Autorité des marchés financiers (AMF)

L’AMF accompagne l’innovation dans le secteur financier

Dossier : Vie des entreprises, FintechMagazine N°798 Octobre 2024
Par Sébastien RASPILLER (X97)
Par Charles MOUSSY

Au cœur de l’écosystème finan­cier, l’AMF est le régu­la­teur et le super­vi­seur du sec­teur et de ses acteurs. Entre régle­men­ta­tion et inno­va­tion, l’AMF est mobi­li­sée à l’échelle natio­nale et euro­péenne afin de créer et pro­mou­voir un cadre sécu­ri­sé pour l’ensemble des acteurs, des par­ties pre­nantes, et, in fine les inves­tis­seurs et les épar­gnants. Le point avec Sébas­tien Ras­piller (X97), secré­taire géné­ral de l’AMF, et Charles Mous­sy, direc­teur de l’innovation et de la finance digi­tale au sein de l’AMF.

Qu’est-ce que l’AMF ? Quels sont son rôle et ses principales missions ?

L’AMF est l’autorité des mar­chés finan­ciers. Créée en 2003 par la Loi de sécu­ri­té finan­cière, l’AMF est une auto­ri­té publique indé­pen­dante (API) qui dis­pose d’une auto­no­mie juri­dique, fonc­tion­nelle et finan­cière. L’AMF a un rôle de régu­la­teur et de superviseur.

Ses mis­sions sont fixées par le légis­la­teur : Veiller à la pro­tec­tion de l’épargne inves­tie dans les ins­tru­ments finan­ciers, à la bonne infor­ma­tion des inves­tis­seurs et au bon fonc­tion­ne­ment des mar­chés d’instruments financiers ;

Dans l’accomplissement de ces mis­sions, nous pre­nons en compte les objec­tifs de sta­bi­li­té finan­cière. Nous appor­tons éga­le­ment notre concours à l’élaboration des textes et au tra­vail de pré­ci­sion de ces textes ou normes aux éche­lons euro­péens et inter­na­tio­naux pour une mise en œuvre convergente.

Le péri­mètre d’action de l’AMF couvre la com­mu­ni­ca­tion des socié­tés cotées ; les mar­chés finan­ciers et leurs infra­struc­tures ; les inter­mé­diaires finan­ciers auto­ri­sés à four­nir des ser­vices d’investissement (éta­blis­se­ments de cré­dit auto­ri­sés à four­nir des ser­vices d’investissement, entre­prises d’investissement, socié­tés de ges­tion de por­te­feuille, conseillers en inves­tis­se­ments finan­ciers, pres­ta­taires de ser­vices de finan­ce­ment par­ti­ci­pa­tif, démar­cheurs, etc.), ain­si que les pro­duits d’épargne col­lec­tive inves­tie dans des ins­tru­ments financiers.

L’AMF édicte des règles (règle­ment géné­ral et doc­trine) et auto­rise les acteurs, approuve les docu­ments d’information sur les opé­ra­tions finan­cières, s’assure d’une dif­fu­sion de l’information pério­dique par les socié­tés cotées et agrée les pro­duits d’épargne col­lec­tive. L’AMF décide s’il y a lieu d’enregistrer ou d’agréer les pres­ta­taires de ser­vices sur actifs numé­riques. Elle sur­veille les mar­chés finan­ciers et les tran­sac­tions finan­cières ; mène des enquêtes et des contrôles. Enfin, elle dis­pose d’un pou­voir de sanc­tion et de tran­sac­tion, elle informe et alerte les épar­gnants tout en étant dotée d’un dis­po­si­tif de médiation.

Au cœur de votre ADN, on retrouve la régulation et la réglementation. Dites-nous en plus. Comment cela se traduit-il ?

Dans le champ des ser­vices finan­ciers, nous avons de plus en plus de direc­tives et de règle­ments euro­péens. À la suite de la crise finan­cière, au début des années 2010, nous avons assis­té à une den­si­fi­ca­tion de l’agenda régle­men­taire et à un dur­cis­se­ment des règles d’abord appli­cables aux acteurs ban­caires, puis aux autres acteurs finan­ciers du type socié­té de gestion.

Au fil des années, il y a eu de nom­breuses avan­cées sur le plan régle­men­taire, notam­ment en termes d’abus de mar­ché avec le règle­ment MAR (Mar­ket Abuse Regu­la­tion), s’agissant des chambres de com­pen­sa­tion avec le règle­ment EMIR, des fonds alter­na­tifs d’investissement avec la direc­tive AIFM, et s’agissant géné­ra­le­ment de la vente d’instruments finan­ciers avec le cor­pus MIF (direc­tive et règle­ment sur les mar­chés d’instruments financiers).

