Le Comité Stratégique de Filière (CSF) Nouveaux Systèmes Énergétiques joue un rôle crucial dans la transition énergétique et la réindustrialisation de la France. Son périmètre d’intervention englobe le développement et la maîtrise des technologies de production, de transport et de stockage des énergies renouvelables, ainsi que des technologies de décarbonation. En favorisant l'implantation de nouvelles usines et en stimulant la création d'emplois, le CSF contribue à la réindustrialisation tout en répondant aux enjeux climatiques, technologiques, économiques et sociaux.

La transition énergétique une opportunité de réindustrialiser la France

Dossier : Vie des entreprises - Décarbonation et économie circulaireMagazine N°799 Novembre 2024
Par Sylvie JÉHANNO (X89)

Syl­vie Jéhan­no (X89), co-pré­si­dente des Nou­veaux Sys­tèmes Éner­gé­tiques nous pré­sente les prin­ci­paux chan­tiers qui mobi­lisent le sec­teur pour faire de la tran­si­tion éner­gé­tique une oppor­tu­ni­té de réin­dus­tria­li­ser la France. Gros plan sur le pro­jet de contrat de filière 2024–2027, qui devrait être signé pro­chai­ne­ment avec l’État, et acte­ra des enga­ge­ments réci­proques pour déve­lop­per une indus­trie au croi­se­ment des enjeux cli­ma­tiques, tech­no­lo­giques, éco­no­miques et sociaux.

Vous allez signer un nouveau contrat de filière avec l’État pour la période 2024–2027. Pouvez-vous nous en faire la présentation ?

Ce contrat est tout d’abord le pro­duit d’une ambi­tion, celle d’atteindre la neu­tra­li­té car­bone en 2050. En pra­tique, com­ment allons-nous par­ve­nir à bais­ser nos consom­ma­tions d’énergie ? Accroître la pro­duc­tion d’énergie décar­bo­née ? Adap­ter nos réseaux élec­triques et gaziers ? Sécu­ri­ser nos appro­vi­sion­ne­ments ? Pré­ser­ver le pou­voir d’achat de nos conci­toyens et la com­pé­ti­ti­vi­té de notre éco­no­mie ? Autant d’enjeux iden­ti­fiés dans le pro­jet de Pro­gram­ma­tion Plu­ri­an­nuelle de l’Énergie. C’est éga­le­ment tout l’objet du contrat de filière qui, pour cha­cun de ces objec­tifs, pré­ci­se­ra les actions à conduire pour la filière des Nou­veaux Sys­tèmes énergétiques.

Pourriez-vous d’ailleurs préciser ce que sont ces Nouveaux Systèmes Énergétiques ?

On entend ici tout ce qui concourt au déve­lop­pe­ment de l’industrie des nou­veaux sys­tèmes éner­gé­tiques sur le sol fran­çais : la maî­trise des tech­no­lo­gies de pro­duc­tion, trans­port, sto­ckage d’énergies renou­ve­lables (élec­triques, cha­leur et gaz) et des tech­no­lo­gies de décar­bo­na­tion (éolien en mer, solaire pho­to­vol­taïque ou ther­mique, géo­ther­mie, pompes à cha­leur, bat­te­ries, hydro­gène, CCUS, sys­tèmes de pilo­tage…) ain­si que les condi­tions de réus­site de la réin­dus­tria­li­sa­tion (équi­libre des rela­tions de com­merce inter­na­tio­nal, sécu­ri­sa­tion des matières pre­mières, visi­bi­li­té et attrac­ti­vi­té de nos métiers, sim­pli­fi­ca­tions admi­nis­tra­tives…) et les usages de nos tech­no­lo­gies (bâti­ments, indus­trie, mobi­li­té lourde…).

“Développer une industrie au croisement des enjeux climatiques, technologiques, économiques et sociaux”

Pre­nons l’exemple des bat­te­ries. Nous avons désor­mais en France des giga­fac­to­ries de bat­te­ries pour véhi­cules élec­triques. C’est enthou­sias­mant, mais il faut res­ter vigi­lant et conti­nuer de conso­li­der le cadre dans lequel elles se déploient. Nous tra­vaillons ces sujets avec l’ensemble des par­ties pre­nantes dans notre groupe de tra­vail Bat­te­rie : condi­tions de réci­pro­ci­té avec les États-Unis et la Chine en par­ti­cu­lier, évo­lu­tion du droit minier pour faci­li­ter les extrac­tions sur le sol fran­çais, lan­ce­ment de l’université de la bat­te­rie pour cou­vrir les besoins en com­pé­tences, réflexion autour de l’éco-conception, la tra­ça­bi­li­té et le recy­clage, sont autant de sujets qu’il nous faut abor­der pour ren­for­cer l’industrie euro­péenne de la batterie.

Les gigafactories de batteries se multiplient sur le territoire français et européen. N’est-ce pas l’arbre qui cache la forêt ? Si l’on observe ce qui s’est passé sur l’éolien ou le solaire photovoltaïque, peut-on encore espérer que l’Europe fasse un jour jeu égal avec ses concurrents chinois ou américain ?

