L’apport du progrès technologique pour la réduction des émissions des gaz à effet de serre dans le monde

Dossier : L'effet de serreMagazine N°555 Mai 2000
Par Maurice CLAVERIE (53)

L’ap­pli­ca­tion de ce pro­to­cole par les pays les plus déve­lop­pés appa­raît très contrai­gnant dans l’im­mé­diat. Mais à plus long terme, les pays en déve­lop­pe­ment vont pro­ba­ble­ment en sur­ajou­ter aux dif­fi­cul­tés : quoique leurs émis­sions ne dépassent pas 0,4 tonne de car­bone par habi­tant pour le moment (contre 3 tonnes pour ceux de l’OCDE), les besoins de leur déve­lop­pe­ment vont entraî­ner – au moins à court terme – une aug­men­ta­tion rapide des émissions.

Un effort impor­tant est donc à faire dès à pré­sent dans les pays déve­lop­pés, mais les mesures à prendre pour limi­ter les émis­sions doivent être pen­sées dans le contexte mon­dial qui pré­vau­dra au milieu du XXIe siècle.

Comme il est mora­le­ment inac­cep­table, et de toute façon com­plè­te­ment irréa­liste, de bri­der le déve­lop­pe­ment éco­no­mique, notam­ment dans le Tiers Monde, les voies qui s’offrent à nous pour maî­tri­ser les émis­sions de gaz à effet de serre relèvent du pro­grès tech­no­lo­gique, de choix de modes de vie et d’une meilleure orga­ni­sa­tion de la société.

En ce qui concerne le seul CO2 ce sont :

  • le choix de ser­vices moins consom­ma­teurs en éner­gie, par exemple le recours aux trans­ports col­lec­tifs de pré­fé­rence aux trans­ports individuels.
  • La recherche d’une meilleure effi­ca­ci­té éner­gé­tique dans le cadre d’un ser­vice ren­du iden­tique. C’est le cas de la pompe à cha­leur vis à vis du chauf­fage élec­trique par effet Joule.
  • L’u­ti­li­sa­tion d’éner­gies non-fos­siles : éner­gie hydrau­lique, éolienne ou solaire ou sans conte­nu en car­bone comme l’éner­gie nucléaire ou la géothermie.
  • La sub­sti­tu­tion d’éner­gie fos­sile riche en car­bone, par une autre moins riche, en allant des char­bons vers le pétrole puis le gaz naturel.
  • La récu­pé­ra­tion du car­bone à la che­mi­née ou l’é­chap­pe­ment en vue de son confi­ne­ment pour une très longue durée dans des struc­tures géo­lo­giques profondes.

A l’ex­cep­tion du pre­mier point cité, les autres font appel à un chan­ge­ment ou une adap­ta­tion des tech­no­lo­gies mises en oeuvre lors de la conver­sion ou de l’u­ti­li­sa­tion finale de l’éner­gie. Le comi­té de la recherche de l’IEA1 a pro­cé­dé à une consul­ta­tion inter­na­tio­nale pour iden­ti­fier les tech­no­lo­gies jugées pro­met­teuses pour la réduc­tion des émis­sions de gaz à effet de serre dans les vingt pro­chaines années. Le cata­logue de ces tech­no­lo­gies est impres­sion­nant, même si nombre d’entre elles éprouvent des dif­fi­cul­tés à péné­trer le mar­ché, notam­ment pour des rai­sons économiques.

Il existe en effet un lien étroit entre la réduc­tion des émis­sions de gaz à effet de serre et les éco­no­mies d’éner­gie pri­maire, car les émis­sions de gaz car­bo­nique – 65% de l’ef­fet de serre – sont pro­por­tion­nelles à l’éner­gie fos­sile consom­mée. Après prise en compte des contraintes tech­niques et des coûts résul­tant de la mini­mi­sa­tion des émis­sions mineures, le pro­blème de la réduc­tion des émis­sions se confond pour une large part avec celui des éco­no­mies d’éner­gie fossile

Ne pou­vant être exhaus­tif, j’ai fait le choix de pré­sen­ter le cas de quelques tech­no­lo­gies émer­gentes dans le domaine de la pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té, et d’in­di­quer leurs pos­si­bi­li­tés en termes d’é­co­no­mie d’éner­gie ou de substitution.

