L’AFFAIRE L’HISTOIRE DU PLUS GRAND SCANDALE FINANCIER FRANÇAIS
Les affaires financières sont à la mode en ce moment. On en entend parler dans tous les pays et M. Bernard Madoff à New York vient de battre un record mondial qui entrera dans les annales. On peut espérer que quelqu’un écrira un jour un ouvrage de référence sur cette histoire étonnante où tout le monde accepte l’idée que cinquante milliards de dollars se sont évaporés en toute simplicité, sans que personne ne s’en émeuve, entre les doigts d’un seul homme vieillissant, honorablement connu, souriant et sympathique. La vérité est sans doute très différente et j’attends avec curiosité qu’on vienne nous l’expliquer.
En France, pays des Lumières, nous sommes plus compliqués et Daniel Lebard vient de publier aux Éditions du Seuil un ouvrage dont le titre : L’Affaire, l’histoire du plus grand scandale financier français sur une couverture rouge sang est déjà tout un programme.
Daniel Lebard n’est pas un amateur : c’est lui qui, à 25 ans, est allé ouvrir le marché en première monte du pneu français aux États-Unis pour Michelin. Ensuite, il a collectionné les titres de PDG de grandes entreprises puis est devenu redresseur d’affaires, ou liquidateur intelligent selon les cas, ce qui revient au même techniquement. En 1999, sur la demande de l’une des plus grandes affaires industrielles françaises, voire mondiales, il a pris la direction d’une grande entreprise chimique à Londres dans le cadre d’une complexe opération de portage et commençant à fouiner, parce que c’est un esprit intelligent et curieux, il raconte comment il a mis à jour ce qu’il qualifie lui-même d’escroquerie financière et industrielle du siècle. Il décrit dans ce livre ce qu’il a trouvé, citant sans hésitation les noms des acteurs, personnalités connues du monde français des affaires, de l’industrie et de la finance, dont un ancien ministre récent, avançant des chiffres, citant les références des communiqués des sociétés, les dates des publications, des Assemblées et des Conseils, accusant, véhément, agressif. Ce livre est présenté sous la forme d’une interview par le rédacteur en chef d’une revue financière connue et la journaliste semble effarée de ce qu’elle entend Lebard lui décrire dans le plus grand détail.
Quand j’ai lu cet ouvrage, j’ai été étonné — on n’a pas l’habitude en France de publier ce genre de brûlot aussi détaillé. Ayant eu l’occasion de rencontrer certains des protagonistes cités par Lebard, je leur ai demandé ce qu’ils en pensaient. Beaucoup de mal m’ont-ils unanimement répondu avec colère et qu’ils allaient riposter en justice pour diffamation et autres joyeusetés. Tout cela est très récent et j’attends de voir ce qui va en sortir — je suppose que Lebard est encore plus curieux…
On peut se poser des questions, tant les propos de Lebard sont directs, documentés, accusatoires, souvent brutaux. Le propos est présenté de façon logique, chronologique, cohérente. S’est-il laissé égarer et emporter par sa passion et les dommages qu’il prétend avoir subis personnellement dans cette « Affaire », ou at- il effectivement mis au jour une conspiration économique à grande échelle où deux personnalités du monde français de la haute finance sont mortes dans des circonstances tragiques à un âge précoce — comme dans un roman policier, mais ces deux morts semblent expliquées bien que l’une d’entre elles soit survenue à la suite d’événements clairement inhabituels dont l’une des protagonistes attend un jugement depuis deux ans dans une prison suisse ?
Vrai ou faux, ce livre est au-delà des événements qu’il relate un bon manuel d’information sur le fonctionnement des sociétés en France et au-delà. Les livres les plus instructifs ne sont pas toujours d’évidence ceux qui sont apparemment destinés à l’enseignement. Quand j’ai créé ma première entreprise en 1956 au Brésil, Vasseur (33), ami inspiré, m’a offert un livre intitulé Les fraudes en comptabilité. Cet ouvrage m’a appris beaucoup plus que de nombreux manuels universitaires et m’a permis d’éviter de nombreux pièges dans la vie courante des affaires. Le livre de Lebard m’y fait penser et c’est pour cela que j’en recommande la lecture.