Ces règle­ments et direc­tives sont régu­liè­re­ment revus et révi­sés. À cela s’ajoutent de nom­breux stan­dards et mesures tech­niques mis en place au niveau de l’Autorité euro­péenne des mar­chés finan­ciers. L’AMF par­ti­cipe acti­ve­ment au débat euro­péen, en appor­tant son expertise.

Notre rôle est ensuite d’assurer le res­pect de ces règles en France.

Dans le cadre du Green Deal euro­péen, par exemple, nous sommes notam­ment concer­nés par l’obligation de repor­ting extra-finan­cier des entre­prises (direc­tive CSRD). Le pre­mier repor­ting sera atten­du en 2025, au titre de l’exercice 2024. À ce stade, nous sommes dans une phase d’accompagnement des entre­prises et de péda­go­gie afin qu’elles s’approprient ce cor­pus régle­men­taire. Vien­dra ensuite la phase de sur­veillance, voire de sanc­tion si les règles appli­cables ne sont pas res­pec­tées par les entreprises.

L’AMF joue aus­si ce rôle à une échelle natio­nale, le légis­la­teur fran­çais pou­vant nous confier de nou­velles mis­sions, comme cela a été le cas dans le cadre de la Loi PACTE.

Depuis plusieurs années, l’AMF accompagne les transformations du secteur financier et notamment les Fintechs. Qu’en est-il ?

Dès le départ, l’AMF s’est posi­tion­née comme un régu­la­teur ouvert et favo­rable à l’innovation. Cette dimen­sion a été rap­pe­lée dès son arri­vée par notre Pré­si­dente, Marie-Anne Bar­bat-Laya­ni. Elle est aus­si expri­mée dans les orien­ta­tions stra­té­giques qui ont été pré­sen­tées en 2023 dans le cadre de sa man­da­ture. Par­mi les six axes iden­ti­fiés, un axe est spé­ci­fi­que­ment dédié à l’innovation dans le champ financier.

En mai 2016, l’AMF s’était déjà dotée d’une divi­sion dédiée à l’innovation. Avec l’Autorité de contrôle pru­den­tiel et de réso­lu­tion (ACPR), nous avons éga­le­ment créé le Forum Fin­tech qui est orga­ni­sé chaque année. En lien avec l’exécutif fran­çais, nous tra­vaillons autour des évo­lu­tions régle­men­taires en faveur de l’innovation dans le domaine finan­cier, récem­ment dans le cadre de la Loi Pacte ou encore le règle­ment euro­péen Mar­kets in Cryp­to-Assets (MiCA).

“Dès le départ, l’AMF s’est positionnée comme un régulateur ouvert et favorable à l’innovation.”

Sur un plan plus opé­ra­tion­nel, la divi­sion de l’innovation inter­vient de manière trans­ver­sale sur tous les métiers de l’AMF autour de 3 objec­tifs principaux :

  • Iden­ti­fier les enjeux en matière d’innovation, ana­ly­ser les nou­velles ten­dances et pro­mou­voir le déve­lop­pe­ment d’un cadre pro­tec­teur et sécurisant ;
  • Ren­con­trer les acteurs inno­vants, start-up, fin­tech ou grandes entre­prises, afin d’échanger sur leurs pro­jets et d’analyser les inno­va­tions qu’elles sou­haitent déve­lop­per dans le sec­teur des ser­vices d’investissement et des mar­chés financiers ;
  • Contri­buer à l’évolution de la régle­men­ta­tion et repré­sen­ter l’AMF dans les ins­tances et groupes de tra­vail fran­çais, euro­péens et internationaux.

Chaque année, la divi­sion de l’innovation de l’AMF accueille et échange avec plus d’une cen­taine de fin­techs. Nous les accom­pa­gnons sur le volet ana­lyse juri­dique et les orien­tons dans le cadre de leur par­cours réglementaire.

En paral­lèle, afin de por­ter les posi­tions de l’AMF en matière d’innovation, nous publions régu­liè­re­ment des conte­nus divers autour de sujets d’actualité comme les cryp­toac­tifs, la finance décen­tra­li­sée, la cyber sécu­ri­té, mais aus­si plus spé­ci­fiques comme l’ouverture des données.

