La technologie 5G comme accélérateur de l’Internet des objets
La 5G apportera des possibilités inédites pour les objets connectés, qui fonctionnent actuellement en 4G. Les perspectives sont enthousiasmantes pour les fanatiques de Tech. Néanmoins la transition entre la situation actuelle et l’utilisation de la 5G prendra du temps, car les coûts de cette transition seront élevés tant pour les utilisateurs que pour les industriels. Les uns et les autres franchiront le pas en fonction de leur perspective de retour sur investissement.
Avec environ cinq cents millions de nouveaux objets connectés attendus en 2023 et une projection à six cents millions en 2027, largement dynamisée par l’arrivée de la 5G, le cellulaire représente une part significative et croissante de l’IoT. Pour comprendre l’apport de la 5G dans le domaine de l’Internet of Things (Internet des objets), nous souhaitons rappeler dans le présent article ce que la 5G contient de manière standard et à quels types d’applications peuvent bénéficier les différentes catégories de services qu’elle offre. Nous nous intéresserons dans un second temps au décalage entre le standard et la réalité du terrain, et essayerons de dresser un panorama des différentes perspectives ouvertes dans le secteur de l’industrie.
Qu’est-ce que la 5G ?
Quand nous entendons parler de 5G, notre expérience d’utilisateur des réseaux cellulaires nous oriente immédiatement vers l’idée de très haut débit, plus rapide encore que la 4G que nous utilisons sur nos smartphones : il faut, pour vivre avec son temps, avoir sur l’écran du téléphone une icône 5G. En réalité, la 5G est un standard 3GPP (3rd generation partnership project) qui couvre beaucoup plus que les cas d’usage en haut débit. Pour rappel, en 2012 l’ITU (Union internationale des télécommunications) a lancé la définition des cas d’usage et des spécifications pour la nouvelle génération de standard IMT-2020 5G. Le 3GPP ayant la responsabilité de spécifier le standard, la première version (Rel 15) a été finalisée en 2018 et, en 2020, l’ITU a approuvé l’IMT-2020 au travers de la deuxième version (Rel 16).
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Un standard divisé en catégories
En plus de la mise à disposition de nouvelles fréquences, notamment du nouveau bloc de fréquences FR2 millimétriques (24 250 – 52 600 MHz), le standard 5G définit des catégories de services s’adressant à des usages spécifiques qui correspondent typiquement à des besoins liés au monde industriel et à l’IoT. Reposant sur une architecture virtualisée et offrant la possibilité de créer des network slicing (c’est-à-dire de diviser une infrastructure de réseau physique unique en plusieurs réseaux virtuels), ce standard permet d’allouer de façon flexible des ressources adaptées aux différents cas d’usage. À l’origine, le standard comportait les catégories suivantes : eMBB, mMTC, URLLC.
L’eMBB
L’eMBB (enhanced mobile broadband) est la catégorie de services réservée aux très hauts débits (~ 7,67 Gbps), dédiée aux applications de type routeur et point d’accès sans fil, en plus des usages utilisateurs pour smartphones, de la réalité virtuelle et réalité augmentée ou des jeux, lesquels pourront bénéficier de débits ultra-rapides, rendus possibles par l’usage des ondes millimétriques. Les ondes millimétriques sont déjà utilisées pour permettre de connecter un nombre important d’utilisateurs, réunis par exemple pour un événement sportif dans un stade (Verizon notamment assure la connectivité des spectateurs lors du Super Bowl aux États-Unis en 5G hautes fréquences).
Le mMTC
Le mMTC (massive machine type communications) s’envisage comme le successeur des technologies LPWAN (low power wide area network) cellulaires fondées sur la 4G (LTE‑M et NB-IoT), en offrant la possibilité de connecter encore plus d’objets, avec des performances de consommation améliorées. Le mMTC s’adresse aux applications de compteurs électriques, gaz et eau, de systèmes d’éclairage connectés et autres dans les villes intelligentes, ainsi qu’au suivi et au traçage d’appareils disposant de modems très peu gourmands en courant. Le mMTC permettant de consommer moins d’énergie, il facilite l’utilisation et donc encourage la conception de produits pouvant fonctionner sur batterie.
