La stratégie de Peugeot-Citroen : le choix de la croissance interne
Les facteurs clés de réussite sur le marché mondial
Les facteurs clés de réussite sur le marché mondial
L’automobile n’est pas une commodité, c’est un produit de marque dont l’évolution va dans le sens d’une diversité toujours croissante des modèles, pour répondre aux attentes de plus en plus différenciées de nombreux marchés aux goûts et aux demandes bien distincts. Le concept de voiture mondiale a aujourd’hui été abandonné par ses derniers défenseurs, et le nombre global d’unités produites, s’il est un facteur clé de succès lorsqu’il s’agit de lingots d’aluminium ou de tonnes de sucre, ne paraît pas être le paramètre central d’une stratégie automobile : sans même évoquer la réussite de » spécialistes » comme BMW ou Porsche, il suffit de comparer les performances de General Motors et de Honda pour s’en convaincre.
Sur un marché très segmenté, en constante évolution, le facteur clé de réussite paraît manifestement être la capacité à lancer à un rythme soutenu des modèles attractifs à des prix compétitifs ; la question que doit se poser PSA Peugeot-Citroën, 6e constructeur mondial de voitures dans la classification OICA des groupes consolidés, avec quelque 5 % de part de marché, est de savoir si sa taille est d’une manière ou d’une autre un obstacle à l’obtention de prix de revient compétitifs.
Où la taille est importante
Au plan industriel, la taille optimale des outils de production automobile fait l’objet d’un large consensus : le centre de montage idéal a une capacité de 1 200 à 1 500 voitures par jour en deux équipes et la ligne de moteurs la plus productive atteint 2 000 à 2 500 moteurs par jour en trois équipes. Avec une production d’automobiles supérieure à 12 000 par jour et une production de moteurs voisine de 14 000 par jour le groupe PSA Peugeot-Citroën n’a pas de problème de taille pour saturer un nombre raisonnable d’unités de production de taille mondiale.
La vraie question est ailleurs ; l’effet de taille est-il déterminant lorsqu’il s’agit de répartir des dépenses de recherche et de développement sur des séries assez longues, ou de discuter de prix avec des fournisseurs sur la base de volumes assez importants ? À l’évidence, oui. Mais encore une fois, il ne s’agit pas de séries de voitures, dont la différenciation croissante est patente, mais de volumes de pièces, de composants, d’organes destinés à l’assemblage de ces voitures. Cette impérieuse recherche de volumes de production plus conséquents inspire le mouvement mondial de restructuration de l’industrie des équipements pour automobiles, un mouvement qui, lui, est fondé sur d’indiscutables considérations économiques.
Mais le constructeur automobile a lui aussi un rôle majeur à jouer pour augmenter les volumes et rationaliser la production des pièces et des composants ; PSA Peugeot-Citroën a pour sa part retenu trois voies de progression : la croissance interne, une forte communauté de composants entre modèles différents par application d’une politique de plates-formes, des partenariats ponctuels mais durables entre constructeurs indépendants pour le développement et la production conjointe de certains organes ou constituants d’automobiles. Chacune de ces trois orientations mérite un commentaire.
Les partenariats entre constructeurs
Lorsque deux constructeurs automobiles ont pour un organe mécanique donné, par exemple une famille de moteurs, des besoins suffisamment proches en définition technique et des calendriers de lancements suffisamment voisins, ils ont un intérêt manifeste à partager dépenses de recherche et de développement et efforts d’investissement. PSA Peugeot-Citroën considère que de tels partenariats, qui n’appellent, dans la vision et la pratique qu’en a le Groupe, aucun échange de participations, complètent heureusement sa stratégie ; à la coopération menée depuis trente ans avec Renault et qui porte aujourd’hui sur les moteurs V6 essence et les boîtes de vitesses automatiques, à celle engagée depuis vingt ans avec Fiat sur les véhicules utilitaires légers et les grands monospaces est venue s’ajouter en 1999 une association avec le groupe Ford pour étudier et produire en commun une gamme complète de moteurs diesel destinés à équiper les voitures des marques Peugeot, Citroën, Ford, Mazda, Volvo, Jaguar… Une telle association, dans un domaine clé de la rentabilité des projets automobiles, où la notion de volume a une vraie signification économique, donne à PSA Peugeot-Citroën les atouts du leader mondial. D’autres accords de même type seront recherchés chaque fois que l’ampleur des enjeux d’études et d’investissements les rendra attrayants.