Avec l’ACPR, vous organisez le Forum Fintech, un rendez-vous annuel rassemblant les acteurs fintechs de la place et les autorités et qui est devenu un événement incontournable. Pouvez-vous nous en dire plus ? Que faut-il retenir de la dernière édition ?

Le Forum Fin­tech s’inscrit dans une volon­té par­ta­gée avec l’ACPR de déve­lop­per le dia­logue avec la place finan­cière pari­sienne et les acteurs inno­vants de l’écosystème, dont les fin­techs. Le 14 octobre 2024, nous orga­ni­sons la 5e édi­tion de ce forum. Cette jour­née s’articule autour de 2 temps. Cette année, la mati­née sera consa­crée au rôle des fin­techs dans le déve­lop­pe­ment de l’intelligence arti­fi­cielle ain­si qu’à l’agenda de la Com­mis­sion euro­péenne en matière de finance numé­rique. L’après-midi, nous orga­ni­se­rons des ate­liers thé­ma­tiques autour de sujets et d’enjeux régle­men­taires, comme le règle­ment MiCA, la règle­men­ta­tion sur la lutte anti-blan­chi­ment, la cyber­sé­cu­ri­té et les ser­vices de paie­ment afin de démys­ti­fier la régle­men­ta­tion et la rendre plus accessible.

l'AMF innove dans le secteur financier

Baisse des levées de fonds, fraude, cybersécurité… sont autant d’enjeux auxquels les fintechs doivent faire face. Qu’observez-vous à votre niveau ?

Le déve­lop­pe­ment de l’écosystème a été conco­mi­tant à l’accélération de la digi­ta­li­sa­tion dans les années 2000 et 2010. Cet éco­sys­tème s’est aus­si lar­ge­ment diver­si­fié. Au départ, on recen­sait quelques acteurs qui pro­po­saient des pro­duits très spé­ci­fiques. Aujourd’hui le spectre est plus large : cryp­to, blo­ck­chain, finan­ce­ment par­ti­ci­pa­tif ou crowd­fun­ding, cour­tier en ligne ou néo-bro­ker, pla­te­forme digi­tale de gestion…

Après un large accès aux levées de fonds au cours des 5 der­nières années dans un contexte de taux bas, on observe une plus grande sélec­ti­vi­té des inves­tis­seurs dans un contexte de ralen­tis­se­ment éco­no­mique. La péren­ni­té d’une fin­tech repose sur sa via­bi­li­té et sa soli­di­té éco­no­miques et sa capa­ci­té à trou­ver des inves­tis­seurs pour la sou­te­nir sur le plan finan­cier. Aujourd’hui, on observe un phé­no­mène de concen­tra­tion. Cer­taines fin­techs qui ont réus­si à se démar­quer, car elles pro­po­saient des tech­no­lo­gies inté­res­santes, ont été rache­tées par des grands groupes. 

Au-delà, l’écosystème est aus­si confron­té à de nom­breux enjeux et défis. On peut notam­ment citer la fraude, le blan­chi­ment d’argent et le finan­ce­ment du ter­ro­risme qui touchent tout le sec­teur finan­cier. Néan­moins, cer­tains sec­teurs de l’écosystème de la fin­tech, comme les cryp­to-actifs, sont plus expo­sés à ces risques. Il y a bien évi­dem­ment aus­si le risque cyber, qui n’est pas propre aux Fin­techs, mais qui connaît une crois­sance expo­nen­tielle dans un uni­vers de plus en plus digi­ta­li­sé. Depuis plu­sieurs années, l’AMF se mobi­lise en matière de cyber­sé­cu­ri­té et a notam­ment sou­te­nu l’émergence d’un cadre euro­péen pour ren­for­cer la cyber­sé­cu­ri­té et lut­ter contre les cyber risques. Il s’agit du règle­ment Dora, qui crée un cadre régle­men­taire har­mo­ni­sé sur la rési­lience opé­ra­tion­nelle numé­rique des enti­tés finan­cières à une échelle européenne.

Les crypto-actifs représentent, par ailleurs, un enjeu majeur pour le secteur et l’AMF. Comment vous mobilisez-vous pour mieux encadrer ce secteur ?

En 2019, l’AMF a contri­bué aux tra­vaux autour de la Loi PACTE qui porte sur les actifs numé­riques. La Loi a impo­sé aux acteurs sou­hai­tant four­nir cer­tains ser­vices dans ce domaine comme l’achat/vente de cryp­to-actifs par exemple de se faire enre­gis­trer auprès de l’AMF. Elle a éga­le­ment intro­duit un agré­ment optionnel.

