L’AMF accompagne l’innovation dans le secteur financier
Au cœur de l’écosystème financier, l’AMF est le régulateur et le superviseur du secteur et de ses acteurs. Entre réglementation et innovation, l’AMF est mobilisée à l’échelle nationale et européenne afin de créer et promouvoir un cadre sécurisé pour l’ensemble des acteurs, des parties prenantes, et, in fine les investisseurs et les épargnants. Le point avec Sébastien Raspiller (X97), secrétaire général de l’AMF, et Charles Moussy, directeur de l’innovation et de la finance digitale au sein de l’AMF.
Qu’est-ce que l’AMF ? Quels sont son rôle et ses principales missions ?
L’AMF est l’autorité des marchés financiers. Créée en 2003 par la Loi de sécurité financière, l’AMF est une autorité publique indépendante (API) qui dispose d’une autonomie juridique, fonctionnelle et financière. L’AMF a un rôle de régulateur et de superviseur.
Ses missions sont fixées par le législateur : Veiller à la protection de l’épargne investie dans les instruments financiers, à la bonne information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés d’instruments financiers ;
Dans l’accomplissement de ces missions, nous prenons en compte les objectifs de stabilité financière. Nous apportons également notre concours à l’élaboration des textes et au travail de précision de ces textes ou normes aux échelons européens et internationaux pour une mise en œuvre convergente.
Le périmètre d’action de l’AMF couvre la communication des sociétés cotées ; les marchés financiers et leurs infrastructures ; les intermédiaires financiers autorisés à fournir des services d’investissement (établissements de crédit autorisés à fournir des services d’investissement, entreprises d’investissement, sociétés de gestion de portefeuille, conseillers en investissements financiers, prestataires de services de financement participatif, démarcheurs, etc.), ainsi que les produits d’épargne collective investie dans des instruments financiers.
L’AMF édicte des règles (règlement général et doctrine) et autorise les acteurs, approuve les documents d’information sur les opérations financières, s’assure d’une diffusion de l’information périodique par les sociétés cotées et agrée les produits d’épargne collective. L’AMF décide s’il y a lieu d’enregistrer ou d’agréer les prestataires de services sur actifs numériques. Elle surveille les marchés financiers et les transactions financières ; mène des enquêtes et des contrôles. Enfin, elle dispose d’un pouvoir de sanction et de transaction, elle informe et alerte les épargnants tout en étant dotée d’un dispositif de médiation.
Au cœur de votre ADN, on retrouve la régulation et la réglementation. Dites-nous en plus. Comment cela se traduit-il ?
Dans le champ des services financiers, nous avons de plus en plus de directives et de règlements européens. À la suite de la crise financière, au début des années 2010, nous avons assisté à une densification de l’agenda réglementaire et à un durcissement des règles d’abord applicables aux acteurs bancaires, puis aux autres acteurs financiers du type société de gestion.
Au fil des années, il y a eu de nombreuses avancées sur le plan réglementaire, notamment en termes d’abus de marché avec le règlement MAR (Market Abuse Regulation), s’agissant des chambres de compensation avec le règlement EMIR, des fonds alternatifs d’investissement avec la directive AIFM, et s’agissant généralement de la vente d’instruments financiers avec le corpus MIF (directive et règlement sur les marchés d’instruments financiers).
Ces règlements et directives sont régulièrement revus et révisés. À cela s’ajoutent de nombreux standards et mesures techniques mis en place au niveau de l’Autorité européenne des marchés financiers. L’AMF participe activement au débat européen, en apportant son expertise.
Notre rôle est ensuite d’assurer le respect de ces règles en France.
Dans le cadre du Green Deal européen, par exemple, nous sommes notamment concernés par l’obligation de reporting extra-financier des entreprises (directive CSRD). Le premier reporting sera attendu en 2025, au titre de l’exercice 2024. À ce stade, nous sommes dans une phase d’accompagnement des entreprises et de pédagogie afin qu’elles s’approprient ce corpus réglementaire. Viendra ensuite la phase de surveillance, voire de sanction si les règles applicables ne sont pas respectées par les entreprises.
L’AMF joue aussi ce rôle à une échelle nationale, le législateur français pouvant nous confier de nouvelles missions, comme cela a été le cas dans le cadre de la Loi PACTE.
Depuis plusieurs années, l’AMF accompagne les transformations du secteur financier et notamment les Fintechs. Qu’en est-il ?
