L’ARE : un acteur incontournable de la prévention des difficultés des entreprises
Depuis 2020, l’Association pour le Retournement des Entreprises (ARE), forte de ses 270 membres, a su se renouveler pour maintenir son engagement, ses actions et son implication dans l’écosystème du restructuring malgré la crise. Le point avec Virginie Verfaillie Tanguy, Présidente de l’ARE.
Quelles sont vos missions ?
Depuis 2002, nous regroupons les professionnels (avocats, conseils financiers et opérationnels, mandataires ad hoc/conciliateurs, banquiers, fonds d’investissement, managers de crise, communicants…) impliqués de façon régulière dans les opérations de retournement, de refinancement ou de restructuration.
Notre première mission est de promouvoir les mesures de prévention des difficultés des entreprises, qui peuvent consister à restructurer une entreprise ou à négocier des dettes. Dans ce cadre, nous menons de nombreux travaux en comités ou au sein du think tank de l’ARE sur les lois, les techniques, les pratiques nécessaires à la sortie de crise… L’idée est véritablement d’être en veille permanente pour contribuer et participer à la définition des nouveaux cadres et solutions, y compris sur le plan législatif. Cela se traduit par des articles, des propositions, des colloques en partenariat avec des tribunaux de commerce ou encore des formations.
Nous avons un comité qui se concentre sur les partenariats universitaires au travers duquel nous intervenons dans les grandes écoles et universités. C’est un levier important qui nous permet de diffuser notre expérience et de promouvoir ces solutions de prévention.
Grâce à un comité dédié, nous proposons également des formations qui sont ouvertes aux membres et à leurs collaborateurs. Nous réalisons également des formations en partenariat avec d’autres associations.
Au travers de notre think tank, nous travaillons sur la convergence des différents cadres dans lesquels ces entreprises en crise évoluent. Notre rôle est de contribuer à une réflexion commune avec une dimension internationale et de valorisation des bonnes pratiques.
Cette année est marquée par une mobilisation et une implication très forte de l’ARE dans la gestion de sortie de crise. Qu’en est-il ?
L’ARE est l’un des signataires du plan d’action sur l’accompagnement des entreprises en sortie crise publié le 1er juin dernier et porté par les ministères de l’Économie et des Finances, et de la Justice. À nos côtés, on retrouve ainsi parmi les principaux signataires l’État, l’URSSAF, la DGFIP, la Banque de France, BpiFrance, le médiateur du crédit, le médiateur des entreprise, la Fédération bancaire française, le Mouvement des entreprises de France, l’Union des entreprises de proximité, le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire, le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, l’Ordre des experts-comptables, la Confédération des petites et moyennes entreprises, l’Association française des entreprises privées, le Conseil national des barreaux, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, l’Association syndicale professionnelle des administrateurs judiciaires…
Le principal volet du plan tourne autour de la détection précoce des difficultés des entreprises avec le développement d’un algorithme par la DGFIP et la Direction générale des entreprises à Bercy afin d’avoir une meilleure identification de ces entreprises et un « scoring » sur lequels un représentant de l’État pourra s’appuyer pour contacter les chefs d’entreprises concernés et leur proposer une solution adaptée.
Dans le cadre du plan, les différents conseils s’engagent à proposer à leurs clients des diagnostics à des prix accessibles. Il met également en place une boîte à outils financière avec notamment la prolongation de la disponibilité des PGE (Bruno Le Maire a même annoncé une nouvelle prolongation jusque fin juin 2022) et des instruments de soutien à l’export, la prorogation des prêts à taux bonifiés ou d’avances remboursables jusqu’au 31 décembre 2021 ; un fonds de transition pour les entreprises de taille significative de 3 milliards d’euros ; un aménagement des dettes sociales et fiscales qui peut aller jusque 48 mois pour les entreprises importantes…
Le plan prévoit également un maillage territorial avec des comités départementaux de sortie de crise qui regroupent les principaux acteurs territoriaux (États, caisses sociales, organisations patronales, banques, tribunaux du commerce…).
L’ARE fait partie de ces comités grâce aux nouveaux membres que nous accueillons en région. Au niveau juridique, le plan d’action a mis en place une procédure originale et attractive : un mandat ad hoc de sortie de crise pour faciliter la re-négociation des dettes des petites entreprises ainsi qu’une procédure dite de « traitement de sortie de crise » d’une durée de trois mois réservée aux entreprises de moins de 20 salariés et dont le total du passif « hors capitaux propres » est inférieur à 3 millions d’euros, permettant au tribunal d’étaler le passif sur un délai maximum de 10 ans.
Avec ce plan, nous assistons à un renversement des cultures avec l’État qui est à l’écoute et qui va au-devant des entreprises en difficulté qui ne sont plus seulement perçues comme des contribuables, mais comme des entités qu’il faut soutenir en cette période de sortie de crise.
