La situation démographique exige des mesures vigoureuses
En Europe le nombre annuel des naissances a chuté d’un tiers depuis quarante ans. Le reste du monde suit. L’immense migration internationale concerne les trois quarts des nations. En France, l’arrivée massive d’immigrants entraîne de très grandes difficultés d’intégration. Il faut développer largement la construction immobilière et ralentir le flux des arrivants. Mieux vaut 150 000 intégrations annuelles réussies que 300 000 ratées.
5 novembre 1998. C’est la dernière des journées » Science et Défense « , à Paris, à la Cité des sciences. Les participants sont universitaires, chercheurs, ingénieurs, militaires, industriels ; tous gens sérieux, compétents, soucieux d’information, surtout dans cette session » prospective » où l’on discute de l’avenir.
L’orateur est un universitaire spécialisé dans l’analyse des guerres, il soutient, malgré le Vietnam et l’Afghanistan, que dans les guerres futures le camp disposant du meilleur armement l’emportera toujours car, ajoute-t-il, le nombre des combattants n’est pas un problème ; des jeunes il y en a de plus en plus. Je lève la main en disant » objection ! » et, devant les regards interrogateurs, je précise : » Des jeunes il y en a de moins en moins. » Le président de séance intervient : » Question importante, nous en discuterons à la fin. »
Si nous continuons comme aujourd’hui l’Europe de 2030 sera un asile de vieillards
Le solde migratoire réel est trois ou quatre fois supérieur à celui qui a servi pour établir les plans gouvernementaux
La session se termine, on me donne deux minutes et je projette sur l’écran la pyramide des âges de l’Europe des Quinze, l’Union européenne de ce temps-là (figure ci-contre, avec la pyramide actuelle, dix ans plus tard). Je déclare : » Depuis 1965 le nombre annuel des naissances européennes recule continuellement, il a déjà chuté de plus d’un tiers. La population totale continue encore d’augmenter un peu à cause de la croissance de l’espérance de vie, mais il y a de plus en plus de vieux et de moins en moins de jeunes. »
» Les jeunes Européennes de 25 à 39 ans (zone hachurée) sont 43 millions. Dans vingt-cinq ans elles seront remplacées par celles de 0 à 14 ans qui ne sont que 31 millions. Donc, ou bien l’on donnera aux jeunes couples qui vont venir les moyens d’avoir plus d’enfants que leurs parents (mais pas nécessairement autant que leurs grands-parents), ou bien l’Europe de 2030 sera un asile de vieillards que les rares jeunes, écrasés par les charges, fuiront pour des cieux plus cléments. »
Réaction stupéfiante de cet auditoire de prospectivistes, dix secondes de silence total, puis une voix blanche demande : » C’est sérieux ce que vous nous dites là ? » Oui c’est sérieux, ce sont les statistiques officielles de l’Europe !
Une prise de conscience en Europe
Dix ans ont passé, où en sommes-nous ? On peut caractériser la situation actuelle en écrivant :
Les adolescents du nord de l’Inde savent déjà qu’un cinquième d’entre eux n’auront jamais d’épouse
1) le monde, exception faite de l’Afrique noire, suit les voies de l’Europe avec une surprenante rapidité. Les Maghrébines d’aujourd’hui ont trois fois moins d’enfants que leurs mères ;
2) de nouvelles tendances apparaissent avec en particulier l’avortement préférentiel des filles (voir l’article de Gilles Pison en page 16) : aujourd’hui 20 millions de filles manquent dans la seule Union indienne et les adolescents du nord de l’Inde savent déjà qu’un cinquième d’entre eux n’auront jamais d’épouse… ;
3) une certaine conscience de la gravité de la situation se manifeste en Europe, mais le moins que l’on puisse remarquer est que la figure montre que cette prise de conscience n’a pas encore produit beaucoup de résultats : le vieillissement continue de s’aggraver et la natalité continue de baisser, il est vrai moins vite… Il faut dire que nous recevons des messages contradictoires, d’une part les Européens prennent peu à peu conscience des effets néfastes d’un vieillissement déséquilibré, mais d’autre part les écologistes leur disent couramment : » Nous sommes trop nombreux ! » Certes les écologistes envisagent la situation mondiale et non celle de la seule Europe où, avec 1,45 enfant par femme, en moyenne on ne peut vraiment pas dire qu’il y a trop d’enfants, bien au contraire ! Mais leur vue globale les fait négliger des nécessités plus urgentes et plus graves : la paix de l’humanité n’a jamais survécu à des déséquilibres démographiques trop prononcés et de toute façon il est écologiquement raisonnable de viser à l’équilibre et au simple remplacement des générations européennes.