Dès le départ, l’AMF s’est positionnée comme un régulateur ouvert et favorable à l’innovation. Cette dimension a été rappelée dès son arrivée par notre Présidente, Marie-Anne Barbat-Layani. Elle est aussi exprimée dans les orientations stratégiques qui ont été présentées en 2023 dans le cadre de sa mandature. Parmi les six axes identifiés, un axe est spécifiquement dédié à l’innovation dans le champ financier.
En mai 2016, l’AMF s’était déjà dotée d’une division dédiée à l’innovation. Avec l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), nous avons également créé le Forum Fintech qui est organisé chaque année. En lien avec l’exécutif français, nous travaillons autour des évolutions réglementaires en faveur de l’innovation dans le domaine financier, récemment dans le cadre de la Loi Pacte ou encore le règlement européen Markets in Crypto-Assets (MiCA).
“Dès le départ, l’AMF s’est positionnée comme un régulateur ouvert et favorable à l’innovation.”
Sur un plan plus opérationnel, la division de l’innovation intervient de manière transversale sur tous les métiers de l’AMF autour de 3 objectifs principaux :
- Identifier les enjeux en matière d’innovation, analyser les nouvelles tendances et promouvoir le développement d’un cadre protecteur et sécurisant ;
- Rencontrer les acteurs innovants, start-up, fintech ou grandes entreprises, afin d’échanger sur leurs projets et d’analyser les innovations qu’elles souhaitent développer dans le secteur des services d’investissement et des marchés financiers ;
- Contribuer à l’évolution de la réglementation et représenter l’AMF dans les instances et groupes de travail français, européens et internationaux.
Chaque année, la division de l’innovation de l’AMF accueille et échange avec plus d’une centaine de fintechs. Nous les accompagnons sur le volet analyse juridique et les orientons dans le cadre de leur parcours réglementaire.
En parallèle, afin de porter les positions de l’AMF en matière d’innovation, nous publions régulièrement des contenus divers autour de sujets d’actualité comme les cryptoactifs, la finance décentralisée, la cyber sécurité, mais aussi plus spécifiques comme l’ouverture des données.
Avec l’ACPR, vous organisez le Forum Fintech, un rendez-vous annuel rassemblant les acteurs fintechs de la place et les autorités et qui est devenu un événement incontournable. Pouvez-vous nous en dire plus ? Que faut-il retenir de la dernière édition ?
Le Forum Fintech s’inscrit dans une volonté partagée avec l’ACPR de développer le dialogue avec la place financière parisienne et les acteurs innovants de l’écosystème, dont les fintechs. Le 14 octobre 2024, nous organisons la 5e édition de ce forum. Cette journée s’articule autour de 2 temps. Cette année, la matinée sera consacrée au rôle des fintechs dans le développement de l’intelligence artificielle ainsi qu’à l’agenda de la Commission européenne en matière de finance numérique. L’après-midi, nous organiserons des ateliers thématiques autour de sujets et d’enjeux réglementaires, comme le règlement MiCA, la règlementation sur la lutte anti-blanchiment, la cybersécurité et les services de paiement afin de démystifier la réglementation et la rendre plus accessible.
Baisse des levées de fonds, fraude, cybersécurité… sont autant d’enjeux auxquels les fintechs doivent faire face. Qu’observez-vous à votre niveau ?
Le développement de l’écosystème a été concomitant à l’accélération de la digitalisation dans les années 2000 et 2010. Cet écosystème s’est aussi largement diversifié. Au départ, on recensait quelques acteurs qui proposaient des produits très spécifiques. Aujourd’hui le spectre est plus large : crypto, blockchain, financement participatif ou crowdfunding, courtier en ligne ou néo-broker, plateforme digitale de gestion…
Après un large accès aux levées de fonds au cours des 5 dernières années dans un contexte de taux bas, on observe une plus grande sélectivité des investisseurs dans un contexte de ralentissement économique. La pérennité d’une fintech repose sur sa viabilité et sa solidité économiques et sa capacité à trouver des investisseurs pour la soutenir sur le plan financier. Aujourd’hui, on observe un phénomène de concentration. Certaines fintechs qui ont réussi à se démarquer, car elles proposaient des technologies intéressantes, ont été rachetées par des grands groupes.
