L’Académie des technologies et le progrès technique
On sait l’importance du rôle que joue l’innovation technologique pour un pays, dans la maîtrise de son avenir économique, dans le développement de l’emploi ou encore dans l’augmentation de ses moyens de production nationaux dans un contexte de mondialisation.
Facteur majeur de l’amélioration de la compétitivité des entreprises, elle constitue aussi un socle pour les stratégies de souveraineté ; elle est également source d’enrichissement des connaissances et peut influer fortement sur le comportement des groupes et des individus.
L’ampleur de cette capacité d’innovation repose bien sûr en grande partie sur l’existence d’une recherche technologique d’excellence, dynamique et réunissant les masses critiques nécessaires.
REPÈRES
À l’initiative de membres du conseil pour les applications de l’Académie des sciences, l’Académie des technologies a été créée sous forme d’association en 2000, sous la présidence de Pierre Castillon (57).
L’Académie des technologies devient un établissement public administratif en 2007 et est placée en 2013 sous la protection du président de la République, rejoignant ainsi des consoeurs beaucoup plus anciennes dans une reconnaissance de sa mission et de l’intérêt public de son action. Héritière du siècle des Lumières, elle a pour devise : Pour un progrès raisonné, choisi, partagé, qui reflète la profonde conviction que la technologie est source de progrès pour l’ensemble de l’humanité.
Lieu de réflexions et de propositions d’actions face aux grands défis technologiques, l’Académie des technologies tire son originalité de la diversité des origines de ses 286 membres (164 titulaires et 122 émérites – 68 polytechniciens) : ingénieurs, industriels, chercheurs, agronomes, architectes, médecins, sociologues, économistes, avec une forte représentativité des directeurs de R&D du privé. Les académiciens sont élus selon une procédure de recrutement rigoureuse, qui prend en compte l’excellence des personnes et le rayonnement de leurs travaux en Europe et à l’international.
Cette diversité des approches permet d’apporter une expertise collective et indépendante et de rechercher un consensus large sur des questions complexes débattues au sein de douze commissions. Les documents produits par l’Académie sont validés par l’assemblée plénière à l’issue d’un processus garantissant leur qualité et leur impartialité.
Mais, dans une société réflexive, elle repose tout autant sur l’adhésion de nos concitoyens aux avancées technologiques qui créeront les emplois de demain et assureront la place de la France et de l’Europe dans l’échiquier géoéconomique du XXIe siècle. La compréhension par le grand public de l’intérêt des technologies et de leurs usages passe en particulier par l’enseignement de la technologie sous ses différents aspects dans l’éducation des jeunes, et nous semble un enjeu majeur pour développer le progrès technique.
Privilégier l’innovation système
Enseigner la technologie sous ses différents aspects dans l’éducation des jeunes
L’Académie définit, dans sa réflexion sur la renaissance de l’industrie, un modèle d’innovation à privilégier en France et en Europe, « l’innovation système » à haute valeur ajoutée, pour développer de nouveaux services et fonctionnalités, qui soient à la fois personnalisés pour les individus, pour les collectivités et exportables en masse. Ce modèle s’appuie sur l’existence d’écosystèmes que l’Académie caractérise de façon originale, avec la mise en avant du rôle primordial d’intégrateurs industriels.
Des écosystèmes complexes
Ces écosystèmes regroupent différents acteurs : un industriel qui joue un rôle primordial d’intégration des différents composants pour élaborer la fonction souhaitée, des fournisseurs de composants, des sociétés de services, des PME de technologies différenciatrices, etc.
Ils s’appuient sur des plateformes ouvertes coopératives pour privilégier la coconception et développer des normes et des standards ; ils créent des solidarités objectives d’accès aux marchés pour les différents acteurs qui les constituent.
De plus, ces écosystèmes impliquent les futurs utilisateurs par le biais de démonstrateurs, permettant ainsi « l’ensemencement » précoce des nouveaux marchés. Ainsi, ils peuvent faciliter l’acceptabilité d’innovations non seulement incrémentales, mais aussi radicales, car ces dernières ne créent pas une rupture sur l’usage global du système, mais le complètent et l’améliorent.
La capacité d’innovation est accrue collectivement et le coût des risques liés à l’innovation est mutualisé.
Stimuler l’innovation
Douze commissions et cinq actions transversales
Les commissions : Énergie et changement climatique, Environnement, Mobilité et transport, Urbanisme et habitat, Biotechnologies, Technologies de l’information et de la communication, Technologies et santé, Démographie, éducation, formation, emploi, Recherche, technologies, innovation, emploi, Technologies et développement dans les pays moins avancés, Société et technologies, Éthique.
Les actions transversales : Renaissance de l’industrie par la technologie, Formation, Apport du numérique aux territoires, Contribution au débat national sur l’énergie, Stratégie nationale de recherche.
L’innovation système permet notamment de faire évoluer, moderniser, enrichir ou encore créer de grands systèmes sociétaux – santé, transport, urbanisme, fabrication, etc. – en fédérant des initiatives rendues compatibles, complémentaires et cohérentes.
Les pouvoirs publics peuvent également favoriser l’émergence de ces écosystèmes et, en particulier, ils peuvent stimuler l’innovation et le développement industriel dans quelques domaines où le simple jeu du marché ne permettra pas de conserver ou de reprendre l’avantage, en s’appuyant sur de nouveaux usages pour rattraper nos retards ou consolider nos atouts.
Mutations numériques et sociétés urbaines
Les sociétés urbaines constituent un domaine vaste où le potentiel des TIC peut s’exercer, notamment dans la gestion optimale de l’énergie dans les quartiers, des réseaux de transports, du commerce, etc.
