La trésorerie, clé de voûte du financement
L’innovation crée la différence sur le marché. Il faut évaluer la demande et non pas l’offre des concurrents. Il est nécessaire d’identifier les points critiques et de hiérarchiser les priorités. De l’incubation à la création et de la croissance à la maturation, tout projet doit rester en contact avec les capitaux et respecter un cycle vertueux : chiffre d’affaires, résultat et trésorerie.
Certains projets pèchent par orgueil en pensant qu’il suffit de faire un bon produit pour réussir. Durant la période de démarrage il faut résoudre deux difficultés majeures : d’une part le produit ou service doit convaincre au-delà du simple cadre des amis et des sympathisants et d’autre part les premières ventes sont souvent le prolongement des contacts établis depuis longtemps, alors que le cycle de ventes futures réalisé avec de nouveaux clients sera plus long. Ainsi transformer son intuition en analyse de marché équivaut à ne pas confondre intérêt réel et simple politesse ou curiosité chez ses clients potentiels.
Évaluer la demande et non l’offre
Le chef d’entreprise rêve de rompre le cercle de la concurrence qui peut provenir de n’importe qui et peut survenir à tout moment, de n’importe où.
Le meilleur produit est celui qui se vend
Il ne faut pas se tromper de cible, en se comparant aux autres produits concurrents, on évalue l’offre et non la demande, ce qui éloigne du besoin du client.
Le phénomène récurrent des projets d’innovation technologique est le grand nombre d’applications attendues, qui peut laisser croire que le marché a un potentiel très important. La dispersion des moyens constitue une vulnérabilité. Il faut donc déterminer les segments de marché à toucher en priorité et les modalités d’accès. Le meilleur produit est celui qui est vendu et non celui dont la technologie est la plus puissante.
Le jockey est aussi important que le cheval
Les success stories sont fréquemment attribuées à un individu exceptionnel qui est l’entrepreneur ou l’innovateur » héroïque « . Ce visionnaire hors du commun est censé se démener seul contre tous dans un combat quasi épique.
Habituer les clients
Un piège souvent rencontré : penser que seuls les arguments techniques de vente suffisent et qu’avec une technologie ou offre plus performante que les précédentes, le marché s’ouvrira naturellement. À tort. La clientèle potentielle demande à s’habituer et à s’adapter.
En réalité il faut reconnaître le rôle fondamental joué par une équipe aux compétences complémentaires qui se traduira par la capacité à résister au stress en ayant du discernement et du bon sens.
L’une des principales causes d’échec est un management inadapté : savoir s’entourer est donc primordial. Si la greffe ne prend pas, cela se traduit par des mois de retard et un risque accru d’affaiblir la société.
Recruter est parfois aussi difficile que de trouver de l’argent. En phase de démarrage le recrutement a souvent lieu en situation d’urgence sans plan d’action. Conséquences ? Définitions de poste floues, quand elles existent, salaires mal maîtrisés, recrutement par copinage plus que par cooptation, retards dans le développement, la commercialisation. Créer une dream team, c’est créer une culture d’entreprise et révéler le potentiel des collaborateurs.
S’entourer de compétences au sein d’un conseil d’administration, ou en ouvrant le capital à des business angels est aussi un moyen de se former au quotidien et d’accélérer la pénétration d’un marché.
Apprécier les délais
» Le marketing fait sonner le téléphone ; les ventes transforment l’appel en prise de commande. »
Attention aux grandes entreprises
Les relations avec les grandes entreprises sont couramment recherchées comme référence ou sésame. Or ces dernières ont une certaine aversion au risque en craignant » d’essuyer les plâtres « . L’acheteur est également incité à travailler avec un fournisseur connu plutôt qu’avec une jeune entreprise qui peut disparaître rapidement. En outre, le manque de réactivité de la grande entreprise après un premier contact est récurrent, avec un circuit d’approbation long. Les interlocuteurs techniques dans les grands groupes n’ont pas le pouvoir de décider d’un achat et doivent respecter un circuit interne qui n’est pas toujours repéré par la PME.
Pour le lancement d’un produit technologique, il est fréquent de voir des ingénieurs retarder la mise sur le marché car ils veulent mettre au point le » couteau suisse » : ils surestiment trop souvent le facteur technologique au détriment du marketing.
L’entreprise doit franchir avec succès une batterie de tests techniques ou pilotes car la commande définitive du client prendra du temps. De ce fait il est important de recruter des vendeurs qui ont l’expérience du marché visé et savent apprécier les délais de commercialisation.
Il faut faire prendre conscience aux développeurs que la mise au point du produit n’est pas une fin en soi mais qu’elle doit conduire à un cycle vertueux : chiffre d’affaires, résultat et enfin trésorerie.
C’est lors des premiers contacts commerciaux qu’apparaissent les difficultés : une mutation technologique qui peut changer fondamentalement les relations avec les clients ne se décide pas immédiatement.
Identifier les points critiques
Les projets innovants sont de loin les plus longs à faire aboutir ; études de faisabilité, de marché, recherche de financement sont autant d’étapes lourdes qui pèsent sur leur concrétisation rapide.
L’une des principales causes d’échec est un management inadapté
Il est nécessaire d’identifier les points critiques, hiérarchiser les priorités et élaborer un retroplanning, accélérer et crédibiliser les prises de contact afin de donner une lisibilité sur le financement.
Rédiger un business plan permet de comprendre comment et quand l’entreprise devrait dégager du bénéfice. En revanche suivre à la lettre le business plan est très théorique sur un marché interactif. Il est difficile de savoir quel sera le chiffre d’affaires dans trois ans quand on ne sait pas si on aura des clients dans six mois. D’où l’intérêt de bornes ou mile-stones pour rectifier en continu.
