L’administration électronique
» L’usage des technologies de l’information et de la communication (TIC) et en particulier de l’Internet en tant qu’outil visant à mettre en place une administration de meilleure qualité » – définition de l’administration électronique donnée par l’OCDE – constitue une préoccupation majeure dans les pays développés.
Gage de meilleurs services rendus aux usagers de l’administration, d’une meilleure efficacité de celle-ci pour un coût global nettement inférieur, l’administration électronique apparaît tout autant comme une opportunité que comme une nécessité.
L’émergence des technologies de l’information et de la communication (TIC) à partir des années quatre-vingt-dix a fait naître le concept d’administration électronique. Souvent perçue comme la délivrance de nouveaux services disponibles via l’Internet, l’administration électronique va de fait bien au-delà. Elle correspond à l’utilisation des TIC dans les administrations, avec une influence sur les échanges avec les usagers comme dans les relations internes ou interinstitutionnelles. Elle renvoie donc à la problématique d’ensemble des systèmes d’information, c’est-à-dire à l’organisation des échanges d’informations entre les différents éléments constitutifs du système global. En ce sens, elle est au cœur de la simplification administrative et de la réforme de l’État car elle induit une remise à plat des procédures, des textes juridiques, de l’organisation administrative et autorise de nouveaux services grâce aux fonctionnalités. Il ne s’agit donc pas de questions informatiques, » d’intendance « .
En comparaison avec la plupart de ses voisins, la France s’est engagée avec retard dans l’administration électronique, et sans réelle coordination. À côté de grands projets tels que Copernic du Minefi ou Sesam-Vitale et Net-entreprises, pour la sphère santé-social, les projets de téléservices sont nombreux mais isolés, et aboutiraient inévitablement à un » maquis électronique » reproduisant la complexité institutionnelle.
L’administration électronique, où comment l’arrivée d’outils technologiques nouveaux induit le passage d’une logique institutionnelle à une logique de services
L’administration est appréhendée ici dans toutes ses composantes (agent public, administrations centrales, services déconcentrés, collectivités, organismes sous tutelle, autres services publics). L’usager est entendu au sens large : le citoyen, la personne morale (l’entreprise), l’association.
Les points de rencontre entre l’usager et le service public sont aujourd’hui variés pour des démarches de natures différentes (demandes d’allocations familiales, de permis de construire, de carte d’identité, déclaration de changement d’adresse, gestion de carrière, paiement des impôts en ligne, etc.). L’usager se voit demander à chaque fois une multitude d’informations. Ces multiples demandes identiques sont dues pour l’essentiel à deux facteurs :
- le cloisonnement des services en » silos » institutionnels et fonctionnels verticaux ;
- la grande difficulté (et le plus souvent l’impossibilité) pour les agents publics à trouver rapidement l’information au sein des administrations, y compris la leur : il est donc plus simple et plus rapide de demander à l’usager de fournir les éléments nécessaires, fût-ce une énième fois.
Par ailleurs, l’administration ne traite pas les dossiers de quelques profils types, mais, bien au contraire, d’une multitude de solliciteurs. Selon sa situation, chaque usager endosse tour à tour, ou même simultanément, plusieurs de ces profils.
Les TIC permettent de dépasser le modèle actuel, basé sur des contraintes organisationnelles rendant obligatoire cette structuration institutionnelle, pour entrer dans une logique de services. Cette logique de services s’applique aux usagers, de façon à répondre à leurs besoins et à » internaliser » autant que faire se peut la complexité institutionnelle. Mais elle s’applique également aux agents publics, ainsi qu’aux administrations.
En outre, les départs massifs de fonctionnaires à la retraite dans les toutes prochaines années imposent une automatisation à marche forcée d’un certain nombre de processus, si l’État souhaite pouvoir continuer à assurer ses missions actuelles. Le développement de l’administration électronique n’est donc pas un élément de confort ou de mode mais un impératif vital et immédiat.
Soulignons également que l’administration électronique ne se résume pas à l’administration sur l’Internet : elle contribue à l’amélioration des relations avec les usagers, en mettant à la disposition des agents publics de terrain les ressources informationnelles et les outils de traitement requis pour répondre efficacement et avec célérité aux démarches de toute nature, qu’elles s’expriment par voie postale, téléphonique, électronique ou visite physique.
L’administration électronique : un potentiel important de services à forte valeur ajoutée
Les TIC, utilisées dans le cadre d’un ensemble de systèmes d’information cohérents et interopérants, permettent d’offrir des niveaux de services à plus forte valeur ajoutée que ceux de l’administration » classique « . Elles permettent notamment :
- de personnaliser la relation avec l’usager en développant un environnement et un service d’accueil et de prise en charge du citoyen, qui soit opérationnel dès l’instant où ce dernier entre en contact avec un service public pour obtenir une information, accomplir une formalité ou bénéficier d’une prestation sociale ;
- de masquer la complexité de l’administration et des procédures associées en présentant à l’usager une interface simplifiée et commune pour tous ses accès à l’administration. En effet, l’usager de l’administration intervient à différents titres et souhaite disposer d’outils transversaux avec la même ergonomie pour faire toutes ses démarches ;
- de simplifier le processus de renseignement des formulaires administratifs en évitant à l’usager la resaisie d’informations et la fourniture répétée de justificatifs, par l’accès des agents publics habilités aux informations pertinentes détenues par leur administration ou une autre ;
- de donner les moyens au citoyen de conserver la maîtrise de son dossier et d’en connaître à tout moment l’état d’avancement et le calendrier de traitement. Cela suppose d’organiser (voire de repenser) de manière très précise le cheminement et le traitement des dossiers à l’intérieur de l’administration, la synchronisation des interventions de chaque service compétent, la vérification des points de passage obligés et de mettre en place des contrôles des délais de traitement. Cela nécessite également de disposer des infrastructures adaptées au sein de chaque administration, afin que celles-ci soient techniquement capables de permettre des échanges d’informations simples, rapides, peu coûteux et sécurisés ;
- de réduire sensiblement les délais de réponse aux demandes des usagers, en se conformant aux dispositions de la loi DCRA, par une remise à plat et une automatisation des processus de traitement.