Relativiser le principe de précaution
Bien entendu, dans la situation et la confusion actuelles, au milieu des difficultés montantes du vieillissement et de l’environnement, il convient de relativiser le paralysant » principe de précaution « . Certes on ne peut expérimenter n’importe quoi sans s’entourer de toutes les précautions raisonnables, mais il ne faut pas aller trop loin. Que se serait-il passé si l’on avait appliqué le principe de précaution tel quel il y a un siècle lors de la naissance de l’automobile et des applications de l’électricité ? Les cochers de l’époque et leurs partisans clamaient haut et fort que c’étaient là choses fort dangereuses – et elles le sont effectivement quand elles sont mal utilisées – ils multipliaient protestations, manifestations, pétitions et même blocages de certains carrefours ; les plus exaltés d’entre eux flanquaient des coups de fouets sur les automobiles et les conducteurs qu’ils croisaient ! Mais si on les avait écoutés, où en serait la France aujourd’hui ? Sans doute n’existerait-elle même plus…
Maximum 500 millions
Les écologistes les plus radicaux perdent le sens des réalités. Il faut lire leurs » tables de la loi « , le célèbre monument des environs d’Atlanta (voir sur le Web le site google.fr, puis passer à l’international et demander Georgia guidestones).
Sur de grandes pierres levées sont inscrites en douze langues les principes de base du mouvement écologique. Le premier d’entre eux spécifie : » Nous nous engageons à vivre en harmonie avec la nature et à ne pas dépasser le nombre de 500 millions d’êtres humains. » Alors ? 500 millions d’élus et 6 milliards de damnés ? Un tel programme peut être considéré comme parfaitement utopique et peut faire sourire, mais n’oublions pas que Mein Kampf et Le Capital ne furent guère pris au sérieux quand il était encore temps.
Puis, ayant pris le pouvoir, les marxistes constatèrent que les » classes dépérissantes » de Karl Marx – la noblesse, puis la bourgeoisie et les paysans riches, les koulaks – que ces classes ne dépérissaient pas assez vite, ils ont donc décidé de forcer le mouvement… Les méthodes musclées des écologistes actuels » défenseurs des animaux » ou » anti-OGM » qui vandalisent les laboratoires, » libèrent les animaux » et conspuent les chercheurs et leurs familles jusque dans leurs domiciles montrent dès aujourd’hui que la question n’est pas seulement académique ! D’une manière générale est potentiellement catastrophique toute idéologie qui divise l’humanité en bons, qu’il faut sauver, et mauvais, qui peuvent disparaître. Que se passera-t-il si, par exemple, un écologiste convaincu qu’il faut réduire considérablement l’humanité pour » sauver la Terre » découvre ou se trouve capable de fabriquer un virus inoffensif pour ceux de son groupe sanguin et mortel pour les autres ? Quelles seront alors les réactions ? Soyons convaincus que l’humanité se sauvera ou se perdra dans son ensemble. Ce précepte vaut aussi bien pour les idéalistes, pour qui c’est une évidence, que pour les cyniques, qui savent bien que la puissance et la variété des armes modernes rendent prodigieusement dangereuse toute solution inéquitable.
L’immense migration internationale
Le phénomène démographique actuel le plus spectaculaire est bien sûr l’immense migration internationale qui concerne les trois quarts des nations. C’est pour la plus grande part un exode rural à échelle mondiale tout à fait analogue à celui que nous avons connu naguère à l’échelle nationale mais qui atteint désormais le rythme de 50 millions par an (voir l’article de Marcel Mazoyer en page 12) dont plusieurs millions parviennent jusqu’en Europe soit régulièrement (voir l’article de Maxime Tandonnet en page 18) soit clandestinement (voir l’article de François-Noël Buffet en page 30).
L’État est contraint de louer en permanence 12 000 places d’hôtel
En France ce phénomène a été longtemps minimisé par les services officiels, le » solde migratoire » (les entrées moins les sorties) était » estimé a priori à 100 000 par an » et toutes les analyses et prévisions ainsi que les préparatifs (logements, emplois, etc.) étaient faits en fonction de cette estimation.
Cette situation a entraîné des controverses dans le milieu des démographes, d’autant plus que le recensement de 1999 a été sévèrement contesté et qu’un nouveau mode de recensement a été mis en oeuvre sans beaucoup d’expérimentation préalable (voir, par exemple, les articles de Stéfan Lollivier en page 36 et de Gérard-François Dumont en page 40 exprimant les deux thèses opposées).