L’URLLC
L’URLLC (ultra-reliable and low latency communications) est la grande nouveauté permise par le standard 5G. Cette catégorie de services ouvre un champ de nouvelles applications qui, à ce jour, ne sont pas connectées, faute d’obtenir et de garantir de bonnes performances. Nous pouvons notamment mentionner les équipements industriels et la robotique, les infrastructures critiques ou gouvernementales, ainsi que les drones. Toutes ces applications nécessitent d’avoir une latence extrêmement faible (< 5 ms) ou d’avoir la garantie que l’information ira de l’objet vers le cloud ou tout autre réceptionnaire du message. Pour ces cas d’usage, la capacité du réseau est utilisée pour répéter les signaux (repetition and redundancy) et les envoyer depuis plusieurs points de façon coordonnée (coordinated multipoint transmission). Les fonctions de time-sensitive networking (TSN) permettent de garantir un temps de réponse extrêmement faible sur les réseaux. Le rêve des industriels serait de pouvoir connecter tous leurs équipements avec un seul type de réseau sans fil. Ne pas devoir redéployer des réseaux filaires, pour des sites dont la distribution des équipements évolue régulièrement selon les produits fabriqués, offrirait un gain de temps et une flexibilité importante. Avec la 5G, les appareils exigeant du temps réel, comme des automates et des robots de production connectés, pourront être redéployés sans engendrer des coûts et des temps d’agencement onéreux. Nous pouvons par ailleurs noter que tous les objets, qu’ils nécessitent des débits élevés ou des débits faibles, seraient rassemblés sur un réseau unique, ce qui représenterait également un gain important en termes d’infrastructures pour les sites de fabrication.
Le développement des réseaux privés
Il existe plusieurs nouvelles applications possibles grâce à la nouvelle version de la technologie 5G. Ainsi, les réseaux privés, essentiels pour assurer la sécurité, deviennent accessibles à tous grâce à la 5G. Le standard 5G intègre en effet l’accès à des bandes de fréquences sans licence ; cela est associé à des mécanismes permettant de réguler l’utilisation de ces bandes de fréquences par les différents utilisateurs (mécanismes de priorisation). Cette combinaison entre URLLC et utilisation facilitée de bandes de fréquences libres a vocation à faciliter et accélérer le déploiement de réseaux privés, qui apporteront une sécurité et des performances inégalables par des opérateurs publics. Des entreprises privées pourraient ainsi facilement déployer des infrastructures virtualisées et pourraient se passer des opérateurs, en maîtrisant le déploiement de leur propre réseau cellulaire.
D’autres perspectives
Pour citer un autre exemple d’application, l’émergence du marché des voitures autonomes va bénéficier de l’évolution du standard 5G et du passage de la release 15 à la release 18, qui comprend notamment les catégories de services vehicle to user (V2X). Également, les applications à faible débit sont désormais prises en compte dans les dernières releases du standard 3GPP ; les releases les plus récentes, 17 et 18, permettront de gérer les plus faibles débits de type 4G (entre 10 Mbps et 100 Mbps), qui correspondent à la grande majorité des objets connectés, tels que les machines de distributions connectées, les systèmes d’alarme vidéo, les terminaux de paiement et les équipements de suivis médicaux.
Rendre le déploiement rentable
Nous comprenons donc que le standard 5G continue d’évoluer pour offrir un équivalent ou une amélioration par rapport à toutes les technologies cellulaires existantes. Grâce à la 5G, tout objet, quel qu’il soit, pourra être connecté et accéder à des performances adaptées et optimisées au cas d’usage sur un réseau unifié. Cependant, le standard 5G est récent à l’échelle des technologies cellulaires, et son déploiement est complexe et long. Il requiert d’être adopté par l’ensemble des acteurs de l’écosystème de l’IoT : les fabricants de puces, les opérateurs, les intégrateurs, les fournisseurs de services… Et, pour que cet écosystème adopte le standard 5G, il est nécessaire de garantir des retours sur investissement (ROI) et de prévoir la monétisation des produits et nouveaux services.
