Lalique sculpteur de lumière

Dossier : Le LuxeMagazine N°620 Décembre 2006
Par Olivier MAUNY

Depuis 1921, la Manu­fac­ture Lalique ins­tal­lée en Alsace, région de tra­di­tion ver­rière, per­pé­tue un savoir-faire arti­sa­nal qui, trans­mis depuis des géné­ra­tions, forge l’i­den­ti­té et la mémoire de chaque pièce.
La main de l’homme, artiste-arti­san, méta­mor­phose la matière brute, fusion à 1 400° de silice et de plomb, en des objets uniques qui méritent le sta­tut d’œuvres d’art. Autant d’ob­jets excep­tion­nels qui font de la marque un fleu­ron du patri­moine artis­tique et cultu­rel inter­na­tio­nal, rayon­nant à tra­vers un réseau de plus de 80 bou­tiques et 1 500 points de vente dans le monde.
Le style Lalique naît du geste de l’ar­tiste esquis­sant un des­sin en osmose totale avec la matière ; un style recon­nais­sable au mode­lage manuel des pièces et des décors, comme une sculp­ture, à la richesse du décor figu­ra­tif, aux fini­tions qui donnent ce contraste carac­té­ris­tique de cris­tal clair et satiné.

Four de LALIQUE

Les maîtres du feu

Cher­cher à com­prendre le tra­vail du ver­rier, c’est rendre hom­mage à l’homme de l’art et à la com­plexi­té de son savoir-faire. Si la « halle » au verre chaud mène la danse – c’est là que la matière est pro­duite et que l’ob­jet prend forme, dans nos ate­liers, à Win­gen-sur-Moder en Alsace, les trois quarts du tra­vail sont réa­li­sés dans les ate­liers du verre froid, où l’ob­jet sans cesse remis sur le métier y atteint la perfection.

Sculpteur de lumière

Atelier de LALIQUE

D’a­bord, offrir l’œuvre du ver­rier aux pre­miers rayons du soleil et se lais­ser éblouir par l’é­clat du cris­tal que fait vibrer la lumière natu­relle. Puis d’une piche­nette, éveiller des sons d’une incroyable pureté.

La magie du cris­tal s’o­père dans la fusion, étape par laquelle la silice, la potasse, le minium de plomb et le groi­sil se méta­mor­phosent, sui­vant des dosages qui res­tent un secret jalou­se­ment conser­vé, en une matière brillante, lumi­neuse et à la sono­ri­té si par­ti­cu­lière. Comme d’autres choi­sissent la pierre ou le bronze, René Lalique, au siècle der­nier, créa des objets déco­ra­tifs et des sculp­tures en verre qui, aujourd’­hui trans­po­sés dans le cris­tal, exercent sur le col­lec­tion­neur un pou­voir de séduc­tion inéga­lé. « Rodin des trans­pa­rences » comme Mau­rice Ros­tand, fils d’Ed­mond, l’a­vait si bien nom­mé, homme-clé de l’une des plus belles marques du luxe fran­çais, cet artiste de génie abor­da avec un égal talent l’ar­chi­tec­ture d’in­té­rieur et le mobi­lier aus­si bien que le bijou et la sculp­ture. Héri­tier de l’art et de l’œuvre de René Lalique, le ver­rier d’au­jourd’­hui conti­nue de domp­ter la lumière. Jouant avec la pro­fon­deur du relief, il fait naître des œuvres entiè­re­ment réa­li­sées à la main et dont les admi­rables effets de trans­pa­rences sont magni­fiés par un ren­du tour à tour brillant ou sati­né. Magi­cien au pou­voir qua­si illi­mi­té, il nous ouvre les portes trans­lu­cides d’un uni­vers poé­tique qui mène au pays des songes et des mystères.

Atelier de LALIQUE

La beauté du geste…

Des êtres étranges, vêtus comme des cos­mo­nautes, hantent la « halle » au verre chaud pour le chan­ge­ment de pot. Bra­vant des tem­pé­ra­tures extrêmes – la matière en fusion atteint les 1 400 °C – dans un bal­let spec­ta­cu­lai­re­ment orches­tré, une cho­ré­gra­phie faite de souffles, de tour­noie­ments et de gestes mesu­rés, les ver­riers « cueillent » le cris­tal au bout d’une canne, éli­minent, aux ciseaux, bulles et imper­fec­tions de la boule de feu avant de la mettre en forme selon dif­fé­rentes tech­niques, dont le pres­sé-mou­lé uti­li­sé pour la plu­part des pièces : « cueilli » à la canne, le cris­tal est cou­lé dans un moule puis pres­sé jus­qu’à épou­ser les parois du moule. Trans­por­tée sur le tapis rou­lant de « l’arche de recuis­son », l’é­bauche est rame­née en dou­ceur à tem­pé­ra­ture ambiante.

Finition chez LALIQUE Coupe LALIQUE Finition chez LALIQUE

L’o­pé­ra­tion dure entre vingt-quatre heures et cinq jours. Les pièces quittent la « halle » au verre chaud pour gagner l’a­te­lier du verre froid où sont effec­tuées retouches, sculp­tures et fini­tions. L’é­bauche porte en sur­face les « cou­tures » lais­sées par le moule, à l’in­té­rieur duquel la pièce a pu contrac­ter des plis ou « fris­sons ». Taille et retouches viennent remé­dier à ces défauts de jeu­nesse avant que ne com­mence un véri­table tra­vail de sculpture.

L’ar­tiste ver­rier avive les arêtes, redonne de la ner­vo­si­té à la pièce, cisèle une che­ve­lure ou la colonne ver­té­brale d’un nu. Il se penche sur les visages, fouille leurs traits jus­qu’à ce qu’ils soient à la fois expres­sifs et fidèles à l’œuvre du créa­teur. L’en­semble de ces opé­ra­tions peut durer jus­qu’à qua­rante heures pour La Grande Nue Vénus. Au niveau des fini­tions, le jeu se joue entre par­ties brillantes et sati­nées, qui coexistent sur la plu­part des pièces. Polies, matées, sati­nées ou sablées, les sur­faces sont par­fois rehaus­sées d’un émaillage au pinceau.

Après un choix dras­tique effec­tué après chaque étape de la fabri­ca­tion, le contrôle qua­li­té valide les pièces une à une, en fonc­tion de cri­tères tech­niques mais aus­si sui­vant des cri­tères esthé­tiques, dans le res­pect de l’es­prit de la création.
Réa­li­sée à main levée, la signa­ture Lalique est gra­vée à l’aide d’une pointe dia­man­tée. L’œuvre sculp­tée peut alors quit­ter Wingen-sur-Moder.

Flacon de chez LALIQUE

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