L’Amour des Trois Oranges
Les opéras de Serge Prokofiev ne sont pas la partie la plus célèbre de son œuvre. Naturellement, la découverte de ce compositeur, réellement passionnant, doit débuter par quelques ballets (Roméo et Juliette, Cendrillon), Symphonies (les n°1, 3, 5 et 7) et concertos.
Parmi ses nombreux opéras, sortent du lot et sont absolument à conseiller l’Ange de Feu (entièrement construit sur le matériel musical de la troisième symphonie) et l’Amour des Trois Oranges (dans un style musical plus « simple »). Ils figurent assurément, avec les grands opéras de Strauss, Janacek, Britten et Puccini (bien sûr), parmi les opéras du XXe siècle qui survivront au temps. Il existe une version française, traduction de Prokofiev lui-même, de l’Amour des Trois Oranges. Cette version a le grand mérite pour le spectateur francophone de permettre une bonne compréhension des dialogues, sinon de l’histoire elle-même absolument irracontable et sans queue ni tête. En effet, basé sur un conte de Carlo Gozzi (1720−1806), le livret réalisé par Prokofiev, pour une commande de l’Opéra de Chicago de 1919, entremêle plusieurs intrigues, introduit des personnages féeriques et de la Commedia dell’arte, pour atteindre un niveau de loufoquerie rarement vu à l’Opéra.
À cela s’ajoute, dans cette production en français, la mise en scène et les costumes de Laurent Pelly et les décors de Chantal Thomas. Comme toujours (citons en DVD Platée de Rameau et trois grands opéras-comiques d’Offenbach), les mises en scène de Laurent Pelly sont pleines de trouvailles, humoristiques ou dramatiques, qui se succèdent avec un rythme effréné, tout en gardant une perspectives cohérente. Ici, dans un univers de cartes à jouer, la cocasserie de la mise en scène surenchérit sur l’invraisemblance du livret.
Musicalement, c’est parfait. L’orchestre est brillant et aérien, très impressionnant dans les passages sans chants (dont la célèbre Marche). Les chanteurs, souvent français, sont absolument dans le style et s’intègrent remarquablement dans l’univers de Gozzi, la musique imaginative de Prokofiev et la direction d’acteur « déjantée » de Pelly.