Or un effort consi­dé­rable de recherche et de déve­lop­pe­ment a été pour­sui­vi par­tout dans le monde entre 1973, année du pre­mier choc pétro­lier et la fin des années 80, époque où la baisse du prix des éner­gies fos­siles a décou­ra­gé à la fois la recherche et les inves­tis­se­ments dans les nou­velles tech­no­lo­gies. Seule dif­fé­rence notable, la sub­sti­tu­tion du pétrole par le char­bon, encou­ra­gée dans les années 70, est deve­nue contraire au but qui est pour­sui­vi main­te­nant. D’une manière géné­rale, il existe un por­te­feuille de tech­no­lo­gies qui est mobi­li­sable à moyen terme sous la réserve éven­tuelle d’un déve­lop­pe­ment de pro­duits actua­li­sés et d’une mise en place d’in­ci­ta­tions fis­cales ou réglementaires.

L’énergie nucléaire

L’ap­port des tech­no­lo­gies pour réduire les émis­sions de gaz à effet de serre concerne évi­dem­ment la sub­sti­tu­tion d’éner­gie, de celles riches en car­bone vers celles qui en sont exemptes. Se pose alors immé­dia­te­ment la ques­tion de l’a­ve­nir de l’éner­gie nucléaire.

La cen­trale à fis­sion nucléaire est le seul moyen de pro­duc­tion cen­tra­li­sé d’élec­tri­ci­té, avec la grande hydrau­lique, qui ne rejette pas de gaz à effet de serre.

Elle dépend d’une res­source fos­sile (l’u­ra­nium natu­rel), mais en cas de besoin l’u­ti­li­sa­tion du tho­rium pour­rait être envi­sa­gée et les filières sur­gé­né­ra­trices per­met­traient de divi­ser dans un rap­port 100 le besoin d’u­ra­nium fos­sile (et par consé­quent de faire pas­ser d’en­vi­ron 100 ans à quelques mil­liers d’an­nées l’ho­ri­zon d’utilisation).

En 1999, la puis­sance totale ins­tal­lée dans le monde était de 355 GW, mais le déve­lop­pe­ment en est pra­ti­que­ment stop­pé par­tout à l’ex­cep­tion du Japon, de la Corée et de la Rus­sie. Sauf revi­re­ment majeur dans l’o­pi­nion, une telle situa­tion devrait se pour­suivre pour plu­sieurs décen­nies. Aus­si, sur la base des pré­vi­sions actuelles, la puis­sance élec­tro­nu­cléaire mon­diale ne devrait pas dépas­ser 379 GW en 2015, soit une aug­men­ta­tion modeste de 6,6 %.

Les rai­sons don­nées pour cette désaf­fec­tion sont de plu­sieurs natures :

  • le manque de com­pé­ti­ti­vi­té dans cer­tains contextes de l’élec­tri­ci­té nucléaire,
  • la crainte des acci­dents après celui de Three Miles Islands aux Etats-Unis et de Tcher­no­byl en URSS.
  • l’in­cer­ti­tude sur la ges­tion des déchets radio­ac­tifs à haute acti­vi­té et à vie longue liée à la réti­cence du public vis à vis des sto­ckages sou­ter­rains de déchets nucléaires.
  • les obs­tacles à l’ex­por­ta­tion : les cen­trales nucléaires ne peuvent être construites que dans les pays ayant à la fois la culture tech­no­lo­gique et la sta­bi­li­té poli­tique. De plus les pou­voirs poli­tiques des pays expor­ta­teurs, signa­taires du Trai­té de Non Pro­li­fé­ra­tion Nucléaire, estiment que ces pays ne doivent avoir aucune ten­ta­tion de déve­lop­per des armes nucléaires.

