La Suisse, grande puissance chimique
REPÈRES
La Suisse est un des pays dont les exportations chimiques et pharmaceutiques sont sans commune mesure avec sa taille. L’industrie chimique et pharmaceutique suisse réalise l’un des excédents exportateurs par habitant les plus élevés du monde. Celui-ci atteignit en 2008 plus de 2 240 euros, quatre fois celui de l’Allemagne. Il est même supérieur à celui de la Belgique (1 700 euros).
Un petit pays peut se révéler une grande puissance chimique. Le cas de la Belgique, présenté dans La Jaune et la Rouge de décembre 2010, dont les exportations de produits chimiques la placent au troisième rang mondial, derrière l’Allemagne et les États-Unis, n’est pas le seul. On s’essaie ici à en élucider les raisons et à en tirer les leçons.
Les exportations chimiques de la Confédération constituent le tiers de son commerce extérieur
Les ventes helvètes de produits chimiques et de médicaments s’orientent autant vers l’Europe et l’Amérique, chacune le double de celles vers l’Asie (40, 40, 20 %). L’emploi affiche des chiffres similaires, 14% en Suisse seulement, pour 35 % dans le reste de l’Europe, 30% en Amérique et 22 % dans le reste du monde, reflétant la délocalisation des unités de production. La recherche, par contre, reste localisée en Suisse. En 2009, les dix principales entreprises de la branche ont dépensé pour celle-ci 7,5 milliards de francs suisses. Cette même année, le chiffre d’affaires réalisé par ces entreprises en Suisse resta inférieur à 2,5 milliards. Le maintien de la recherche et des fonctions de direction centrales en Suisse serait donc impensable sans le rapatriement de bénéfices issus du reste du monde.
Prépondérance de la pharmacie
L’université de Bâle est réputée pour les biotechnologies. |
Ces ventes totalisaient en 2009 environ 47,5 milliards d’euros, ce qui met la Suisse au 9e rang des pays exportateurs pour la chimie, derrière les États-Unis, le Japon et les autres grands pays européens : Allemagne, Belgique, Pays- Bas et Grande-Bretagne. De 2008 à 2009, la Suisse a reculé d’une place dans ce classement, au profit de la Chine. Cette dernière bondit, de 2008 à 2009, de la neuvième à la sixième place.
Les exportations chimiques de la Confédération constituent le tiers de son commerce extérieur. À titre de comparaison, l’horlogerie n’en représente que 8 %. Ces ventes se ventilent en trois grands secteurs, les produits pharmaceutiques (50%), les spécialités et la chimie fine (26 %), et la protection des récoltes (10%). La part des produits pharmaceutiques n’a cessé d’augmenter durant les trois décennies écoulées. S’il était permis d’extrapoler, elle atteindrait 100 % vers 2020. En effet, à l’indice 100 en 1980, ils se situaient à la cote 1 466 en 2008, contre 151 pour les colorants, 404 pour les produits de traitement des plantes, 409 pour les autres spécialités et 416 pour les saveurs et arômes.
À l’instar de cette spécialisation croissante, les principaux producteurs helvètes ont choisi, ces dix dernières années, par le biais aussi de leurs fusions et acquisitions, de se focaliser sur un petit nombre de créneaux.
Matière grise
La Suisse est championne du monde au nombre de prix Nobel par habitant. |
La chimie suisse, tirée par la pharmacie, investit massivement dans la recherche et le développement. Si l’on mesure cet effort de recherche par le rapport R&D/CA, la Suisse se retrouve en pointe par rapport aux autres pays industrialisés : plus de 7 %, à comparer avec 2,8% pour le Japon, 2 % pour les États-Unis et 1,8% pour l’Europe des Quinze (chiffres Cefic 2006). Condamnée à innover, la Suisse mise aussi sur les biotechnologies, le nombre de ces entreprises start-ups tripla en Suisse entre 2000 et 2003. Le Biozentrum, à l’université de Bâle, fondé en 1971, s’est taillé une flatteuse réputation internationale et compte plusieurs nobélisables.
Les principaux producteurs ont choisi de se focaliser sur un petit nombre de créneaux
La Confédération peut puiser dans son gisement de matière grise, son système d’enseignement universitaire est très bon. Notons à cet égard l’excellente position, 24e, de l’École polytechnique fédérale de Zürich (ETH) dans le classement dit de Shanghai. Comme on sait, la Suisse est championne du monde au nombre de prix Nobel par million d’habitants (2,4). En dernière analyse, le haut niveau de l’industrie chimique et pharmaceutique en Suisse lui vient de la qualité de ses formations de doctorat en chimie.
Excellence du système éducatif et une véritable symbiose science-industrie : tels sont les ingrédients de la réussite de nos voisins helvètes en chimie-pharmacie.
Spécialisation
Novartis, qui résulta en 1996 des fusions successives de Ciba, Geigy et Sandoz, est à présent essentiellement une firme pharmaceutique. À partir de 1998, ses polymères de haut de gamme se commercialisaient sous la marque Ciba SC, et ses produits pour l’agro-industrie passaient en 2000 sous la bannière de Syngenta, qui résulta de la fusion des activités » agri » de Novartis et AstraZeneca. Simultanément, Roche se spécialisait dans les produits de diagnostic et les antibiotiques.