L’accès à l’eau potable et à l’assainissement, enjeux à la fois locaux et globaux
Le manque d’accès à l’eau potable et à l’assainissement est la première cause de mortalité dans le monde. Au-delà des enjeux sanitaires locaux, il faut répondre à des enjeux politiques au nom d’un devoir de solidarité, des enjeux environnementaux de gestion de ressources partagées et limitées et des enjeux de contribution à la lutte contre le changement climatique, la protection de la biodiversité ou la lutte contre les pandémies. Une solidarité d’intérêts apparaît entre Nord et Sud.
REPÈRES
Le service public de l’eau et de l’assainissement, à la différence d’autres services en réseau comme celui de l’électricité, est un service public local, dont la gestion est souvent confiée à des collectivités locales. Les services varient selon les caractéristiques de la ressource (éloignement, quantité, qualité), de la demande (consentement et capacité à payer pour différents niveaux de service, aspects culturels des représentations liées à l’eau) et selon l’environnement sociopolitique.
Le service qui consiste à rendre potable une eau, la transporter, la stocker, la distribuer à des usagers, puis collecter les eaux usées et les excrétas et les traiter avant rejet au milieu naturel est un service éminemment local. Le transport de l’eau est en effet très coûteux et peu recommandé sur de grandes distances pour des raisons économiques et sanitaires, si bien que les transferts d’eau ne sont envisagés en principe que lorsqu’il n’y a pas d’autre alternative.
Un service public local dont le premier objectif est sanitaire
Cette vision technique du service correspond à une vision hygiéniste. L’objectif premier est un objectif sanitaire, celui de lutter contre les maladies d’origine hydrique. Le manque d’accès à l’eau potable et à l’assainissement est en effet la première cause de mortalité dans le monde : huit mille personnes en meurent chaque jour.
Au-delà des enjeux sanitaires locaux, les services d’eau et d’assainissement renvoient aujourd’hui à un certain nombre d’enjeux globaux.
Un enjeu politique
Les politiques de développement actuelles dans le secteur de l’eau font toutes référence aux Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) pris en 2000 par la communauté internationale, et en particulier à l’OMD n° 7 qui vise à » réduire de moitié, d’ici 2015, le pourcentage de la population qui n’a pas accès de façon durable à un approvisionnement en eau de boisson salubre et à des services d’assainissement de base « . Aujourd’hui, si le nombre de personnes sans accès à une source d’eau potable est passé en dessous du milliard, 2,5 milliards de personnes restent sans dispositif d’assainissement approprié.
2,5 milliards de personnes restent sans dispositif d’assainissement approprié
Ces chiffres globaux masquent un double fossé : un fossé rural-urbain en premier lieu, car les populations non desservies vivent majoritairement en milieu rural, en dépit d’un phénomène d’urbanisation croissante ; un fossé Asie-Afrique subsaharienne en second lieu, l’Asie est globalement en voie d’atteindre l’OMD n° 7, au moins pour l’eau (même si en valeur absolue c’est dans ce continent que vit la majorité des personnes non desservies dans le monde), mais l’Afrique subsaharienne présente les progrès les plus lents (les taux de desserte pour l’eau et l’assainissement » de base » y sont respectivement de 58 % et 31 % seulement en 2006), l’Amérique latine étant dans une situation intermédiaire.
L’Aide publique au développement (APD) est le vecteur des relations Nord-Sud suivant cet axe, dans une logique de solidarité. La France y apporte sa contribution. Au total, les financements de l’Agence française de développement, opérateur pivot de l’APD française, s’élèvent ainsi à 335 millions d’euros dans le secteur de l’eau et de l’assainissement en 2008. Ces financements contribueront à donner accès à l’eau potable ou à améliorer la qualité du système d’alimentation d’environ 2 millions de personnes ; en matière d’assainissement, 4 millions de personnes seront concernés.
La ressource en eau : un bien public mondial ?
La dépollution de la Méditerranée
Le cas de la Méditerranée est exemplaire, car cet espace partagé est le lieu d’une multitude d’initiatives politiques, qui comportent souvent un volet » environnement et développement durable » visant la restauration de la qualité des eaux. Le lancement de Horizon 2020 (H2020) en 2005 par la Commission européenne est ainsi basé sur la cartographie de 131 points chauds hot spots de pollution côtière. Pour chacun de ces points, les sources principales de pollution ont été identifiées – il s’agit dans une majorité de cas de pollution municipale des villes côtières, c’est-à-dire d’absence de traitement des eaux usées. L’idée de H2020 était d’accélérer l’instruction de projets visant à réduire ces sources de pollution et 44 projets ont été identifiés, pour un montant estimé à 2,1 milliards d’euros.