En évo­lu­tion ten­dan­cielle, il y aura peu de nou­velles sub­sti­tu­tions d’éner­gie vers l’éner­gie nucléaire dans le monde au cours des vingt pro­chaines années.

En ce qui concerne la France, au prix d’une exten­sion de durée des cen­trales à 40 ou 45 ans, le parc actuel de cen­trales res­te­ra pro­ba­ble­ment inchan­gé jus­qu’à 2020, ce qui donne le temps de faire les meilleurs choix pour l’a­ve­nir du nucléaire.

Il pour­rait en effet être néfaste de renon­cer à l’ac­quis indus­triel de l’éner­gie nucléaire, sous pré­texte de l’im­per­fec­tion de sa pre­mière géné­ra­tion. Il semble néces­saire de mener des recherches en vue de pour­suivre l’a­mé­lio­ra­tion de la sûre­té des réac­teurs nucléaires et des sto­ckages, d’une part et de déve­lop­per de nou­velles filières de réac­teurs limi­tant la pro­duc­tion de déchets radio­ac­tifs, d’autre part.

La substitution vers le gaz naturel.

La sub­sti­tu­tion du char­bon ou du pétrole par le gaz natu­rel offre de grands avan­tages en matière de pol­lu­tion. Le gaz natu­rel ne contient ni soufre, ni azote, ni métaux lourds. Sa com­po­si­tion offre le plus grand nombre d’a­tomes d’hy­dro­gène par atome de car­bone. Sa com­bus­tion pro­duit rela­ti­ve­ment moins de gaz car­bo­nique et seule­ment des NOx résul­tant de la com­bi­nai­son de l’a­zote et de l’oxy­gène de l’air dans la flamme, comme le montre le tableau 1.

Le rem­pla­ce­ment du char­bon par le gaz sera donc accom­pa­gné par une réduc­tion de 40 % de l’é­mis­sion de gaz car­bo­nique et le rem­pla­ce­ment du pétrole par une réduc­tion de 25%.

L’u­ti­li­sa­tion du gaz per­met en outre le recours à une solu­tion tech­nique par­ti­cu­liè­re­ment per­for­mante : la tur­bine à cycle com­bi­né asso­ciant une tur­bine à gaz et une tur­bine à vapeur. Ces cen­trales attein­dront pro­chai­ne­ment des ren­de­ments indus­triels de 60 % et leurs coûts de construc­tion sont très infé­rieurs à ceux des cen­trales ther­miques conventionnelles.

Or 39 % de l’élec­tri­ci­té est pro­duite dans le monde à par­tir de char­bon et 9% à par­tir de pétrole. Dans de nom­breux pays, la pro­duc­tion de l’élec­tri­ci­té s’ap­puie en majo­ri­té sur le char­bon : 75% en Chine, 53 % aux Etats-Unis, 55% en Alle­magne, etc. Dans d’autres pays, c’est le pétrole qui est domi­nant, par exemple en Ita­lie avec 49%. Pour eux, l’in­té­rêt du pas­sage au gaz natu­rel est évident à court terme.

TABLEAU 1​
Ga​z naturel Pétrole Char­bon
Gaz ca​rbonique 1 1,3 1,7
Oxydes d’a­zote 1 1,5 à 2 2,5
Émis­sions com­pa­rées dans une appli­ca­tion ther­mique typique, nor­mées à 1 pour
le gaz.

Dans ces pays, l’obs­tacle prin­ci­pal pour la moder­ni­sa­tion des parcs de pro­duc­tion élec­trique est sim­ple­ment la durée de vie de ces parcs. L’Eu­rope de l’Ouest dis­pose d’une sur­ca­pa­ci­té de pro­duc­tion et de nom­breuses cen­trales récentes ; toutes choses égales par ailleurs il fau­drait vrai­sem­bla­ble­ment plu­sieurs décen­nies pour consta­ter un chan­ge­ment. La situa­tion aux États-Unis est plus favo­rable : Ils auraient 52 GW de cen­trales nucléaires et 73 GW de cen­trales conven­tion­nelles arri­vant en fin de vie théo­rique entre 2000 et 2020. Mais leur vie pra­tique ne sera-t-elle pas plus longue ?