La politique de plates-formes
Une autre manière d’allonger les séries de pièces et de composants est de pratiquer une politique rigoureuse de mise en commun entre différents véhicules du Groupe. Menée avec discernement, une telle politique ne comporte pas de risque d’uniformisation des produits ainsi qu’en atteste par exemple le cas de la Citroën Xsara Picasso, qui partage 55 % de ses pièces avec d’autres véhicules du Groupe et ne ressemble certainement à aucune autre Peugeot ou Citroën.
Dans ce domaine, le Groupe s’est engagé dans une ambitieuse politique de plates-formes, ce terme recouvrant l’ensemble des pièces et composants communs à deux véhicules (moteur, boîte de vitesses, direction, trains roulants, suspension mais aussi conditionnement d’air, armatures de sièges…). L’objectif fixé consiste à avoir en 2001 75 % des automobiles du Groupe construites sur trois plates-formes, deux véhicules étant réputés partager la même plate-forme lorsqu’ils ont en commun au moins 60 % de leur coût de revient.
Cette politique de plates-formes se traduit aussi dans l’organisation interne des services d’études et de développement du Groupe, dans la gestion de la vie-série des modèles, et dans la spécialisation progressive des principaux sites de montage européens dans les véhicules Peugeot et Citroën construits sur une plate-forme donnée.
La croissance
La plus évidente manière de faire progresser les volumes de pièces et de composants est bien entendu la croissance du nombre de voitures vendues. C’est l’axe principal de la stratégie du groupe PSA Peugeot-Citroën qui enregistre actuellement une spectaculaire progression de ses ventes : 2,1 millions de voitures en 1997, 2,3 millions de voitures en 1998, 2,51 millions de voitures en 1999, au moins 2,7 millions en 2000.
Cette croissance est tirée par trois moteurs principaux : l’exploitation des innovations du Groupe, la consolidation des positions européennes, le développement hors Europe.
L’innovation, premier moteur de la croissance
PSA Peugeot-Citroën a retrouvé une position de leader dans l’innovation technologique.
En 1998, c’est le lancement du moteur diesel à injection directe par rampe commune haute pression, qui est devenu en quelques mois la référence européenne de ce type de motorisation : 360 000 voitures Peugeot et Citroën équipées en 1999, au moins 700 000 en 2000.
En 1999, PSA Peugeot-Citroën présente une première mondiale, le filtre à particules pour moteur diesel, qui apporte une réponse définitive à la dernière critique que supportait encore cette motorisation par ailleurs si performante pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre : depuis le début de l’année 2000, toutes les Peugeot 607 diesel sont équipées d’un filtre à particules et cette innovation majeure va être progressivement étendue à l’ensemble des gammes des deux marques.
Au printemps 2000 est lancé le moteur HPI, moteur essence à injection directe en mélange pauvre stratifié, le premier moteur de conception européenne à offrir les réductions de consommation d’essence que permet le mélange pauvre tout en respectant les contraintes réglementaires en matière d’oxydes d’azote ; ce moteur équipera prochainement les berlines de catégorie moyenne supérieure des deux marques du Groupe.
Mais l’innovation automobile n’est pas que technologique ; elle doit aussi jouer un rôle essentiel dans le style et les concepts automobiles. Le succès mondial rencontré par la Peugeot 206, dont la production dépasse 3 000 voitures/jour, bientôt complétée par une version coupé-cabriolet, les ventes de la Citroën Xsara Picasso et de la Peugeot 607, qui dépassent dès les premiers mois leurs objectifs de lancement, illustrent des stratégies produit qui répondent, dans la logique d’identités de marques clairement définies, aux attentes de segments de clientèle bien identifiés.
Des » concept-cars » comme la Citroën Pluriel, dévoilée au Salon de Francfort en 1999, annoncent par ailleurs de nouveaux concepts automobiles qui verront effectivement le jour dans les prochaines années.
Enfin, PSA Peugeot-Citroën veut permettre à ses clients de bénéficier dans leurs voitures de toutes les facilités qu’apportent les nouvelles technologies de l’information et de la communication ; le lancement commercial de la série des Citroën Xsara Windows CE comme la joint-venture fondée avec Vivendi pour développer une gamme de services Internet dédiés à l’automobiliste illustrent l’avance concurrentielle du Groupe dans ce domaine.