La nature du service de l’eau potable, à la frontière entre un bien public et un bien marchand, fait débat. Si le service de distribution d’eau est local (« bien club »), la gestion d’un service d’eau ne peut se concevoir sans une vision intégrée de protection des ressources en eau disponibles, ce qui fait de l’accès à l’eau un » bien commun » et un » bien public « , au moins à l’échelle régionale.
Le changement climatique
Les services d’eau et d’assainissement sont grands consommateurs d’électricité ; l’irrigation également. On estime que 7 % de l’énergie produite dans le monde est consommée pour pomper ou traiter de l’eau. Or il est possible de diminuer la facture énergétique d’un service – soit par la réduction des fuites ou par une optimisation des équipements.
7% de l’énergie produite dans le monde est consommée pour pomper ou traiter de l’eau
In fine, l’amélioration de l’efficacité énergétique des services contribue à la lutte contre le changement climatique. Le traitement des eaux usées est également un fort émetteur de gaz à effet de serre, à travers la fermentation des boues issues du traitement. Toutefois il est possible de collecter le biogaz produit et de le valoriser sur site pour couvrir les besoins de la station d’épuration.
Protection de la biodiversité et lutte contre les maladies
L’amélioration des services d’eau et surtout d’assainissement, et plus généralement une gestion intégrée des ressources en eau (protection de la qualité des cours d’eau par la lutte contre la pollution, limitation des prélèvements et gestion des débits d’étiage, etc.), est l’un des leviers pour contribuer à la protection de la biodiversité et des écosystèmes associés, autre bien public mondial largement reconnu. Elle permet aussi de lutter contre les maladies émergentes et transmissibles, à travers la diminution des incidences de maladies d’origine hydrique comme le choléra, le paludisme, la dengue, le chikungunya ou la fièvre jaune.
Production de biens publics mondiaux et politiques d’aide au développement
Initiés par la Banque mondiale en 2006, les travaux de recherche sur la valorisation du capital naturel et sur son lien avec la croissance des pays du Sud se multiplient. Ils visent à prendre en compte, en plus de l’accroissement du capital d’un pays, sa dépréciation au cours du temps afin de calculer une épargne nationale nette. En outre, ils distinguent le capital physique (produit par l’économie), le capital naturel et le capital intangible (capital humain et capital social). Les premiers résultats d’une étude réalisée par l’AFD et le CERNA auprès du ministère pour la Coordination de l’action environnementale mozambicain (MICOA) montrent que le capital naturel constitue 49 % de la richesse du Mozambique (ressources minérales, forestières et agricoles) et que la dégradation du capital total (notamment à travers la pollution des eaux et les inondations) représenterait chaque année 370 M$ soit près de 7 % du PIB du pays, ce qui rendrait l’épargne nette du pays négative.
Une solidarité d’intérêts
Ces deux derniers axes des relations Nord-Sud dans le secteur de l’eau transforment donc profondément le point de vue, puisque les motivations de l’intervention des pays du Nord dans le Sud ne sont plus uniquement basées sur une logique » compassionnelle » (celle qui prédomine dans la logique OMD), mais sur un intérêt bien compris, ou à tout le moins une solidarité d’intérêts.
Partager les objectifs
Une nouvelle opportunité pour les relations Nord-Sud
Publiée au Journal officiel du 9 février 2005, la loi dite » Oudin-Santini » autorise les collectivités à affecter jusqu’à 1 % de leur budget » eau » à des actions de solidarité internationale dans le domaine de l’eau et de l’assainissement. Cette loi a été spécifiquement votée pour permettre aux collectivités et agences de se mobiliser et participer à l’amélioration de l’accès aux services d’eau et d’assainissement.
Sans remettre en cause le caractère local des services d’eau et d’assainissement, c’est donc autour de ces enjeux globaux, qu’ils soient de nature politique, économique ou sociale, que se structurent aujourd’hui les relations Nord-Sud dans le secteur de l’eau et de l’assainissement. L’objectif est qu’ils soient partagés à terme par l’ensemble des pays, du Nord comme du Sud.
Si des progrès certains de coordination politique ont été réalisés dans les politiques d’aide au développement du secteur de l’eau (notamment avec les engagements sur les OMD ou les différents forums mondiaux de l’eau), la prise en compte de leur articulation avec les priorités de production de biens publics mondiaux reste à améliorer.
L’action des bailleurs de fonds est à cet égard déterminante pour mettre en valeur auprès des pays du Sud la complémentarité de ces deux objectifs par des actions de développement à la fois équitables et durables, comme, par exemple, le transfert de ressources aux populations locales lorsqu’elles contribuent à améliorer la qualité de l’eau, ou le développement d’activités profitables reposant sur des enjeux écologiques comme l’écotourisme en zone côtière ou fluviale.
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en tant qu’ancien de l’x, je
en tant qu’ancien de l’x, je fais confiance en la véracité des données de Lise !
et à sa capacité de travail et d’analyse !