L’amélioration de la combustion du charbon

Mal­gré tous les avan­tages rela­tifs du gaz natu­rel, l’u­ti­li­sa­tion du char­bon pour la pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té, les uti­li­sa­tions indus­trielles lourdes et la four­ni­ture de cha­leur à des réseaux urbains aura natu­rel­le­ment ten­dance à se pour­suivre. Les réserves sont en effet abon­dantes, le prix du char­bon est bas et stable et le gaz natu­rel n’est pas une res­source universelle.

Face à cette situa­tion, le déve­lop­pe­ment de cen­trales à char­bon de ren­de­ment éner­gé­tique amé­lio­ré et doté de dis­po­si­tifs de puri­fi­ca­tion des gaz de com­bus­tion s’imposait.

La pre­mière réponse a été le déve­lop­pe­ment des cen­trales à char­bon pul­vé­ri­sé avec injec­tion de cal­caire ou de chaux pour fixer le soufre, ce qui est d’ailleurs défa­vo­rable sur le plan des émis­sions de gaz car­bo­nique. Leur ren­de­ment com­mer­cial qui pla­fon­nait à 39 %, attein­drait jus­qu’à 47 % dans les cen­trales » super cri­tiques » en cours de déve­lop­pe­ment. Ces cen­trales sont dotées d’un trai­te­ment éla­bo­ré des gaz de fumée : désul­fu­ra­tion et réduc­tion cata­ly­tique des NOX, qui aug­mente beau­coup leur coût et leur complexité.

Une autre voie est l’u­ti­li­sa­tion de chau­dières à lit flui­di­sé, qui per­mettent d’a­bais­ser la tem­pé­ra­ture de com­bus­tion ce qui limite la pro­duc­tion de NOx. Deux cen­trales de ce type ont été construites en France.

Les cen­trales les plus com­plexes qui sont au stade de la démons­tra­tion com­mer­ciale, uti­lisent la gazéi­fi­ca­tion préa­lable du char­bon à l’air ou l’oxy­gène et à l’eau. Le gaz de syn­thèse issu du gazéi­fieur après être trai­té chi­mi­que­ment pour reti­rer le soufre, ali­mente un cycle com­bi­né. Cette cen­trale IGCC, mal­gré une auto­con­som­ma­tion de 5% (oxy­gène, gazéi­fieur), peut atteindre un ren­de­ment supé­rieur à 50%.

Il est pro­bable que ces cen­trales à char­bon à haute per­for­mance trou­ve­ront leur place d’a­bord aux Etats-Unis qui dis­posent à la fois de gise­ments de char­bon à bon mar­ché et de la capa­ci­té finan­cière pour en sup­por­ter le sur­coût ini­tial d’in­ves­tis­se­ment des centrales.

Par contre, c’est plus incer­tain en ce qui concerne les pays ayant de grands besoins de déve­lop­pe­ment pour qui le char­bon est une éner­gie domes­tique. Le char­bon per­met de pro­duire 75% de l’élec­tri­ci­té en Chine et 73 % en Inde. Ces deux pays auront-ils la volon­té et les moyens pour rete­nir des inno­va­tions tech­no­lo­giques qui apportent seule­ment, nous l’a­vons vu 20 % de réduc­tion des émis­sions de carbone ?

Les piles à combustible

Une pile à com­bus­tible est un sys­tème élec­tro­chi­mique dans lequel un élec­tro­lyte qui donne le nom au type de pile, assure le trans­port d’ions entre deux élec­trodes. Les réac­tions d’oxy­da­tion par l’air et de réduc­tion par le com­bus­tible se pro­duisent au contact des élec­trodes, qui sont des conduc­teurs poreux. Un cata­ly­seur impré­gnant les élec­trodes aug­mente la ciné­tique des réactions.