Finalement l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) s’est résolu à des mesures précises : ainsi pour l’année 2005 on a compté 220 000 entrées d’immigrants adultes en situation régulière pour la seule France métropolitaine ! Si vous ajoutez à cela les enfants, les entrées dans les départements et territoires d’outre-mer (en particulier en Guyane et dans l’île de Mayotte) et les clandestins vous arrivez à un solde migratoire trois ou quatre fois supérieur à celui qui a servi pour établir les plans gouvernementaux !
Une situation déplorable du logement
Des difficultés d’intégration
Le flux énorme d’immigrants entraîne de très grandes difficultés d’intégration, il faut sans cesse tout recommencer à zéro. Constamment entourés de cousins nouvellement arrivés qui en toutes occasions les obligent à parler leur langue maternelle, l’immigré de longue date et ses enfants ont le plus grand mal à faire des progrès en français. On voit même des Peuls de France apprendre des rudiments de soninké, parce que les Soninkés, bien que beaucoup moins nombreux que les Peuls en Afrique, sont néanmoins majoritaires parmi les Africains d’Île-de-France !
Une autre conséquence néfaste est la situation déplorable du logement des immigrés, car si active qu’elle soit, l’industrie du bâtiment ne peut suivre, n’oublions pas qu’elle doit aussi rénover un parc ancien. Les » squats » sont nombreux et l’État se voit contraint de louer en permanence 12 000 places d’hôtel. Cette contrainte s’étend à tous les Français : la situation générale est si tendue que les loyers sont très élevés et dévorent les revenus des jeunes… Plus personne ne peut faire comme si la question était d’importance secondaire.
Balayer les idées reçues
Pour sortir de cette situation génératrice de gêne et de malheur, la première chose à faire est de balayer les idées reçues et de prendre le problème à son niveau véritable. Certes il est désagréable de penser que nos grands instituts ont longtemps eu la vue trop courte, mais le passé est le passé. Comme on ne divisera pas par trois les arrivées d’immigrants il faut à la fois développer largement la construction immobilière et ralentir dans la mesure du possible le flux des arrivants, en particulier en ne leur cachant pas la vérité : je ne suis que trop souvent le témoin de la désillusion d’étrangers qui ont cru monts et merveilles en regardant la télévision dans leur pays d’origine ! Mieux vaut 150 000 intégrations annuelles réussies que 300 000 ratées.
Des papiers pour tous
Que l’on cesse de croire être utile en signant des pétitions réclamant » des papiers pour tous ! » tout en refusant mordicus, dans les réunions de quartier, l’installation de logements HLM dans le voisinage…
Bien entendu, tout faire pour que l’immigration soit pacifique et fraternelle demande de gros efforts de chacun, dans toutes les communautés, mais il est intéressant de connaître l’avis des plus concernés : les Français issus de l’immigration récente (voir, par exemple, les articles d’Eugène-Henri Moré en page 20 et de Gaston Kelman en page 30). D’une manière générale ceux-ci considèrent que le plus gros obstacle vient des différences culturelles, ce qui est bien probable en effet, et se méfient du multiculturalisme cher à certains de nos intellectuels. » Nous ne devons pas transiger sur nos valeurs » soulignent-ils ainsi que le font aussi ceux qui ont travaillé en milieu immigré, en particulier ces valeurs fondamentales : la démocratie et l’égalité des femmes et des hommes (voir, par exemple, l’article de Jeanne-Hélène Kaltenbach en page 23). La polygamie est un abus et une injustice grave qu’il faut combattre avec détermination.
Relancer la politique familiale
Bon an mal an, il manque en France 40000 à 120000 naissances chaque année pour le simple renouvellement des générations
Malgré les apparences, l’immigration n’est pas le phénomène démographique principal, l’avenir est beaucoup plus conditionné par la vitalité des communautés d’accueil. Une nation féconde est assurée de son avenir et est donc tout naturellement beaucoup plus accueillante, ce qui contribue aussi à assurer son avenir… Nous ne devrions donc pas négliger la politique familiale, comme c’est le cas actuellement (voir l’article de Jacques Bichot en page 33), cette politique est une fin en soi et un investissement pour l’avenir, elle n’est pas un avatar de la politique sociale ! Rappelons que si la France a l’une des meilleures démographies européennes, il lui manque tout de même, bon an mal an, 40 000 à 120 000 naissances chaque année pour le simple renouvellement des générations.
Les hommes politiques comprendront bien mieux ces nécessités quand les enfants, qui sont aussi des citoyens, seront représentés dans les élections * : leur carrière politique ne sera plus conditionnée par la seule satisfaction des électeurs aujourd’hui les plus nombreux : les plus de cinquante ans. * La démocratie déséquilibrée (C. Marchal, J. Bichot, P. Bourcier de Carbon, B. Legris). Livre de la collection « Questions contemporaines », Éditions l’Harmattan 2003.