L’Allemagne confirme sa première place en Europe
REPÈRES
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La chimie vient au quatrième rang des secteurs industriels allemands, devancée seulement en chiffre d’affaires par l’automobile, les industries mécaniques et l’industrie alimentaire. De nombreuses firmes chimiques allemandes sont des chefs de file mondiaux, tout particulièrement BASF, qui se situe au premier rang avec un chiffre d’affaires de plus de 60 milliards d’euros en 2010. D’autres, pour citer quelques noms, sont Bayer, Evonik, Henkel et Merck (Darmstadt). Au total, l’industrie chimique emploie environ 415000 personnes en Allemagne, dont 10 % pour la R&D.
À l’échelle européenne, l’industrie chimique allemande est la plus importante, produisant à elle seule 25 % du chiffre d’affaires en chimie de l’Union européenne. À l’échelle de la planète, sa part de marché est 6,3 %, en quatrième position après les États-Unis (20,7%), la Chine (20,1 %) et le Japon (6,8 %).
L’Allemagne est en tête des exportations chimiques mondiales
À considérer les seules exportations, l’Allemagne arrive en tête avec 13,2% du marché mondial, suivie par les États-Unis avec 10,3%. Ces nombres démontrent le rôle décisif de l’industrie chimique dans l’économie allemande. Le développement harmonieux et sain du secteur chimique est vital pour celle-ci, non seulement pour plus des deux mille sociétés industrielles la constituant, mais aussi pour le monde universitaire au sens large (Instituts Max-Planck, entre autres).
Une passe difficile
Tout comme pour d’autres pays, la crise financière et économique de 2008 et 2009 eut un impact majeur sur l’industrie chimique allemande. En 2009, la production chuta de 10 % et les ventes diminuèrent davantage encore, de 14%. Cependant, grâce à un programme d’aide gouvernementale de courte durée, l’emploi dans notre industrie diminua de 3% seulement ; à comparer aux réductions d’effectifs de 8% dans le secteur chimique de nos voisins européens, et de 6 % dans d’autres secteurs en Allemagne. La possibilité de faire appel à un nombre suffisant d’employés de haute technicité fut un atout maître lors du début de reprise en 2010, alors que la demande de produits chimiques augmentait rapidement.
Durant le premier semestre 2010, la production augmenta de façon significative (13%) par rapport à l’année précédente. On estimait l’augmentation à 11 % pour l’année entière, croissance la plus forte depuis 1976.
Les prévisions économiques pour 2011 sont encourageantes, avec une croissance continue, bien que l’industrie prévoit des gains inférieurs à ceux de 2010.
Selon l’Association de l’industrie chimique allemande (Verband der Chemischen Industrie, VCI) la production chimique devrait augmenter en 2011 de 2,5 % et les ventes de 4 %. Néanmoins, malgré ces scénarios optimistes, les indicateurs économiques restent inférieurs aux niveaux atteints avant la crise de 2008.
Réponse à la directive Reach
Reach à partir de 100 tonnes
Le processus Reach se poursuit sans répit pour l’industrie chimique. L’étape suivante d’enregistrement sera close le 31 mars 2013, et concernera toutes les substances fabriquées ou importées à des volumes annuels excédant 100 tonnes. Cela affectera un bien plus grand nombre de composés encore, et cela impliquera bien davantage d’entreprises de taille moyenne ou petite, pour lesquelles toute cette paperasserie bureaucratique présente bien des difficultés.
Au-delà de sa contribution au développement économique, l’industrie chimique allemande se heurte à des problèmes. Tout particulièrement, la directive Reach de la CE avait comme première date limite le 30 novembre 2010 pour le dépôt des dossiers. Les sociétés chimiques devaient enregistrer d’ici à cette date les composés qu’elles produisent ou qu’elles importent à plus de 1 000 tonnes par an.
À compter du 1er décembre 2010, celles de ces substances qui n’auraient pas été enregistrées auprès de l’Agence européeene ECHA à Helsinki ne peuvent plus être fabriquées ou importées en Europe.
D’après la VCI, l’industrie chimique allemande eut fort à faire mais parvint finalement à respecter cette date butoir. Près de 25000 dossiers relatifs à 4 300 substances furent introduits, dont plus d’un quart émanait de firmes allemandes, ce qui reflète à nouveau le rôle moteur de la chimie allemande dans l’Union européenne. Ajoutons que bien des sociétés allemandes eurent des rôles clés dans les organismes de coordination, ce qui alourdit encore ces tâches bureaucratiques.
Le contexte national
Autre question lancinante pour un avenir réussi de l’industrie chimique allemande, la politique industrielle du gouvernement fédéral.
Le Dr Klaus Engel, PDG d’Evonik et président de la VCI, s’exprimait récemment ainsi à ce sujet : « L’Allemagne peut maintenir sa compétitivité et envisager un développement durable moyennant une stratégie industrielle d’ensemble du gouvernement fédéral, avec une fourniture d’énergie abordable et sûre, et avec un dialogue social permettant la réalisation de projets d’envergure. Une planification fiable est un prérequis vital pour l’investissement et, partant, pour la croissance et l’emploi dans notre pays. »
Un point crucial est celui de l’accès à des sources d’énergie sûres et abordables, puisque l’industrie chimique est un gros consommateur d’énergie. Il implique une focalisation accrue sur des sources d’énergie renouvelables. Le problème clé en la matière est celui d’infrastructures adéquates. Des technologies de stockage d’énergie et de nouveaux réseaux de distribution sont en effet indispensables pour tirer suffisamment parti du solaire et de l’éolien.
La locomotive de l’innovation
Autre défi pour l’industrie chimique allemande : bien qu’elle conserve sa fonction de locomotive d’innovation, son impact s’est amoindri.
L’industrie chimique allemande doit se focaliser sur l’innovation
En tenant compte de l’inflation, les dépenses de l’industrie en R&D n’ont pas augmenté, elles ont même diminué depuis le milieu des années 1990. De façon connexe, la part des laboratoires allemands dans les publications scientifiques en chimie subissait un déclin notable. Ces deux tendances sont préoccupantes, eu égard à la mondialisation et à la part grandissante de marché des pays.
Si elle veut rester compétitive à long terme, l’industrie chimique allemande doit se focaliser sur l’innovation, sur des secteurs et des produits chimiques irrigués par la recherche.
Dans quels domaines plus particulièrement ? La santé, une efficacité accrue dans l’exploitation des ressources énergétiques et des matières premières, les énergies renouvelables, de nouveaux matériaux, et une meilleure compatibilité environnementale des produits. Pour atteindre ces objectifs, l’industrie chimique a besoin, non seulement de techniciens bien formés, mais aussi de chercheurs hautement qualifiés.
Des liens étroits avec l’université
Depuis l’émergence de la chimie à la fois comme science et comme industrie, en Allemagne au dix-neuvième siècle, l’un des piliers de la réussite fut la collaboration étroite et fructueuse de la recherche fondamentale universitaire avec l’industrie. Maintenir ces liens étroits, renforcer la recherche, améliorer l’enseignement sont des impératifs pour la réussite durable de la chimie allemande.
Elle a besoin, pour y parvenir, de meilleures conditions pour financer l’innovation, telles que des incitations fiscales à la R&D, comme elles existent dans d’autres pays d’Europe, dont la France. Il lui faudrait en outre des règlements européens plus efficaces relatifs à la propriété intellectuelle, des investissements accrus dans l’effort de recherche universitaire et un soutien plus fort de l’enseignement des sciences à l’école. Toutes les données citées dans ce témoignage proviennent de la VCI (Association de l’industrie chimique allemande).