Cette tech­no­lo­gie a été ima­gi­née au XIXe siècle, et a été déve­lop­pée pour la conquête de la lune durant les années soixante avec l’hy­dro­gène comme com­bus­tible. Ses qua­li­tés poten­tielles ont jus­ti­fié depuis 15 ans des pro­grammes de recherche très sou­te­nus au Japon et aux État Unis et un sou­tien plus modeste de la DG12 de l’U­nion européenne.

Au delà de la filière spa­tiale uti­li­sant un élec­tro­lyte basique, des décen­nies de recherche ont abou­ti à la sélec­tion de quatre sys­tèmes (tableau 2).

Il est main­te­nant acquis que les piles à com­bus­tibles ont bien les qua­li­tés mises en avant par leurs pro­mo­teurs : ren­de­ment élec­trique éle­vé 40 à 55% même en faible puis­sance et en charge par­tielle, très faibles rejets de gaz pol­luants locaux (CO ou NOx) et apti­tude à la co-géné­ra­tion y com­pris en milieu résidentiel.

Les piles PEFMC et PAFC sont déjà com­mer­cia­li­sées. Un parc de 2000 MW de piles PAFC pour­rait être ins­tal­lé au Japon dans les pro­chaines années. Des pro­to­types de puis­sance uni­taire de 1 à 3 MW sont en essai aux Etats Unis et au Japon.

Les piles MCFC (ren­de­ment élec­trique de 50%) et SOFC (ren­de­ment : 55%) conviennent pour la co-géné­ra­tion et même pour la consti­tu­tion d’un cycle com­bi­né per­met­tant d’at­teindre un ren­de­ment glo­bal de 60% à 70%. Une pile MCFC de 2 MW est en cours d’es­sai en Califomie.

Wes­tin­ghouse déve­loppe un cycle com­bi­né de 1 MW (800 kW SOFC et 200 kW turbine).

Des pro­grès sont encore néces­saires pour réduire les coûts de construc­tion encore dis­sua­sifs et confir­mer la durée de vie des équipements.

TABLEAU 2​
Désignation​ Elec­tro­lyte Cata­ly­seur Tem­pé­ra­ture Appli­ca­tions Déve­lop­pe­ment
PEFMC Poly­mère pla­tine 100°C Espace, Auto­mo­bile Com­mer­cia­li­sé
PAFC Acide phos­pho­rique pla­tine 200°C Co-géné­ra­tion
MCFC Car­bo­nate fondu sans 650°C Co-géné­ra­tion cycle combiné Démons­tra­tion
SOFC Céra­mique zircone sans 800 – 1000 °C Co-géné­ra­tion cycle combiné Démons­tra­tion

Les éoliennes

Les éoliennes sont repré­sen­ta­tives des nou­velles sources de pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té uti­li­sant les éner­gies renou­ve­lables. En effet quoique les mou­lins à vent aient été uti­li­sés dès le Moyen Age, les éoliennes modernes sont des objets tech­niques ren­dus fai­sables par les pro­grès récents sur les maté­riaux com­po­sites et l’élec­tro­tech­nique. La majo­ri­té des éoliennes, éven­tuel­le­ment rac­cor­dées aux réseaux, ont des puis­sances uni­taires de 100 à 600 kW. Des machines de 1000 à 1500 kW sont en cours d’ins­tal­la­tion en Europe.

Le coût de l’éner­gie pro­duite est très dépen­dant de la dis­po­ni­bi­li­té du vent, mais il ne dépasse pas deux fois les coûts de pro­duc­tion des cen­trales uti­li­sant l’éner­gie fos­sile. Ceci lui per­met dès main­te­nant de rem­plir des niches de mar­ché et laisse espé­rer une ren­ta­bi­li­té dans le contexte d’un grand réseau d’i­ci une dizaine d’années.

D’a­près l’IEA, le parc mon­dial aurait une puis­sance de l’ordre de 10 GW avec une crois­sance très forte.

Les incon­nues pour le déve­lop­pe­ment des éoliennes sont la fai­sa­bi­li­té tech­nique d’in­té­grer dans les réseaux une part non négli­geable d’éner­gie dont la pro­duc­tion est aléa­toire et l’ac­cep­ta­tion sociale de la construc­tion de struc­tures métal­liques très visibles dans des sites (régions côtières, mon­tagnes) ayant sou­vent une voca­tion touristique.

