Maxime Rousselle (60), la tête dans les nuages
Droit dans ses bottes. Le nez en l’air, Maxime Rousselle en jauge les divers paramètres, vitesse et direction du vent surtout. Observateur tous azimuts, des oiseaux, de nefs gothiques, de paysages, leur donnant son admiration.
Maxime Rousselle (60) s’exprime avec bonheur, donc avec concision, en un lexique riche, non recherché, direct.
À l’École, Maxime Rousselle fut moyennement studieux, mais ne perdit que 20 places en deux ans.
Il se rappelle Jean Favart en analyse théorisant la science des trous, Louis Leprince- Ringuet qui emportait la sympathie en physique, avec quelques digressions sur le tennis des tournois pros, plus décontracté que de nos jours, ou Charles Morazé dont un amphi de « français » avait été spontanément applaudi in fine par tous les élèves présents.
Nager dans le noir
Maxime Rousselle fit partie du groupe natation, sans en être un as. Il aimait bien aller le soir (il avait bricolé une clé) à la piscine de l’École (Montagne Sainte- Geneviève) et nager dans le noir, ce qu’il a aussi pratiqué plus tard en mer, trouvant cela féérique.
Entre ses deux années d’X, un petit stage de quinze jours dans un fort du sud de l’Algérie fut son seul « service militaire », pas passionnant vu le calme local et les précautions prises par la garnison pour ne pas le mettre en danger.
« Les chasseurs intelligents »
Après l’X, il opta pour une carrière de pilote dans l’armée de l’Air, le décret « Bourgès » permettant alors une intégration directe.
Son avion de début fut un T6, monomoteur de 900 CV, pas vraiment un avion d’aéroclub. Puis le réacteur, Fouga, le Mystère IV avec affectation dans la reconnaissance, à l’époque où les pilotes de cette spécialité se baptisaient « les Chasseurs Intelligents », sur RF84F puis Mirage III R de Strasbourg, équipés d’appareils photos performants.
Il n’existait pas alors de système de navigation, les radars ne voyaient rien à basse altitude, les vols étaient donc tout à fait autonomes et indépendants, ce qui lui plaisait bien.
Le premier vol en électrique
Après un passage au Deuxième Bureau, il choisit l’école des Pilotes d’essais, puis mit en pratique cette expertise cinq ans au Centre d’essais en vol (CEV) d’Istres, avec quelques phases marquantes comme les recherches sur les extinctions en monomoteur en Mirage F1 (« couper son unique réacteur à 10 000 mètres crée un grand moment de silence, mais ce n’est pas le lieu de philosopher ») ou les vols sur un Mirage III B aux gouvernes tronçonnées par le CEV pour avoir des commandes en place arrière normales mais en place avant « électriques » ou plus justement « informatiques ».
Maxime Rousselle réalisa le premier vol en France « en électrique » du décollage à l’atterrissage. Pendant toutes ces années, il ne mit pas vraiment en pratique (sauf un peu d’aérodynamique) les enseignements théoriques de l’X, mais plutôt une rigueur de logique et une facilité de compréhension enseignées par les mathématiques.
Maxime Rousselle gravit les échelons, devint colonel. Il continue de se passionner aujourd’hui pour l’aviation, pour son histoire, pour les aéronefs que construisirent et pilotèrent un Santos-Dumont ou un Clément Ader.
Il jouit d’être à la retraite, elle lui permet une inlassable activité. L’hiver, il répare et reconstitue des horloges anciennes.
Colonel cerf-voliste
Les autres saisons le trouvent faisant voler des cerfs-volants, de sa conception, mise au point et maniement, enfin. Ils atteignent de 100 à 200 mètres d’altitude.
Rousselle se targue de ce qu’ils sont capables d’évoluer, de continuer à planer, dans des vents qui vont, en règle générale, de force 1 à 7.
Il prend souvent pour modèles des oiseaux. Ses réalisations sont impressionnantes par leur envergure, jusqu’à huit mètres. « J’ai découvert le cerf-volant par hasard : on m’a offert un pilotable vraiment très mauvais. J’ai essayé de l’améliorer, mais il s’est rapidement avéré plus facile d’en faire un nouveau.
“ Couper son unique réacteur à 10 000 mètres crée un grand moment de silence, mais ce n’est pas le lieu de philosopher ”
J’ai donc fait un delta pilotable classique, en couverture de survie scotchée. Mais j’ai parallèlement voulu créer quelque chose de plus élancé, et la forme des oiseaux s’imposait.
J’ai donc commencé à concevoir et réaliser des oiseaux pilotables (deux lignes) comme Jonathan (1994), le King, la Mouette.
Cela n’a pas été simple, le bridage pour faire tourner étant basé sur la déformation de la machine ! J’ai alors voulu faire plus grand (3 mètres d’envergure), mais la pilotabilité devenait pratiquement impossible, l’aile “gauchie” reculant et arrêtant le déplacement, et le dérapage devenant plus important que la rotation.
J’ai alors transformé ce cerf-volant en monofil : l’Oiseau bleu. Mais ceci nécessita un an de recherche et de modifications pour trouver le principe qui rende stable un engin sans queue, ultra-court (25 cm) et ultra-large (300 cm).
Ensuite j’ai conçu d’autres modèles dont l’Oiseau light pour la pétole, la chouette blanche Harfang pour le vol de nuit.
Enfin, j’ai voulu faire plus grand, et j’ai extrapolé l’Oiseau bleu en le modifiant pour réaliser l’Albatros de 6 mètres d’envergure. Celui-ci est une réussite : bien stable, il vole de force 1 à force 7. Je suis même passé plus tard à 8 mètres avec Megoel. »
Il faut beaucoup marcher
J’emprunte ce récit au site de Maxime Rousselle sur la Toile, où l’on trouvera aussi un historique du cerf-volant, dans ses diverses utilisations, y compris militaires et scientifiques ; ainsi que de précieuses indications pratiques sur les plans et techniques de construction, ainsi que sur le maniement de ces élégants aéronefs.
Le même site inclut aussi le journal de Maxime Rousselle, où il narre ses participations à des rencontres de cerfs-volistes, dans tout l’Hexagone : les grands festivals internationaux, Berck et Dieppe qui durent chacun une semaine avec la participation des plus grands cerfs-volistes du monde entier, mais aussi des festivals de clubs tous les week-ends de mars à octobre, voire de petites rencontres locales à trois ou quatre cerfs-volistes.
Et cela dans toute la France sur des plages en général très ventées ou dans les terres où il faut au contraire souvent des machines légères. Également quelques séances indoor l’hiver dans des gymnases où il faut beaucoup marcher mais surtout avoir construit ultra-light.