Mené par l’Académie des technologies, Ingénieurs et scientifiques de France, la CCI Rennes (Novincie), l’université Rennes-II (Laureps) et la société Cybel (Conseil en systèmes et logiciels informatiques), le projet « Sociétés urbaines et mutations numériques » se déroule sur deux ans (d’octobre 2012 à octobre 2014).
Son objectif est double : comprendre les impacts des technologies numériques dans le processus de transformation de nos comportements et modes de vie ; mettre à la disposition des acteurs des territoires – pouvoirs publics, entreprises, citoyens – des outils de questionnement qui aident à envisager de nouvelles chaînes de valeur d’activités porteuses d’innovations et d’emplois de demain.
Promouvoir l’enseignement de la technologie
Une des préconisations, tant aux entreprises qu’aux pouvoirs publics, pour la renaissance de l’industrie est de soutenir la formation tout au long de la vie pour développer les capacités des salariés, leur donner plus d’autonomie et de responsabilité et permettre des trajectoires évolutives rendant les carrières dans l’industrie plus attractives.
Un des grands défis du XXIe siècle sera de gérer de grands systèmes complexes
Les réformes nécessaires portent notamment sur l’enseignement de la technologie dans tous les cycles, y compris généraux, l’utilisation d’une pédagogie qui permette aux élèves de développer une capacité à travailler en mode projet, une revalorisation des enseignements et des filières professionnelles et techniques, une organisation de la formation tout au long de la vie au sein des entreprises et des bassins d’emploi.
Fabriquer des vocations
Une première action de notre Académie en faveur de l’orientation des jeunes en direction des filières stratégiques industrielles est la « fabrique des vocations scientifiques et technologiques ».
Améliorer la consommation énergétique des bâtiments
Dans le domaine clé de la transition écologique et énergétique, par exemple, des techniques existent pour améliorer très substantiellement la consommation énergétique des bâtiments, mais leur mise en oeuvre à grande échelle est entravée par le manque de formation des professionnels du bâtiment de tous niveaux, leur manque de capacité de coordination (lié aussi à une insuffisance de leur formation) et par ailleurs l’inadéquation de certaines normes et règlements (dont l’inertie est cependant entretenue par la méfiance de la profession à l’égard des innovations).
Menée avec l’Apec, les IESF et le Cefi, cette action a pour objectif de réaliser des synthèses critiques sur les perspectives de développement d’emplois et de compétences nécessaires pour exercer des fonctions d’encadrement dans les entreprises des différentes filières – quatorze au total aujourd’hui.
La fabrique inaugure un mode de fonctionnement inédit qui va mobiliser l’expertise de plusieurs dizaines d’académiciens confrontées aux analyses de leurs partenaires, et à celles de nos partenaires d’Euro-CASE pour tenter de tirer des enseignements d’expériences conduites dans d’autres pays.
Éclairer la finalité de l’informatique
La commission « Technologies de l’information et de la communication » s’est, quant à elle, attachée à apporter quelques éclairages sur la finalité de l’informatique dans notre société, ce qui éclaire aussi la façon dont il faut l’enseigner.
Un des grands défis du XXIe siècle sera de gérer de grands systèmes complexes. L’enseignement de l’informatique devrait donc privilégier l’étude de la modélisation et les concepts de la systémique. Une grande partie de l’enseignement depuis le primaire jusqu’aux études supérieures doit, d’autre part, passer par des phases alternées d’apprentissage et d’expérimentation.
Stratégie nationale de recherche
L’Académie des technologies est également un des socles de réflexion des pouvoirs publics lorsqu’ils construisent leur stratégie en face de grands défis technico-socio-économiques ou avant l’engagement de décisions politiques majeures. Ses membres sont engagés au sein d’instances de réflexion et de décision (Stratégie nationale de recherche, commission Innovation 2030, ANR, etc.). Elle participe au développement des réflexions menées au niveau international ou européen et assure le secrétariat général d’Euro-CASE, qui fédère vingt et une académies européennes (soit 6000 membres).
Diffuser une culture
L’Académie des technologies coproduit avec le groupe Effervescence Futuremag, le nouvel hebdomadaire bimédia et grand public consacré à l’innovation et diffusé sur ARTE (tous les samedis à 13h15 depuis le 1er février 2014).
En effet, l’ambition du programme – introduire le téléspectateur au monde de demain, et le réconcilier avec le progrès – nous a paru en parfaite adéquation avec notre mission qui est d’expliquer les évolutions technologiques et leurs impacts sur la société et de susciter des vocations scientifiques et techniques.
Le 22 juillet 2013 a été promulguée une loi relative à l’enseignement supérieur et la recherche qui, dans son article 15, prescrit la mise en place d’une stratégie nationale de recherche qui « vise à répondre aux défis scientifiques, technologiques, environnementaux et sociétaux en maintenant une recherche fondamentale de haut niveau. Elle comprend la valorisation des résultats de la recherche au service de la société. »
La SNR s’est dotée d’un conseil stratégique de la recherche (CSR) présidé par le Premier ministre ou le ministre en charge de la Recherche, et qui compte parmi ses membres plusieurs académiciens, dont le vice-président du CSR.
Un groupe de travail, chargé de la méthodologie d’élaboration de la SNR, a été confié à l’Académie des technologies ; il doit aider à dégager les lignes principales en matière de raisonnement stratégique et d’identification de défis ; établir les correspondances entre les diverses approches (filières du Conseil national de l’industrie, plans de la nouvelle France industrielle, défis de la commission Innovation 2030, pôles de compétitivité 3.0, etc.) ; définir les critères d’appréciation des feuilles de route à établir et en déduire des cahiers des charges ; rechercher les interactions les plus pertinentes avec les différents acteurs et notamment les partenaires socio-économiques.