La récupération et le stockage de CO2

Comme on l’a vu pré­cé­dem­ment, la pour­suite de l’u­ti­li­sa­tion du char­bon est incon­tour­nable et les gains de ren­de­ment pos­sibles sur la conver­sion du char­bon seront limi­tés et coû­teux. Aug­men­ter le ren­de­ment ther­mo­dy­na­mique d’une cen­trale de 40 à 50 % n’ap­porte qu’une réduc­tion de 20% des rejets de gaz carbonique.

Face à ce constat, l’i­dée de récu­pé­rer le CO2 pro­duit par les ins­tal­la­tions indus­trielles et de le sto­cker dans un envi­ron­ne­ment natu­rel (fond des océans ou for­ma­tion géo­lo­gique) a été pro­po­sée dès les années 70. La fai­sa­bi­li­té d’un grand nombre de variantes a été étu­dié. On peut en tirer plu­sieurs conclusions :

  • La com­plexi­té des ins­tal­la­tions néces­saires res­trein­drait l’u­ti­li­sa­tion éco­no­mique de ces pro­cé­dés aux cen­trales élec­tro­gènes de grande puis­sance ou à cer­taines ins­tal­la­tions indus­trielles (cimen­te­ries, hauts fourneaux)
  • La fai­sa­bi­li­té indus­trielle de la récu­pé­ra­tion du CO2 dans les fumées est acquise, mais les pro­cé­dés chi­miques ou phy­siques dis­po­nibles sont très coû­teux (40 à 50$ par tonne de CO2). L’in­té­gra­tion de la récu­pé­ra­tion dans des cen­trales avec gazéi­fi­ca­tion du char­bon à l’oxy­gène pour­rait divi­ser ce coût par deux.
  • La cap­ture du CO2 est coû­teuse en inves­tis­se­ment mais aus­si en éner­gie, entraî­nant une sur­con­som­ma­tion de com­bus­tible allant de 31 % avec les pro­cé­dés chi­miques à 18% avec les tech­no­lo­gies inté­grées les plus avancées.
  • Le sto­ckage dans les fonds océa­niques est une solu­tion intel­lec­tuel­le­ment satis­fai­sante, car elle consiste à accé­lé­rer un pro­ces­sus natu­rel, mais inac­cep­table pour les défen­seurs de l’en­vi­ron­ne­ment en rai­son de ses effets poten­tiels sur la faune et la flore de océans. Elle est aus­si très coû­teuse : les zones de pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té sont rare­ment proches des grands fonds marins.
  • Le sto­ckage dans les gise­ments épui­sés d’hy­dro­car­bures ou dans des aqui­fères pro­fonds est expé­ri­men­té par STATOIL en Mer du Nord qui ré-injecte, à par­tir d’une plate-forme, le gaz car­bo­nique sépa­ré du gaz natu­rel qu’il exploite à un autre niveau. La capa­ci­té totale de sto­ckage dans les gise­ments d’hy­dro­car­bures connus serait de 16 giga­tonnes de car­bone. La capa­ci­té des aqui­fères serait, avec beau­coup d’in­cer­ti­tude, de 80 giga­tonnes. Dans les cas favo­rables, le coût du trans­port et du sto­ckage est esti­mé à 25$ la tonne de CO2.

En conclu­sion, l’é­mer­gence de cette tech­no­lo­gie au cours du vingt et unième siècle est plau­sible mais devrait res­ter mar­gi­nale dans des pays où des condi­tions favo­rables seraient rem­plies, par exemple les pays rive­rains de la mer du Nord qui sont grands consom­ma­teurs de char­bon. Ce n’est pas une solu­tion miracle uni­ver­selle. Un gros incon­vé­nient, dif­fi­cile à contour­ner, est le coût éner­gé­tique de la récu­pé­ra­tion accrois­sant la pres­sion sur les res­sources fossiles.

