La station de recharge ultra-rapide qui redynamise les territoires
Au-delà de l’apport d’une solution technique pour accélérer le déploiement de la recharge, le projet Tesseract.re porté par François Hoehlinger vise à démocratiser l’accès à la recharge ultra-rapide à toutes les villes et communes de France. Dans cet interview, il revient pour nous sur la genèse du projet, la solution et sa valeur ajoutée technologique, économique et sociale. Rencontre.
Comment êtes-vous arrivés dans le monde de la mobilité ?
Je suis diplômé de l’EM Lyon et j’ai suivi le cursus entreprenariat dans les énergies renouvelables de l’école Polytechnique. J’ai débuté ma carrière dans la vente, puis en conseil en stratégie avant de rejoindre le monde de la mobilité. J’ai, d’abord, travaillé au sein de Flixbus en Allemagne où j’étais en charge de la partie B2B. Après la Covid, j’ai saisi l’opportunité de rejoindre EasyPark. En parallèle, j’ai également été contacté par le président de Troopy, une entreprise qui opérait une petite flotte de scooters thermiques partagés dans Paris. Dans le cadre d’un partenariat avec le constructeur de deux roues japonais Yamaha, Troopy a reçu une flotte assez importante de scooters électriques partagés en vue de gagner un appel d’offres de la mairie de Paris. Pendant 18 mois, nous avons travaillé au développement de l’entreprise, afin de la passer d’une PME familiale à une start-up de 70 personnes opérant une flotte de plus de 1 000 scooters à Paris, et la positionnant ainsi comme un acteur crédible de la mobilité. Malheureusement, Troopy n’a pas gagné cet appel d’offres et aujourd’hui, la start-up repense son modèle.
Fort de ces expériences et ayant développé un réel intérêt pour le monde de la mobilité, à titre personnel, j’ai décidé de continuer à évoluer dans ce secteur qui est à la croisée de plusieurs sujets : un métier passionnant, une utilité sociale, un service aux personnes, une dimension environnementale…, mais qui peine à construire aujourd’hui un business model éprouvé dans ce contexte de profondes mutations. Contrairement au secteur de l’énergie, il est, en effet, plus difficile de monter des projets profitables dans le secteur de la mobilité. Pour relever ce défi, j’ai notamment contribué à la mise en place du réseau européen InterMobility qui regroupe des CEO, des journalistes, des associations et d’autres parties prenantes et composantes de cet écosystème de la mobilité afin de construire la mobilité de demain.
Comment est né votre projet ?
L’idée a commencé à germer dans le cadre du business case que je devais réaliser pour mon diplôme de l’Exed à Polytechnique. Je me suis instinctivement dirigé vers les secteurs de la mobilité et de l’énergie, et plus particulièrement la problématique du déploiement des stations de recharge électrique. Contrairement aux prévisions annoncées et aux projections gouvernementales, nous accusons un retard important en la matière.
À partir de là, j’ai conceptualisé un projet qui capitalisait sur mes précédentes expériences. Dans cette démarche, le principal enjeu était d’arriver à passer d’un projet d’ingénieurs à un business case qui puisse assurer une rentabilité. Si le besoin pour des infrastructures de recharge est évident, le challenge est de développer une approche innovante, différenciante et à forte valeur ajoutée. Au fil de mes réflexions, le projet s’est affiné et s’est construit autour de l’ambition de démocratiser l’accès à la recharge ultra-rapide avec un focus sur les communes et villes secondaires, où l’absence d’infrastructures, notamment électriques, complexifie le déploiement de stations de recharge.
Sur le plan technique et technologique, votre station de recharge va donc permettre de démocratiser l’accès à la recharge ultra-rapide, y compris dans des zones où le réseau électrique ne pourra pas le proposer. Concrètement, quel est votre concept ?
De manière schématique, dans une station de basse recharge, une station de recharge va recharger une voiture en 8 ou 12 heures avec un courant relativement faible. À l’inverse, dans les grands centres villes et sur les autoroutes, des bornes de taille significative vont dégager dix fois plus de puissance pour recharger relativement rapidement une voiture intégralement ou en partie.
Dans cette offre de recharge, nous apportons une nouvelle brique qui prend la forme de conteneurs équipés de grosses batteries qui vont pouvoir se déplacer, en camion, pour proposer la recharge rapide, là où la puissance électrique n’est pas encore suffisante voire inexistante.
Sur un plan territorial, la station va aussi jouer le rôle de point d’attraction et d’activité dans les villages et les communes. Qu’en est-il ?
Nous avons souhaité développer une solution modulaire au service des territoires, des communes et des villages. Dans un contexte où la France et, de manière plus générale l’Europe, doivent mieux mailler le territoire en matière d’infrastructures de recharge pour accompagner l’accélération du déploiement de la mobilité électrique, nos stations de recharge mobiles et modulaires contribuent à désenclaver les territoires. C’est aussi une solution pertinente pour des zones insulaires où la disponibilité du réseau électrique peut être limitée. Connectée à des panneaux photovoltaïques, notre solution, à moindre coût, va pouvoir venir se substituer au réseau pour proposer un service de recharge. En parallèle, parce qu’elle est mobile, elle peut aussi être déployée sur des chantiers ou bien sur des festivals.
“Nous avons souhaité développer une solution modulaire au service des territoires, des communes et des villages. Dans un contexte où la France et, de manière plus générale l’Europe, doivent mieux mailler le territoire en matière d’infrastructures de recharge pour accompagner l’accélération du déploiement de la mobilité électrique, nos stations de recharge mobiles et modulaires contribuent à désenclaver les territoires.”
Au-delà, au travers de ce projet, il y a aussi une volonté forte de développer l’attraction et l’activité des villes, des communes secondaires et des villages, mais aussi de recréer du lien social via la station de recharge.
Aujourd’hui, où en êtes-vous et quelles sont les prochaines démarches ?
Notre enjeu aujourd’hui est de lever des fonds pour pouvoir lancer les trois premières stations de recharge. Nous avons identifié plusieurs futurs emplacements potentiels. L’idée est de pouvoir implanter ces premières stations aux abords d’une grande ville qui a ou va se doter d’une zone faible émission.
Dans cette démarche, quels sont les enjeux et les freins auxquels vous êtes confronté ?
Nous avons un fort enjeu de notoriété et de vulgarisation de notre modèle qui est à mi-chemin entre la recharge à domicile à un coût raisonnable et la recharge ultra-rapide accessible dans les grandes villes ou sur les autoroutes. À partir de là, il s’agit aussi de définir notre approche commerciale afin de pouvoir servir des clients B2C, B2B mais également B2G au travers de la redynamisation et du désenclavement des villes et communes sur l’ensemble du territoire.
Sur le plan financier, la modularité de notre solution permet d’avoir une alternative plus compétitive que les infrastructures classiques.
Toutefois, afin de pouvoir déployer des stations de façon à couvrir le territoire, nous devons lever suffisamment de fonds.