L’un des objectifs majeurs de la nouvelle étape de développement de l’administration électronique est de passer d’un traitement anonyme (l’usager » se résume » à un numéro de dossier) à un traitement individualisé, centré sur les besoins réels et individuels de chaque usager et sous son contrôle, dans le cadre d’une relation privilégiée avec les services publics.
Un outil majeur de modernisation des administrations
En outre, l’administration électronique est indispensable à la modernisation du fonctionnement interne de l’État. Au-delà de la satisfaction des usagers, il est souhaitable d’accélérer le processus décisionnel concernant les politiques publiques et ce à travers ses différentes étapes : conception, mise en œuvre et évaluation. En effet, la mise en œuvre de la nouvelle constitution budgétaire de l’État va bouleverser l’organisation et la qualité du travail des administrations ; le traitement automatisé de l’information doit constituer, pour cette politique, un instrument essentiel.
Compte tenu des évolutions techniques et culturelles, l’échange des documents officiels, sous forme numérique, entre les services est désormais inéluctable et requiert une organisation de travail interministériel ou interservices appropriée. Cette organisation doit s’appuyer notamment sur des réseaux sécurisés, des boîtes aux lettres fonctionnelles, des systèmes communs d’accusé de réception, de traçabilité, de signature électronique afin de généraliser le travail coopératif et d’identifier avec précision les responsabilités de chacun des intervenants.
L’administration électronique pourrait permettre, dans une réflexion dégagée de tout tabou, de repenser totalement les modalités d’organisation des administrations. Un premier niveau, local, pourrait être constitué de points d’accueil polyvalents (éventuellement confié aux communes), composés d’agents formés à l’utilisation des téléservices, à l’assistance et au conseil aux usagers. Un deuxième niveau serait consacré au traitement des dossiers, avec la constitution de plates-formes d’expertise au niveau régional, interrégional ou national selon les sujets. Un troisième niveau, national, serait chargé de l’élaboration de la stratégie, de suivi et de l’évaluation des politiques publiques.
Dans ce schéma, la disponibilité d’un service public au niveau local ne dépendrait plus de l’existence d’un réseau institutionnel physiquement représenté. Une meilleure présence des services publics pourrait être garantie sur l’ensemble du territoire, avec une économie de moyens.
Les conditions de réussite de l’administration électronique
Quel que soit le mode organisationnel retenu, les effets bénéfiques de l’administration électronique ne se feront sentir que si quelques conditions sont réunies. On peut les rassembler sous quatre items :
1) une volonté politique forte et constante impulse et soutient la démarche d’ensemble et les différents projets, notamment en ce qui concerne les moyens mis en œuvre pour mener l’ensemble du programme. Ce point semble à présent acquis, comme en attestent les vœux du Président de la République aux corps constitués le 7 janvier dernier et les orientations annoncées par le gouvernement le 2 février ;
2) une confiance partagée. Cette notion renvoie aux craintes légitimes d’atteintes aux libertés individuelles sur l’autel de l’efficacité et de la simplicité. Là encore, les annonces du gouvernement et l’association étroite de la CNIL permettront de profiter de l’amélioration de la sécurité et de la transparence permises par les outils mis à disposition ;
3) une concertation constante et approfondie avec l’ensemble des acteurs : les usagers, les agents publics, les administrations, les industriels, les pays européens, etc. ;
4) enfin et peut-être surtout, il est essentiel que soit assurée la conduite du changement auprès des agents publics, à tous les niveaux de la hiérarchie. Le secteur privé est bien au fait de ces contraintes, et c’est la raison pour laquelle le gouvernement a décidé d’affecter à la conduite du changement 1% de la masse salariale, soit environ 1 milliard d’euros par an.
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En conclusion, l’administration électronique est un des éléments centraux de la simplification administrative pour les usagers, mais également pour les agents publics. Elle est également un formidable outil de réforme de l’État et, plus largement, des services publics. Notamment les gains de productivité qu’elle induit permettront en outre de retrouver des marges de manœuvre sur le plan financier.
Le gouvernement, conscient de ce bouleversement, a créé en février 2003 l’Agence pour le développement de l’administration électronique (ADAE) pour impulser et coordonner les actions des différentes administrations en la matière. Il a arrêté, le 9 février 2004, un plan stratégique de l’administration électronique (dit “ ADELE ” pour ADministration ELEctronique) pour les années 2004–2007 et le plan d’action qui l’accompagne. Ces orientations politiques ont vocation à permettre à notre pays de revenir aux avant-postes de ces mutations et d’en retirer le maximum de bénéfices pour ses citoyens, ses agents publics, les finances publiques, ses entreprises et plus largement pour son attractivité.