La valeur stratégique au coeur de la gouvernance du secteur financier
La vision traditionnelle de la valeur d’une entreprise, comptable ou boursière, se révèle insuffisante. L’évaluation et le suivi de sa valeur stratégique qui prend en compte son contexte de marché, sa stratégie, ses forces et faiblesses et ses perspectives de développement s’avèrent désormais indispensables. L’intégration à la gouvernance de l’entreprise d’un comité stratégique et d’un audit stratégique est le garant du développement durable de sa valeur.
Que ce soit pour les investisseurs, les partenaires bancaires et financiers, les clients ou les collaborateurs, la mesure de la » valeur » globale d’une entreprise est fondamentale. On distingue généralement » valeur financière « , » valeur de marché » et » valeur stratégique « . Il n’est pas nécessaire, et il est d’ailleurs assez rare, qu’il y ait équivalence entre elles pour la valorisation d’une entreprise auprès de ses stakeholders. Néanmoins, il est évidemment souhaitable qu’elles soient cohérentes.
REPÈRES
On donne trois définitions de la valeur d’une entreprise : la valeur financière (VF) découle des comptes financiers de l’entreprise et de l’évaluation sous-jacente de ses risques. Reflet de la conformité avec les normes comptables, c’est une mesure reconnue de la solidité de l’entreprise, validée par le travail des auditeurs externes et des comités d’audit ; la valeur de marché (VM) est donnée par la valeur courante de la cotation en Bourse. Influencée par la valeur financière, elle dépend aussi très largement du contexte global du marché ainsi que d’éléments plus subjectifs liés à l’information fournie par l’entreprise et de la qualité du dialogue de ses dirigeants avec le marché. La valorisation de certaines banques au cours du premier semestre 2009 démontre bien que, parfois, valeur financière et valeur de marché peuvent être très décalées ; la valeur stratégique ou intrinsèque (VS) prend en compte le contexte de marché, la stratégie de l’entreprise, ses forces et faiblesses et ses perspectives futures de développement. C’est certainement la plus proche de la valeur réelle actuelle de l’entreprise. Elle ne peut pas s’apprécier uniquement à partir de chiffres comptables, elle nécessite un diagnostic des résultats, de l’environnement et de l’impact de la stratégie engagée par l’entreprise pour chacun de ses métiers à court et moyen terme.
Une vision trop traditionnelle
Si, pour les établissements bancaires et financiers, la mesure de la valeur financière et de la valeur de marché fait l’objet d’un véritable contrôle systématique des autorités financières et de marché, et que la stratégie de l’entreprise est une composante souvent intégrée à ces mesures, aucun de ces organismes n’évoque directement en tant que telle la valeur stratégique de l’entreprise. D’ailleurs, ils n’exigent pas non plus que les comités de direction s’en préoccupent » officiellement « .
Un choix stratégique malheureux peut entraîner une destruction de valeur
Cette focalisation de la valorisation sur la VF et la VM correspond à une vision historique et traditionnelle de la valeur de l’entreprise, liée à un environnement et à un contexte qui ne correspondent plus aux réalités actuelles.
Aujourd’hui, cette approche n’est plus suffisante. Dans un contexte mondialisé tant sur le plan économique que médiatique, en évolution permanente et de plus en plus rapide, dans lequel un choix stratégique malheureux peut entraîner une destruction de valeur quasi immédiate pour l’ensemble des stakeholders, la mesure et le suivi de la VS des banques et des établissements financiers apparaissent tout simplement incontournables.
La règle des quatre yeux
Les leçons de la crise
Les actionnaires, les porteurs d’obligations, de bons, les déposants et les organismes d’assurance ou de réassurance ne sont plus les seuls concernés par le risque bancaire. Ce sont bien tous les contribuables qui, in fine, garantissent le risque de défaillance d’établissements dont la stratégie n’a pas permis de prévenir ou de contrôler la crise des subprimes, voire même l’ont développée et maximisée, mettant en danger l’ensemble de l’économie mondiale.
