l’élément central du dispositif européen. Elle travaille en étroite collaboration avec les administrations nationales des États membres et avec Eurocontrol pour le domaine de la sécurité de la gestion du trafic aérien. L’Agence européenne de la sécurité aérienne s’occupe des tâches opérationnelles qu’il est plus efficace d’effectuer centralement comme la certification de type de l’ensemble des avions et de leurs équipements.
Sécurité et respect de l’environnement
L’Agence a pour vocation de garantir aux citoyens européens une aviation civile sûre et respectueuse de l’environnement. Cela vaut pour tous les acteurs et tous les produits : les avions, les constructeurs, les réparateurs, les compagnies aériennes, les aérodromes, les services de la navigation aérienne, les services de la gestion du trafic aérien, tous les personnels qui y contribuent ainsi que leurs organismes de formation.
L’Agence doit évaluer les risques présentés par chacun de ces éléments et les diminuer autant que faire se peut afin que le risque résultant soit extrêmement faible. Elle dispose pour cela de deux outils essentiels. Le premier est l’établissement de règlements, procédures et normes de sécurité. La réglementation européenne est proposée par l’Agence, adoptée par le législateur européen ou la Commission et est directement applicable dans les 27 États membres de l’Union européenne, et dans les États associés (Norvège, Suisse, Islande et Liechtenstein).
« L’Union européenne a choisi de se doter de normes parfois plus contraignantes que celles de l’OACI. »
Le second outil est la certification, c’est-à-dire la vérification de la conformité aux normes en question des avions et des organisations. L’Agence certifie elle-même les avions et les organismes de conception des constructeurs. Les autres certificats (production, maintenance, compagnies aériennes, réparateurs, pilotes…) sont délivrés par les autorités nationales, et en France, par la DGAC.
Des compétences progressivement élargies
La première mission donnée à l’Agence dès 2002 a concerné la navigabilité des avions. De par la législation européenne, l’Agence est chargée de certifier les avions utilisés par les opérateurs européens (certificat de type).
Elle est aussi chargée du suivi de cette navigabilité tout au long de la durée de vie des avions en approuvant les modifications, les réparations et tout autre changement apporté au certificat de type. L’Agence certifie aussi les capacités des bureaux de conception des constructeurs. Les États membres, eux, sont chargés entre autres de la certification des organismes de maintenance et des organismes de formation des personnels de maintenance.
En 2008, la première extension des responsabilités de l’Agence comprend de nouvelles tâches relatives aux compagnies aériennes (OPS), aux licences des pilotes (FCL) et à l’autorisation des exploitants des pays tiers.
« L’Agence vérifie la sécurité des compagnies aériennes non communautaires désirant effectuer des vols commerciaux vers et au départ de l’Union »
Dans tous ces domaines, l’activité essentielle est d’établir et de maintenir la base réglementaire et de vérifier sa bonne application par les États membres.
Néanmoins, l’Agence se voit confier une tâche opérationnelle très importante qui est la vérification a priori de la sécurité des compagnies aériennes non communautaires désirant effectuer des vols commerciaux vers et au départ de l’Union.
La délivrance des certificats de transport aérien et des licences des pilotes reste de la responsabilité des États membres.
En 2009 la deuxième extension a porté sur la sécurité de la gestion du trafic aérien, des services de la navigation aérienne et des aérodromes. Là encore l’activité de l’Agence porte essentiellement sur la réglementation et la standardisation des États membres. Mais les fournisseurs paneuropéens de service de navigation aérienne seront certifiés par l’Agence.
L’Europe de la sécurité aérienne est en marche. Des étapes cruciales ont été franchies dans les dix dernières années par la mise en place progressive d’un système global européen efficace pourvu que chacun y joue son rôle. Il est évident que de nouveaux développements auront lieu pour améliorer encore ce système en intégrant plus avant les différentes autorités. C’est le sens de l’histoire. Il est aussi probable que le législateur européen ne s’arrêtera pas en si bon chemin et confiera d’autres missions à l’Agence européenne de la sécurité aérienne.
Ciel unique européen
Les nouvelles compétences attribuées en 2009 à l’Agence européenne de sécurité aérienne prennent tout leur sens dans le cadre du Ciel unique européen, du programme de développement technologique SESAR en vue d’un futur système de contrôle du trafic aérien et des liens de plus en plus étroits entre l’Union européenne et l’Agence Eurocontrol. Dans cet ensemble, l’Agence est chargée des aspects liés à la sécurité.