La consolidation des parts de marché européennes
PSA Peugeot-Citroën occupe la deuxième place sur le marché automobile européen derrière le groupe Volkswagen, ce classement recouvrant en fait une deuxième place sur le marché des véhicules particuliers et une nette première place sur celui des véhicules utilitaires légers.
Ce positionnement sur les marchés européens résulte en fait de situations très contrastées selon les pays ; s’agissant des cinq grands marchés, le groupe PSA Peugeot-Citroën est en position de leader en France et en Espagne, très solidement installé en Grande-Bretagne, bien implanté en Italie, mais occupe une position encore insuffisante en Allemagne.
La stratégie européenne du Groupe comporte donc une part de défense active des positions acquises, nourrie par les lancements de nouvelles voitures, et une part d’offensive résolue dans les zones où la pénétration des deux marques du Groupe est encore insuffisante, et notamment en Allemagne. Dans ce pays, premier marché automobile européen, le Groupe a engagé des programmes volontaristes d’adaptation de son offre produit et d’évolution de son réseau de distribution avec pour objectif de doubler sa part de marché en six ans.
Le développement hors Europe
Les ventes du groupe PSA Peugeot-Citroën en dehors d’Europe occidentale représentent en 1999 15 % du total, et ce faible niveau illustre une formidable opportunité de développement.
Dans l’immédiat, la priorité est donnée aux régions du monde où la demande automobile peut être largement satisfaite par l’offre actuelle des marques du Groupe et deux zones de développement ont été retenues, l’Europe centrale et, en Amérique du Sud, le Mercosur.
Si, en Europe centrale, l’ambition du Groupe est avant tout commerciale et passe par le développement des filiales locales et la modernisation des réseaux de distribution, la progression des parts de marché dans le Mercosur nécessite une implantation industrielle régionale : c’est dans ce but que le Groupe a pris en 1999 le contrôle de son ancien importateur en Argentine pour accéder dans ce pays à une capacité de production moderne et performante, et qu’il construit une nouvelle usine automobile dans l’État de Rio, au Brésil, qui commencera à produire des Citroën Xsara Picasso puis des Peugeot 206 à partir de la fin de l’année 1999.
À côté de ces deux zones prioritaires de développement le Groupe est bien entendu actif sur la plupart des marchés mondiaux, une mention spéciale devant être accordée au succès rencontré en Chine : la Citroën Fu-Kang produite en joint-venture avec le groupe Dong-Feng est la troisième voiture la plus vendue en Chine avec quelque 10 % du marché des voitures particulières, et le réseau de la marque compte déjà 400 points de vente.
La rentabilité économique au service de la croissance
Le choix d’une stratégie de croissance interne ambitieuse suppose que le groupe PSA Peugeot-Citroën dégage en effet les marges d’exploitation correspondantes. Totalement désendetté, le Groupe génère un autofinancement qui lui permet de faire face à des programmes d’investissement supérieurs de plus de 50 % à ceux de la décennie précédente, améliore régulièrement son taux de marge d’exploitation en dépit d’un fort accroissement, de 25 % en 1999, des dépenses de recherche et développement qui gagent l’accélération des lancements de nouveaux véhicules, et a recommencé en 1999 à créer de la valeur avec une rentabilité avant impôt des capitaux employés supérieure à 14 %.
Une stratégie automobile ne s’apprécie que sur le moyen terme, et il serait manifestement prématuré de juger aujourd’hui du choix de la croissance interne dans laquelle s’est résolument engagé le groupe PSA Peugeot-Citroën. Tout au plus peut-on noter que tant les investisseurs – le titre Peugeot SA s’est apprécié de 37 % entre le 30 juin 1999 et le 30 juin 2000, la meilleure performance des constructeurs automobiles mondiaux – que les acheteurs d’automobiles – les immatriculations européennes de voitures particulières et utilitaires légers Peugeot et Citroën ont progressé de 12,9 % au premier semestre 2000 sur un marché qui croissait de 2,2 %, les ventes des deux marques hors Europe occidentale augmentant pour leur part de 40 % sur la même période – expriment actuellement une opinion plutôt favorable.