Si les entreprises bénéficient de l’ensemble de ces mesures d’accompagnement et de soutien qui font leur preuve, elles sont toutefois confrontées à des problématiques propres à ce contexte de reprise : disponibilité de la main d’œuvre, augmentation du prix des matières premières, raréfaction du transport et augmentation du coût, difficulté d’approvisionnement…
Comment appréhendez-vous ce contexte au sein de l’ARE ?
Depuis le début de la crise, l’activité des acteurs du redressement et du retournement des entreprises s’est plus portée sur la prévention et le M&A que sur les procédures collectives type sauvegarde ou redressement judiciaire. En effet, les mesures gouvernementales de soutien aux entreprises ont permis de contenir significativement les défaillances. D’ailleurs, le taux d’entreprises en redressement ou en sauvegarde a considérablement baissé en 2020 par rapport à 2019. L’activité de prévention est, quant à elle, restée constante, voire a augmenté si on considère le nombre de salariés concernés. Et les opérations de M&A, notamment de cession d’entreprises ont fortement augmenté avec des cabinets qui ont même renforcé leurs équipes.
Aujourd’hui, nous sommes bien évidemment mobilisés autour de la promotion des différents dispositifs et mesures portés par l’État notamment dans le cadre du plan d’action précédemment mentionné, mais nous travaillons aussi sur la nécessité de sensibiliser les entreprises à l’importance de s’organiser en amont afin d’être en mesure de rembourser les PGE ou d’étaler les échéances si besoin.
Enfin, nous nous renforçons aussi avec de nouveaux partenariats universitaires notamment avec l’université Panthéon-Assas Paris-II ou encore Lyon-III. Nous développons nos groupes de travail avec une implication et une participation toujours plus fortes de nos membres qui participent à l’effort collectif en cette période de sortie de crise.
L’ordonnance du 15 septembre dernier est venue réformer le droit des entreprises en difficulté en transposant en droit français la directive européenne « Restructuration et Insolvabilité », mais également en pérennisant des règles prévues par les ordonnances prises pendant la crise. Que faut-il en retenir ?
Nous avons été consultés en amont puis dans le cadre de la consultation publique. Nous considérons que cette évolution législative va modifier les équilibres entre les différentes parties prenantes avec un pouvoir plus important octroyé aux créanciers.
Elle comporte également une amélioration au bénéfice de la caution personne physique qui, pour les procédures ouvertes depuis le 1er octobre 2021, va pouvoir bénéficier des délais du plan arrêté en redressement judiciaire et plus seulement en plan de sauvegarde. On retrouve aussi une pérennisation des dispositions qui facilitent, en conciliation, l’octroi de délais pouvant aller jusque 24 mois…
Malgré le contexte, l’ARE a organisé la 11e édition de son Prix Ulysse. Comment cela s’est-il passé et qui sont les lauréats en 2021 ?
Depuis 2011, le prix Ulysse récompense le meilleur retournement d’entreprise. C’est un prix qui vient distinguer une entreprise qui aura non seulement effectué un retournement spectaculaire, mais également inscrit son redressement dans la durée et donné un nouvel élan à son activité. Toutes les composantes (sociales, industrielles et financières) sont prises en compte pour l’attribution de ce prix. La cérémonie de remise du prix Ulysse, organisée chaque année au premier trimestre, est un événement de prestige qui rassemble entreprises, professionnels du retournement, personnalités du monde des affaires et représentants des pouvoirs publics. Pour cette 11e édition, nous avons filmé la cérémonie dans un studio télé et retransmis en direct le prix Ulysse ce qui nous a permis de toucher une plus grande audience. Les délibérations du jury se sont, quant à elles, tenues en visio.
Sous le parrainage du Garde des Sceaux, le prix Ulysse 2021 a été remis à Vertbaudet, une marque emblématique de la vente à distance de produits destinés aux enfants. L’entreprise qui faisait de la vente sur catalogue a opéré une transformation remarquable en changeant totalement son modèle et en faisant le pari risqué de tout miser sur le digital. Dans le monde du retournement, la plus grande difficulté est justement de se remettre totalement en question et changer son modèle. En récompensant Vertbaudet, nous mettons à l’honneur cette belle réussite qui est une véritable source d’inspiration dans ce contexte de crise.
Le prix des lecteurs du magazine Challenges a été remis à CÔTE, une entreprise de Rhône-Alpes, spécialisée dans le génie électrique et les automatismes. Très reconnue pour son savoir-faire, elle a dû faire face à une crise dont elle est sortie brillamment. Après un plan de sauvegarde de 10 ans, l’entreprise a remboursé l’ensemble de ses dettes et renoue avec la croissance. C’est un très bel exemple de résilience qui force l’admiration.
Et parmi les nominés, il y avait également ASI Innovation, un groupe qui opère dans le secteur de l’avionique, et qui a su se séparer d’une activité en perte de vitesse pour sauver l’entreprise.