La Télé-université du Québec
L’origine de la formation à distance remonte au XIXe siècle, vers 1850, avec l’apparition de l’enseignement par correspondance. S’y sont, tour à tour, ajoutés les systèmes radiophoniques puis télévisuels au début du XXe siècle. Les émissions de radio scolaire de la BBC ont débuté dès 1927.
En 1966, le parti travailliste britannique inclut explicitement la création d’une university of the air à sa plateforme électorale. L’université accueille ses premiers étudiants en 1971, plus de 25 000. Ce nombre s’est multiplié par dix au fil des années. La création de l’open university de Grande-Bretagne a inspiré la constitution de nombreuses universités à distance partout dans le monde.
La Révolution tranquille
À la même époque, un vent de changement souffle sur plusieurs continents, et le Québec n’échappe pas aux transformations. La décennie des années 1960 est marquée par une période phare de son histoire : la Révolution tranquille.
Le système d’éducation est alors contrôlé par l’Église catholique, et l’enseignement supérieur est très peu accessible aux classes populaires francophones. Seules des institutions privées payantes, les collèges classiques, propriétés des communautés religieuses, donnent accès à l’université.
Profitant de la volonté de changement manifestée aux élections de 1960, le nouveau gouvernement libéral crée une commission d’enquête pour moderniser le système d’éducation du Québec. C’est un évêque, Mgr Parent, qui la préside. Elle livrera ses recommandations entre 1963 et 1966.
Un système scolaire unifié
Dans ses conclusions, la Commission propose « la création d’un système scolaire unifié, intégré et public depuis la maternelle jusqu’à l’université, placé sous l’autorité d’un ministère de l’Éducation soutenu par un organisme consultatif, le Conseil supérieur de l’éducation ».
Le postulat de base soustendant ses travaux est le droit à l’éducation : « Assurer l’accessibilité à l’enseignement secondaire ouvrira aux jeunes les portes de l’université. »
La Commission recommande aussi la création de l’Université du Québec (UQ), une université publique établie en réseau, inspirée du modèle de l’Université de Californie. La loi sur l’Université du Québec est votée en 1968 et, dès 1969, 16 000 étudiants sont accueillis sur les nouveaux campus de Montréal, Trois- Rivières, Rimouski et Chicoutimi.
Un projet expérimental
Portée par cet élan et poussant plus loin sa volonté d’ouverture à toute la population québécoise, l’Université du Québec met sur pied, dès 1972, un projet expérimental d’université à distance, largement inspiré de l’open university britannique, en créant la commission de la Télé-université.
Le premier cours de la Télé-université est donné en 1974. Il s’agit d’un cours « d’initiation à la coopération », créé en collaboration avec une institution bancaire coopérative d’origine québécoise.
La Télé-université offre son premier programme complet en 1976 : un programme court de perfectionnement des maîtres en mathématiques. Son offre s’enrichit au fil des années, tout comme son personnel et son corps professoral. Ce n’est qu’en 1990 que le Conseil des universités accueille favorablement sa demande de lettres patentes. Émises en 1992, elles lui confèrent le statut « d’école supérieure » et viennent confirmer sa capacité de remplir une double mission d’enseignement et de recherche.
Un besoin de flexibilité
La Télé-université offre aujourd’hui quelque 360 cours et 75 programmes d’études de premier, deuxième et troisième cycles universitaires dans les principaux domaines du savoir. Elle accueille près de 19000 étudiants chaque année.
Son modèle d’enseignement est centré sur les besoins de flexibilité des jeunes adultes qui composent majoritairement sa population étudiante. Elle offre une admission et une inscription continues, ce qui signifie que chaque étudiant commence son programme au moment qui lui convient. La réussite des étudiants dans les cours est sanctionnée par un examen sous surveillance.
L’auto-apprentissage
La formule pédagogique repose sur l’auto-apprentissage organisé autour d’un matériel pédagogique conçu par une équipe multidisciplinaire sous la responsabilité d’un professeur, secondé par des spécialistes de la formation à distance.
Ce matériel utilise aussi bien les outils modernes de diffusion et de communication que les outils plus traditionnels selon les besoins du cours lui-même, et de ses étudiants. Ces derniers sont soutenus dans leur démarche d’apprentissage par une équipe d’encadrement qui les assiste et leur offre une rétroaction en synchrone ou en différé.
Au moment de leur admission dans un programme, la Télé-université offre aussi à ses étudiants, en majorité de jeunes adultes sur le marché du travail, une reconnaissance des acquis de formation et d’expérience, ainsi que des services adaptés à leur réalité d’étudiants à distance : association étudiante et son journal, Web social ou bibliothèque à distance.
Un parcours difficile
Si le Québec s’est montré précurseur en créant au début des années 1970 ce qui allait devenir une université à distance à part entière, le réseau universitaire s’est montré réticent à donner à la Télé-université toute la latitude nécessaire à son plein essor. Les universités ne souhaitaient pas la concurrence d’une université à distance sur les territoires académiques et géographiques qu’elles desservaient.
La Télé-université compte 500 employés réguliers et contractuels. Parmi ceux-ci, 70 professeurs, universitaires de carrière, 70 spécialistes de la formation à distance et 200 tuteurs et chargés de l’encadrement des étudiants forment le personnel enseignant.
Tous les projets de développement ont été étudiés à l’aune de leurs effets potentiels de concurrence, et ce n’est qu’au début des années 1990 qu’elle a pu accéder officiellement au champ des sciences de la gestion, le plus populaire, et de loin, des domaines d’études de ses étudiants.
Ce développement restreint a bien sûr limité la taille de son corps professoral, alors que les technologies de l’information et de la communication offraient des perspectives de plus en plus stimulantes et que la demande de formation à distance connaissait une croissance importante.
L’échec de l’université bimodale
Devant cette situation, dès 2002, avec l’appui de la direction de l’Université du Québec, les directions de la Télé-université et de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) ont entrepris une réflexion visant à créer une grande université bimodale.
L’objectif du rattachement était d’optimiser la contribution de la Télé-université au système universitaire québécois en facilitant l’accès aux études universitaires au plus grand nombre par l’enrichissement et l’élargissement de l’offre de formation disponible à distance. Ce rattachement rendait accessible pour la formation en classe les matériaux didactiques conçus pour la distance.
Il s’est heurté à de nombreuses difficultés. En 2006, une crise financière et politique à l’UQAM a mené à un changement inattendu de direction. Le contexte de crise et l’absence d’intérêt de la nouvelle direction pour l’université bimodale ont sonné le glas d’un projet innovant. À partir de 2009, la Télé-université rebroussait chemin et demandait au gouvernement du Québec de retrouver son autonomie légale. Cette demande a été prise en compte et officialisée en 2012.
Combiner présence et distance
Une reconnaissance des acquis de formation et d’expérience
Cette expérience difficile ne peut occulter le fait que l’environnement universitaire se modifie. La bimodalité et la formation hybride, c’est-à-dire combinant à l’intérieur d’un même cours la présence et la distance, deviennent de plus en plus courantes pour les universités.
L’offre de formation à distance se diversifie alors que l’évolution sociale confirme le besoin d’autonomie des étudiants, en particulier les adultes.
Certes, la bimodalité suit un chemin difficile, parfois chaotique, fait d’avancées et de reculs parce que porteur d’innovations et de grandes transformations. Mais sa route est tracée et, en dépit des obstacles et des résistances, l’université nouvelle émerge parce que le rapport au savoir se transforme, s’élargit et se renforce inexorablement.