L’innovation n’est pas toujours synonyme de rentabilité. L’échec arrive plus rapidement que la réussite : en général au bout de dix-huit à vingt-quatre mois. Un décalage du time to market retarde l’équilibre financier et crée un nouveau besoin de financement.
Budget de trésorerie, ou cash is king
Pour financer des besoins gloutons en marketing, R & D, etc., tenir compte des délais d’achat et retarder au maximum la crise de trésorerie synonyme de liquidation, il faut utiliser toutes les bonnes fées de l’écosystème. Les sources de financement directes ou indirectes sont nombreuses mais très utiles selon le statut innovant : CIR, JEI, pôles de compétitivité, Oseo, prêts d’honneur, subventions, pôles de compétitivité, business angels.
Gare à l’optimisme
La quête du » Graal financier » n’est pas évidente car la société innovante se caractérise par des coûts fixes importants et des cash flows négatifs avec un recours difficile voire impossible à la dette bancaire. Une fois les fonds personnels et ceux des relations proches utilisés, certains dossiers ont du mal à se financer. Les moyens commerciaux et les délais de concrétisation sont souvent sous-estimés alors que les processus d’achat sont longs, surtout auprès de grands comptes, ce qui conduit parfois à un business plan trop optimiste.
Le reporting le plus important est donc bien celui de la trésorerie disponible : en amorçage il est rare que l’entreprise atteigne son équilibre et il est donc essentiel de connaître le temps pendant lequel elle pourra maintenir son activité avec les fonds obtenus. Respecter les budgets et les délais est essentiel pour réagir à temps.
L’établissement d’un crash case ou crash-test est vivement conseillé, en décalant de six mois l’estimation du chiffre d’affaires, et donne ainsi un aperçu de la trésorerie à reconstituer.
Un budget de trésorerie est impératif pour convertir les fonds injectés dans l’entreprise, en mois de charges, afin d’éviter la spirale infernale de recherche de trésorerie. Lorsque le burn rate descend en dessous de quatre à cinq mois (ou davantage si la période comprend la période estivale), il faut tirer le signal d’alarme car c’est le temps qu’il faut en moyenne pour rechercher rapidement d’autres sources de financement.
Des tours de table successifs
Les tableaux de bord permettent d’anticiper, car les tours de table ou l’adossement à un groupe industriel, à même d’assurer la pérennité, sont longs et difficiles à réaliser.
Il faut éviter de se trouver en situation délicate lors de la recherche de fonds en raison d’une trésorerie insuffisante qui ne permet pas d’être en position de force dans les négociations.
En outre, rares sont les investisseurs qui acceptent d’intervenir en second tour si le chiffre d’affaires n’atteint pas environ un million d’euros. Cette borne permet d’être visible sur le marché et donne ainsi une crédibilité pour les investisseurs.
Il est donc impératif de financer l’entreprise dans sa phase de démarrage pour au moins dix-huit à vingt-quatre mois et lui donner ainsi les moyens suffisants pour son développement commercial et la constitution d’une bonne équipe.
Cerner les besoins
L’enjeu de l’innovation est de créer une différence sur un marché existant ou naissant ce qui induit un double besoin, financier et de conseil.
Il est difficile d’estimer le chiffre d’affaires dans trois ans quand on ne sait pas si on aura des clients dans six mois
Par définition unique, cette entreprise cumule de nombreux handicaps liés à une alchimie subtile et complexe qui prend en compte l’envie d’un porteur de projet et la réalité d’un marché qui ne l’a pas attendu. Un marché n’est pas homogène ni constant : les progrès réalisés en même temps par les procédés concurrents bouleversent régulièrement la donne.
La difficulté pour un intervenant financier est de cerner les innombrables facettes de besoins très hétérogènes avec des grilles d’analyses nombreuses où la décision est souvent empreinte de subjectivité.
Face à une innovation ses premiers réflexes peuvent l’amener à penser » ça ne marchera jamais ou cela existe déjà « . En outre forger son jugement est un véritable art, tant les projections financières sont délicates à définir, les hypothèses intuitives et les instruments d’évaluation complexes.
Goutte d’eau et goutte d’huile
En outre rares sont les entreprises qui réalisent leur business plan initial, même celles qui ont connu de belles performances.
Pour un business angel comme pour un investisseur institutionnel, investir 300 000 euros dans un premier tour d’une entreprise innovante est une goutte d’eau par rapport aux fonds disponibles sur le marché, mais elle représente également une goutte d’huile qui permet de passer un cap, tout en fédérant l’écosystème financier.
Pour cet investisseur, il est vivement conseillé de garder une réserve : pour un investissement de 100, il doit conserver deux à trois fois cette somme pour suivre un prochain tour très probable.
IDF Capital
IDF Capital est une société de capital-risque qui compte parmi ses actionnaires le Conseil régional d’Île-de-France, les banques régionales, la CDC, diverses chambres de commerce et d’industrie de la région et des industriels. Depuis sa création en 1995, IDF Capital a investi dans 185 entreprises. L’essentiel de ses investissements a été réalisé dans des entreprises innovantes. L’innovation soutenue l’a été sous toutes ses formes : technologique, produit, marché, procédés. Du commerce équitable aux logiciels de sécurité, 3D ou intelligence économique, de la moto taxi à l’organisation de voyages scientifiques, des jeux sur téléphone à la prise électrique révolutionnaire, l’innovation rencontrée par IDF Capital met en évidence des paramètres récurrents mais complexes à manier.