Le coût de la transition pour les utilisateurs
Par exemple, pour bénéficier du mMTC et de l’URLLC il est nécessaire de déployer des architectures dites standalone, c’est-à-dire que le cœur de réseau (core network) doit être de type 5G. Des millions d’objets sont déployés à ce jour sur les réseaux 4G à faible débit LTE‑M et NB-IoT, et les performances répondent assez bien aux besoins des utilisateurs. Décommissionner les réseaux 4G LTE‑M et NB-IoT est extrêmement coûteux pour les utilisateurs, qui devront remplacer les objets connectés 4G alors qu’ils viennent de faire la transition depuis les réseaux 2G et 3G. L’idée de devoir à nouveau mettre à jour le parc d’équipements de tous ces objets pour les connecter en 5G est un frein au déploiement du mMTC et à son adoption par l’écosystème de l’IoT. Ainsi, le mMTC n’est pas déployé à ce jour par les opérateurs, qui ne veulent pas perdre leurs clients et préfèrent maintenir le minimum d’infrastructures 4G nécessaire pour opérer les réseaux LTE‑M et NB-IoT, peu gourmands en ressources. La perspective d’une catégorie de services eRECAP (enhanced reduced capacity) dans la release 18 assez proche des spécifications du LTE‑M pourrait bien tirer un trait sur l’avenir du mMTC.
Le coût pour les industriels
Autre exemple : nous constatons la faible adoption des très hautes fréquences (millimétriques), qui permettraient d’augmenter la capacité du réseau et de garantir une latence très faible. Les freins sont nombreux et nous pouvons citer la complexité de mise en installation des antennes (coût de développement pour les fabricants), le coût de l’équipement (jusqu’à cinq fois supérieur au coût normal), et aussi les coûts de certifications (FCC, CE, opérateurs). Tout cela empêche des objets utilisant cette technologie d’être déployés sur les réseaux. Et ce, alors que les couvertures de réseau des opérateurs restent partielles en raison de surcoûts d’infrastructures évidents. Toutes ces difficultés et les coûts associés font qu’à ce jour les ondes millimétriques ne sont utilisées que sur des marchés de niche (stades pour événements culturels et sportifs, par exemple) et rien ne laisse entrevoir l’économie d’échelle nécessaire à la réduction des coûts.
Le cas des routeurs
Plus simplement encore, les fabricants de routeurs ont été refroidis par les premiers lancements de routeurs 5G aux États-Unis. Quand la fameuse C‑band n’était pas encore disponible aux États-Unis, les performances atteintes par ces routeurs ne justifiaient en rien le surcoût par rapport à des routeurs fonctionnant en 4G high speed. À la lecture des investissements colossaux réalisés par les opérateurs américains, il semble évident que ces problèmes de disponibilité de bande passante ont été identifiés. Ainsi, nous avons pu constater les premiers updates de modem en fin d’année 2022, pour permettre d’exploiter la C‑band et donc d’obtenir les débits escomptés.
“Les opérateurs de services mobiles seront des décideurs clés pour offrir certains services plus complexes et différenciants.”
Côté URLLC, l’une des plus grandes innovations offertes par la 5G, il faudra attendre que des réseaux standalone soient déployés et que des chipsets soient développés afin de pouvoir supporter cette catégorie de services.
La possibilité d’opérer des réseaux privés plus facilement avec la 5G peut même, potentiellement, remettre en question le besoin de la catégorie URLLC : en effet, opérer dans un environnement de réseaux privés isolé d’un réseau public est déjà un moyen d’améliorer la fiabilité de la connexion et de réduire la latence, le tout se jouant dans un environnement proche et restreint.
Il faudra du temps…
La 5G a également été pensée pour l’IoT, et pas seulement pour les cas d’usage haut débit. Elle offre des possibilités révolutionnaires pour ses utilisateurs. De fait, le panel de fonctionnalités va accélérer le déploiement des objets connectés et rendre de nouveaux usages possibles, tels que la voiture autonome et les industries connectées en réseaux privés. Néanmoins, le déploiement de la 5G dans l’IoT va prendre du temps et dépendra beaucoup des choix stratégiques des différents membres de l’écosystème ; les opérateurs de services mobiles seront des décideurs clés pour offrir certains services plus complexes et différenciants. Ces mêmes opérateurs seront éventuellement menacés par de nouveaux entrants proposant des réseaux privés. Les acteurs du semi-conducteur auront, eux aussi, des choix cruciaux à effectuer, car ils devront créer des puces dédiées à des marchés de niche, comme les infrastructures critiques, et être convaincus du retour sur des investissements qui restent colossaux, une puce dédiée coûtant entre 40 et 60 millions de dollars américains.