Il suffit d’évoquer le destin de Lehman Brothers ou les déboires de Natixis pour être immédiatement convaincu de l’impérieuse nécessité de faire de la mesure et du suivi de la valeur stratégique un élément central de la gouvernance des banques et des établissements financiers. La mesure et le suivi de la valeur stratégique sont donc bien d’un intérêt majeur, autant pour les contribuables, les gouvernements et les régulateurs que pour les créanciers des banques et les actionnaires. À condition, bien sûr, que cette mesure et ce suivi ne soient pas mis, comme c’est actuellement souvent le cas, sous la responsabilité exclusive des comités de direction des établissements bancaires et financiers. Loin de » la règle des quatre yeux « , les acteurs de la stratégie auraient ainsi la très lourde responsabilité d’en être en même temps les auditeurs.
Audit et comités stratégiques
Pour assurer une valorisation stratégique réellement objective et régulière de l’entreprise, il apparaît indispensable de mettre en vigueur des règles de fonctionnement rendant indispensables la mise en place et la tenue de véritables comités stratégiques disposant réellement, d’une part de l’information sur l’ensemble des critères constitutifs de la VS et d’autre part d’un réel pouvoir d’intervention auprès des équipes dirigeantes pour critiquer, challenger et dans certains cas, alerter et infléchir la stratégie.
Un manque de contre-pouvoir
De nombreuses banques, compagnies d’assurances et établissements financiers ont déjà mis en place des comités stratégiques. Force est de constater qu’ils ne disposent que rarement de la capacité, du pouvoir ou du statut nécessaires pour contester la stratégie et l’évaluation stratégique telles que présentées par le comité de direction ou le comité exécutif. De fait, habituellement ils ne peuvent qu’échanger sur les sujets, avec au mieux un avis consultatif. Les freins, miroirs et contre-pouvoirs indispensables à une bonne gouvernance sont donc souvent manquants dans ce domaine.
Un » audit stratégique » rigoureux et régulier, réalisé dans le cadre du comité stratégique et permettant de mesurer et de suivre la valeur stratégique de l’entreprise, constitue un véritable » plus » pour l’ensemble des stakeholders. Prenant en compte l’ensemble des scénarios probables et les différentes options stratégiques envisageables, il permet aux comités de direction ou aux comités exécutifs, non seulement de mesurer et de vérifier la valeur fondamentale, stratégique et intrinsèque de leur banque à moyen et long terme, mais également de contester, de comprendre, de partager et d’être ainsi réellement acteur de la stratégie de leur établissement en portant les mesures nécessaires à l’accroissement durable de cette valeur.
Dans le climat actuel, vision et stratégie sont plus que jamais nécessaires. Il est crucial d’élever le périscope au-dessus des nuages, voir ce qui se passe en réalité et soumettre la stratégie et son évaluation à un véritable contrôle et à une authentique contestation.
Vérifier la valeur, mais aussi comprendre, partager et contester
L’audit stratégique s’avère donc désormais aussi important pour la bonne gouvernance de l’industrie bancaire et financière que l’audit financier ou l’audit des risques. Réalisé sous la responsabilité des comités stratégiques, à un rythme identique aux audits financiers et risques, par des cabinets de conseil spécialisés en stratégie pour en assurer l’objectivité, l’audit stratégique viendrait en compléter les résultats en donnant une dimension dynamique. Vision dynamique aujourd’hui simplement incontournable, car indispensable à l’évaluation du potentiel de création ou de destruction de valeur globale pour la banque ou l’établissement financier, quelle que soit sa valeur financière ou de marché à l’instant t.
Corporate Value AssociatesCorporate Value Associates (CVA), créé en 1987, est un cabinet de conseil en stratégie d’entreprises qui emploie 300 consultants dans le monde répartis dans 16 bureaux et intervenant dans plus de 30 pays.