Au niveau euro­péen, le règle­ment MiCA va entrer en appli­ca­tion au 30 décembre 2024 et va rendre l’agrément obli­ga­toire. Sur ce sujet, nous pas­sons donc d’un régime natio­nal à un régime euro­péen har­mo­ni­sé qui va cou­vrir un mar­ché plus vaste pour ces actifs qui sont, par nature, digi­taux et trans­fron­ta­liers. En ce sens, le cadre régle­men­taire euro­péen est bien plus adap­té que le régime natio­nal por­té par la Loi PACTE.

Concrè­te­ment, le règle­ment MiCA met en place des exi­gences plus fortes : agré­ment, obli­ga­tion de contrôle interne, ges­tion des conflits d’intérêts, sépa­ra­tion des actifs des clients et du compte propre de l’acteur, exi­gences pru­den­tielles, lutte anti-blan­chi­ment, cybersécurité…

En parallèle, quels sont les autres sujets et enjeux qui vous mobilisent ?

Les nou­velles tech­no­lo­gies vont nous per­mettre d’élargir notre hori­zon et de faire évo­luer nos mis­sions de régu­la­teur. L’AMF dis­pose notam­ment de mil­liards de don­nées que le Big Data et l’IA nous per­mettent de valo­ri­ser afin d’affiner notre connais­sance des acteurs finan­ciers et des mar­chés. Dans cette logique, nous avons notam­ment déve­lop­pé un outil de super­vi­sion basé sur le Big Data au ser­vice de notre acti­vi­té de sur­veillance des mar­chés et de reporting.

“Les nouvelles technologies vont nous permettre d’élargir notre horizon et de faire évoluer nos missions de régulateur.”

Nous sui­vons de près les der­nières évo­lu­tions tech­no­lo­giques, avec un focus sur l’IA géné­ra­tive, afin de mieux com­prendre leur poten­tiel impact sur le monde finan­cier. Dans cette démarche, nous nous ins­cri­vons dans une logique de dia­logue avec l’ensemble des acteurs pour iden­ti­fier les nou­veaux usages, ten­dances, et oppor­tu­ni­tés. Comme pour de nom­breux sec­teurs, l’IA pré­sente de réelles oppor­tu­ni­tés d’innovation pour les acti­vi­tés de ges­tion de por­te­feuille, l’automatisation de cer­tains pro­ces­sus, l’optimisation de la ges­tion des risques de confor­mi­té et de la sécurité.

“Nous suivons de près les dernières évolutions technologiques, avec un focus sur l’IA générative, afin de mieux comprendre leur potentiel impact sur le monde financier.”

En paral­lèle, le recours à la tech­no­lo­gie peut aus­si pré­sen­ter des risques, dont le prin­ci­pal est le risque de prise de déci­sion sans inter­ven­tion humaine. Cette réa­li­té sou­lève éga­le­ment des ques­tions éthiques. C’est un sujet qui mobi­lise tout le sec­teur. Le 30 mai der­nier, l’Autorité euro­péenne des mar­chés finan­ciers a rap­pe­lé que l’usage de l’IA dans la finance doit être super­vi­sé et plus trans­pa­rent afin de garan­tir l’accès à une infor­ma­tion claire, exacte et non trom­peuse. Ces réflexions ont voca­tion à faire évo­luer la régle­men­ta­tion, la régu­la­tion et la supervision.


Les chiffres clés de l’AMF en 2023

  • 509 per­sonnes (ETPT)
  • 11 816 demandes trai­tées par Épargne Info Service 
  • 2 060 dos­siers de média­tion traités
  • 267 visas sur opé­ra­tions finan­cières délivrés 
  • 23 déci­sions de confor­mi­té por­tant sur des offres publiques
  • 23 socié­tés de ges­tion agréées en 2023 
  • et 700 socié­tés de ges­tion suivies 
  • 12 379 OPC sui­vis pour un encours de 1908 mil­liards d’euros
  • 107 PSAN enre­gis­trés dont 49 en 2023
  • 35 enquêtes terminées
  • 55 rap­ports de contrôle envoyés 
  • 10 accords de tran­sac­tion homo­lo­gués et publiés pour un mon­tant total de 1 350 000 euros 
  • 17 déci­sions de sanc­tions pour un mon­tant total de 34 940 000 euros 

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