Vous sou­li­gnez effec­ti­ve­ment le qua­si-mono­pole de cer­taines puis­sances éco­no­miques sur des pro­duits indus­triels struc­tu­rants pour notre ave­nir comme le solaire pho­to­vol­taïque. Cepen­dant, la situa­tion évo­lue. L’épisode de la Covid 19 puis l’invasion de l’Ukraine ont déclen­ché une prise de conscience qui abou­tit aujourd’hui à un nou­vel élan euro­péen autour des enjeux de sou­ve­rai­ne­té indus­trielle et énergétique.

Concrètement, comment se manifeste ce nouvel élan ?

Tout d’abord, à tra­vers une volon­té com­mune. Je don­ne­rai un seul exemple mais on pour­rait les mul­ti­plier : en réponse à l’Inflation Reduc­tion Act amé­ri­cain, qui repose sur une logique de sub­ven­tion à la pro­duc­tion sur le sol amé­ri­cain, l’adoption du Net Zero Indus­try Act par le Par­le­ment euro­péen le 25 avril der­nier fait évo­luer les moda­li­tés d’achat public des tech­no­lo­gies vertes « made in Europe ».

L’objectif affi­ché est de pro­duire en Europe 40 % des besoins euro­péens de bat­te­ries, de pan­neaux solaires, de pompes à cha­leur, d’éoliennes. Et pour ce faire, le texte intro­duit des cri­tères hors prix, de rési­lience et de dura­bi­li­té, à la fois pour la com­mande publique, les appels d’offres pour le déploie­ment des éner­gies renou­ve­lables et les méca­nismes de sou­tien public à la demande.

Selon vous, la révolution verte peut-elle être un atout pour la France et l’Europe ?

La tran­si­tion éner­gé­tique est une néces­si­té sur le plan du cli­mat bien sûr, avec une réduc­tion pla­ni­fiée de nos émis­sions de gaz à effet de serre, mais elle peut être éga­le­ment une oppor­tu­ni­té sur les plans éco­no­mique et social avec l’émergence de nou­veaux mar­chés pour nos entre­prises, l’installation de nou­velles usines dans nos ter­ri­toires, de nou­veaux emplois à la clé. On estime à
300 000 le nombre d’emplois à pour­voir dans la tran­si­tion éner­gé­tique d’ici 2030. Pour réus­sir, il nous faut démon­trer que l’industrie verte ne s’oppose pas aux autres industries.

Comment se désengage-t-on des activités industrielles les plus polluantes ?

On ne se désen­gage pas. En revanche, on décar­bone. Décar­bo­ner les acti­vi­tés les plus émet­trices comme la métal­lur­gie, les maté­riaux de construc­tion, la chi­mie ou encore l’agroalimentaire est l’un des piliers de la stra­té­gie fran­çaise pour atteindre la neu­tra­li­té car­bone. Depuis novembre 2023, les 50 sites indus­triels fran­çais les plus émet­teurs pour­suivent un objec­tif de réduc­tion de 45 % de leurs émis­sions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030.

Se désen­ga­ger des indus­tries tra­di­tion­nelles condui­rait à com­pro­mettre le déve­lop­pe­ment de l’industrie verte. Il ne faut pas oublier que la majo­ri­té des com­po­sants et des com­pé­tences néces­saires au déve­lop­pe­ment des indus­tries de la tran­si­tion éner­gé­tique relèvent de savoir-faire exis­tants, en élec­tri­ci­té, en méca­nique, en chi­mie, en ther­mique, en élec­tro­nique, de pro­duc­tion, de main­te­nance… maî­tri­sés par l’industrie exis­tante. À ce stade, les com­po­sants et les pro­cé­dés de rup­ture res­tent l’exception.

Vous évoquiez la création de 300 000 emplois dans la transition énergétique. Comment attire-t-on de nouveaux talents sur ces métiers ?

On a aujourd’hui dans la tran­si­tion éner­gé­tique un besoin impor­tant de com­pé­tences. Il est donc essen­tiel de faire connaître les métiers qui concourent à la baisse de nos consom­ma­tions d’énergie, à la décar­bo­na­tion de nos acti­vi­tés, à la per­for­mance de nos réseaux éner­gé­tiques… Dans cette pers­pec­tive, nous avons conclu un par­te­na­riat avec l’Onisep, pour per­mettre aux jeunes et aux moins jeunes d’identifier sur sa pla­te­forme d’orientation 100 diplômes, du CAP au Bac+3, que nous avons label­li­sés « Métiers de la tran­si­tion éner­gé­tique ». Alors qu’ils sont de plus en plus nom­breux à s’investir dans le déve­lop­pe­ment durable, je leur rap­pel­le­rai que s’ils sou­haitent prendre soin de la pla­nète, l’industrie est un excellent endroit pour le faire. Nos entre­prises sont à même de pro­po­ser aux femmes et aux hommes inté­res­sés par la tran­si­tion éner­gé­tique des par­cours pro­fes­sion­nels ouverts, por­teurs de sens et durables.

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