Au-delà, l’écosystème est aussi confronté à de nombreux enjeux et défis. On peut notamment citer la fraude, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme qui touchent tout le secteur financier. Néanmoins, certains secteurs de l’écosystème de la fintech, comme les crypto-actifs, sont plus exposés à ces risques. Il y a bien évidemment aussi le risque cyber, qui n’est pas propre aux Fintechs, mais qui connaît une croissance exponentielle dans un univers de plus en plus digitalisé. Depuis plusieurs années, l’AMF se mobilise en matière de cybersécurité et a notamment soutenu l’émergence d’un cadre européen pour renforcer la cybersécurité et lutter contre les cyber risques. Il s’agit du règlement Dora, qui crée un cadre réglementaire harmonisé sur la résilience opérationnelle numérique des entités financières à une échelle européenne.
Les crypto-actifs représentent, par ailleurs, un enjeu majeur pour le secteur et l’AMF. Comment vous mobilisez-vous pour mieux encadrer ce secteur ?
En 2019, l’AMF a contribué aux travaux autour de la Loi PACTE qui porte sur les actifs numériques. La Loi a imposé aux acteurs souhaitant fournir certains services dans ce domaine comme l’achat/vente de crypto-actifs par exemple de se faire enregistrer auprès de l’AMF. Elle a également introduit un agrément optionnel.
Au niveau européen, le règlement MiCA va entrer en application au 30 décembre 2024 et va rendre l’agrément obligatoire. Sur ce sujet, nous passons donc d’un régime national à un régime européen harmonisé qui va couvrir un marché plus vaste pour ces actifs qui sont, par nature, digitaux et transfrontaliers. En ce sens, le cadre réglementaire européen est bien plus adapté que le régime national porté par la Loi PACTE.
Concrètement, le règlement MiCA met en place des exigences plus fortes : agrément, obligation de contrôle interne, gestion des conflits d’intérêts, séparation des actifs des clients et du compte propre de l’acteur, exigences prudentielles, lutte anti-blanchiment, cybersécurité…
En parallèle, quels sont les autres sujets et enjeux qui vous mobilisent ?
Les nouvelles technologies vont nous permettre d’élargir notre horizon et de faire évoluer nos missions de régulateur. L’AMF dispose notamment de milliards de données que le Big Data et l’IA nous permettent de valoriser afin d’affiner notre connaissance des acteurs financiers et des marchés. Dans cette logique, nous avons notamment développé un outil de supervision basé sur le Big Data au service de notre activité de surveillance des marchés et de reporting.
“Les nouvelles technologies vont nous permettre d’élargir notre horizon et de faire évoluer nos missions de régulateur.”
Nous suivons de près les dernières évolutions technologiques, avec un focus sur l’IA générative, afin de mieux comprendre leur potentiel impact sur le monde financier. Dans cette démarche, nous nous inscrivons dans une logique de dialogue avec l’ensemble des acteurs pour identifier les nouveaux usages, tendances, et opportunités. Comme pour de nombreux secteurs, l’IA présente de réelles opportunités d’innovation pour les activités de gestion de portefeuille, l’automatisation de certains processus, l’optimisation de la gestion des risques de conformité et de la sécurité.
“Nous suivons de près les dernières évolutions technologiques, avec un focus sur l’IA générative, afin de mieux comprendre leur potentiel impact sur le monde financier.”
En parallèle, le recours à la technologie peut aussi présenter des risques, dont le principal est le risque de prise de décision sans intervention humaine. Cette réalité soulève également des questions éthiques. C’est un sujet qui mobilise tout le secteur. Le 30 mai dernier, l’Autorité européenne des marchés financiers a rappelé que l’usage de l’IA dans la finance doit être supervisé et plus transparent afin de garantir l’accès à une information claire, exacte et non trompeuse. Ces réflexions ont vocation à faire évoluer la réglementation, la régulation et la supervision.
Les chiffres clés de l’AMF en 2023
- 509 personnes (ETPT)
- 11 816 demandes traitées par Épargne Info Service
- 2 060 dossiers de médiation traités
- 267 visas sur opérations financières délivrés
- 23 décisions de conformité portant sur des offres publiques
- 23 sociétés de gestion agréées en 2023
- et 700 sociétés de gestion suivies
- 12 379 OPC suivis pour un encours de 1 908 milliards d’euros
- 107 PSAN enregistrés dont 49 en 2023
- 35 enquêtes terminées
- 55 rapports de contrôle envoyés
- 10 accords de transaction homologués et publiés pour un montant total de 1 350 000 euros
- 17 décisions de sanctions pour un montant total de 34 940 000 euros