Conclusion

Ce regard non exhaus­tif sur les tech­no­lo­gies de pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té fait appa­raître les points forts et les points faibles typiques de l’ap­port des tech­no­lo­gies à la réduc­tion des émis­sions de gaz carbonique.

Le gaz natu­rel, là où il est dis­po­nible, est le grand gagnant à court terme de cet exa­men. Il s’a­git tou­te­fois d’une solu­tion qui est loin d’être une solu­tion miracle, car son uti­li­sa­tion pro­duit tou­jours des quan­ti­tés signi­fi­ca­tives de CO2, et il s’a­git d’une res­source non renou­ve­lable, avec un hori­zon de visi­bi­li­té qui est du même ordre de gran­deur que celui du pétrole (un peu moins d’un siècle à consom­ma­tion constante).

Les cen­trales à cycle com­bi­né au gaz natu­rel sont cepen­dant pré­fé­rables aux cen­trales à char­bon sur tous les plans : moins d’in­ves­tis­se­ment, un meilleur ren­de­ment et des émis­sions de gaz à effet de serre très infé­rieures. Le gaz natu­rel est aus­si le com­bus­tible de choix pour la co-géné­ra­tion et la pro­duc­tion décen­tra­li­sée dans les pays indus­tria­li­sés, là où existe un réseau de dis­tri­bu­tion de gaz, mais si le bilan en gaz à effet de serre est bon avec le char­bon, il est mau­vais avec le nucléaire.

Les éoliennes sont l’une des réus­sites tech­niques des éner­gies renou­ve­lables, mais leur inser­tion dans le sys­tème éner­gé­tique n’est pas tota­le­ment réso­lue (inter­mit­tence, encom­bre­ment). Ce cas est repré­sen­ta­tif de la situa­tion des éner­gies renou­ve­lables. Ces éner­gies béné­fi­cient d’un pré­ju­gé favo­rable. Mais il est encore dif­fi­cile de juger des obs­tacles que leur dépen­dance vis à vis des res­sources natu­relles, leurs exi­gences d’u­sage des sols et leur impact sur l’en­vi­ron­ne­ment feront peser sur leur déve­lop­pe­ment, au delà d’une uti­li­sa­tion marginale.

Le cas du char­bon illustre les limites du pro­grès tech­no­lo­gique pur quand il n’y a pas sub­sti­tu­tion mais simple amé­lio­ra­tion. Les solu­tions tech­no­lo­giques pour réduire les émis­sions de gaz à effet de serre du char­bon et des pro­duits pétro­liers lourds sont d’une effi­ca­ci­té limi­tée à 20% et exigent des inves­tis­se­ments par­ti­cu­liè­re­ment coû­teux. Par ailleurs la voie du sto­ckage du gaz car­bo­nique appa­raît éga­le­ment coû­teuse et réser­vée à des sites particuliers.

Ces remarques faites sur les tech­no­lo­gies lourdes de pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té peuvent en fait assez faci­le­ment être extra­po­lées à d’autres sources majeures d’é­mis­sion. Mal­gré des suc­cès ponc­tuels comme les cycles com­bi­nés et les piles à com­bus­tible, il faut consi­dé­rer avec modes­tie l’ap­port du pro­grès tech­no­lo­gique pour la réduc­tion des émis­sions des gaz à effet de serre dans le monde.

Pour maî­tri­ser ces émis­sions, les plus grands pro­grès, donc les plus grands efforts, devront être faits au niveau de l’u­ti­li­sa­tion ration­nelle de l’éner­gie par le choix des infra­struc­tures, des équi­pe­ments et des com­por­te­ments les plus per­for­mants de ce point de vue.

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1. Inter­na­tio­nal Ener­gy Agency

Réfé­rences1 The role of tech­no­lo­gy in redu­cing ener­gy-rela­ted green­house emis­sions Juin Com­mit­tee on Ener­gy research and tech­no­lo­gy – June 1999 Inter­na­tio­nal Ener­gy Agency
2 Natu­ral gaz in power gene­ra­tion – Guy MAISONNIER Februa­ry 1999 – CEDIGAZ

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