L’ART, Autorité de Régulation des Télécommunications

Dossier : Télécommunications : la libéralisationMagazine N°585 Mai 2003
Par Jean-Michel HUBERT (59)

La loi de régle­men­ta­tion des télé­com­mu­ni­ca­tions de 1996 a été inno­vante à plus d’un titre ; non seule­ment elle met­tait fin au mono­pole des télé­com­mu­ni­ca­tions vieux de plus d’un siècle, mais elle met­tait aus­si en place une nou­velle méthode de ges­tion d’un sec­teur éco­no­mique : la régu­la­tion exer­cée par un régu­la­teur indé­pen­dant du gou­ver­ne­ment, dont les mis­sions et les moyens sont décrits ci-après.

Objectifs et missions de la régulation

Le 1er jan­vier 1998, le sec­teur des télé­com­mu­ni­ca­tions s’ou­vrait à une concur­rence totale en France comme dans la plu­part des États membres de l’U­nion euro­péenne. Si l’en­semble des prin­cipes per­met­tant la libé­ra­li­sa­tion a été posé à l’é­che­lon com­mu­nau­taire, leur appli­ca­tion au plan natio­nal a éga­le­ment tenu compte de la situa­tion et de l’his­toire de chaque pays.

En France, le pro­ces­sus s’est carac­té­ri­sé par un sou­ci de s’en­ga­ger réso­lu­ment dans le mou­ve­ment de la concur­rence, tout en assu­mant les exi­gences d’un ser­vice public qui a lar­ge­ment contri­bué à la moder­ni­sa­tion de notre pays et à l’a­mé­na­ge­ment de notre ter­ri­toire. L’or­ga­ni­sa­tion ins­ti­tu­tion­nelle de ce dis­po­si­tif s’ins­crit dans la loi du 26 juillet 1996 qui a trans­po­sé en droit fran­çais les direc­tives com­mu­nau­taires en vue de l’ou­ver­ture com­plète du mar­ché à la concurrence.

La loi pose trois prin­cipes fon­da­men­taux qui déter­minent lar­ge­ment la phy­sio­no­mie actuelle et future du mar­ché des télécommunications.

Pre­mier prin­cipe : les acti­vi­tés de télé­com­mu­ni­ca­tions s’exercent libre­ment. L’ap­pa­rente sim­pli­ci­té de cette affir­ma­tion cache mal la com­plexi­té de son appli­ca­tion. Dans un sec­teur où la plu­part des pays du monde connaissent ou ont connu une situa­tion de mono­pole, l’exer­cice de la concur­rence sup­pose des mesures spé­ci­fiques pour garan­tir la concur­rence par­fois ins­tal­lée, sou­vent encore émergente.

► Deuxième prin­cipe : la loi réaf­firme l’exis­tence d’un ser­vice public des télé­com­mu­ni­ca­tions, dont la prin­ci­pale com­po­sante est le ser­vice uni­ver­sel, qui se défi­nit comme la four­ni­ture à tous d’un ser­vice télé­pho­nique de qua­li­té, à prix abordable.

► Troi­sième et der­nier prin­cipe : la fonc­tion de régu­la­tion est indé­pen­dante de la fonc­tion d’ex­ploi­ta­tion. Comme le pré­voient les direc­tives euro­péennes, la loi éta­blit un dis­po­si­tif de régu­la­tion du sec­teur. Pour que cette régu­la­tion soit assu­rée de manière objec­tive et équi­table, il faut que l’or­ga­nisme qui en est char­gé soit indé­pen­dant à l’é­gard de l’en­semble des opé­ra­teurs de télé­com­mu­ni­ca­tions et en par­ti­cu­lier de l’o­pé­ra­teur his­to­rique. Comme dans la majeure par­tie des pays euro­péens, la loi fran­çaise s’est réso­lu­ment enga­gée dans l’ap­pli­ca­tion de ce prin­cipe avec la créa­tion de l’Au­to­ri­té de régu­la­tion des télécommunications.

La loi défi­nit ain­si les objec­tifs de la régulation :

► favo­ri­ser l’exer­cice au béné­fice des uti­li­sa­teurs d’une concur­rence effec­tive, loyale et durable. Ce prin­cipe est fon­da­men­tal ; il signi­fie que la concur­rence n’est pas une fin en soi ; l’é­ta­blis­se­ment d’une concur­rence loyale n’est qu’un moyen au ser­vice de l’in­té­rêt des consommateurs ;

► veiller au déve­lop­pe­ment de l’emploi, de l’in­no­va­tion et de la com­pé­ti­ti­vi­té dans le sec­teur des télé­com­mu­ni­ca­tions. L’exer­cice de la concur­rence est subor­don­né à une fina­li­té éco­no­mique ; la concur­rence ne vaut que si elle est un fac­teur de crois­sance du marché ;

► prendre en compte les inté­rêts des ter­ri­toires et des uti­li­sa­teurs dans l’ac­cès aux ser­vices et aux équi­pe­ments : l’é­qui­pe­ment du ter­ri­toire est une des mis­sions prin­ci­pales du régulateur.

L’ART a été créée le 5 jan­vier 1997, un an avant l’ou­ver­ture du mar­ché à la concur­rence. Elle tire en par­ti­cu­lier son indé­pen­dance des moda­li­tés de dési­gna­tion de ses membres. L’ART est com­po­sée d’un col­lège de cinq membres, non renou­ve­lables et non révo­cables, nom­més pour une durée de six ans. Trois d’entre eux sont dési­gnés par le Pré­sident de la Répu­blique et les deux autres par les Pré­si­dents des deux Assem­blées. Le col­lège s’ap­puie, pour pré­pa­rer ses déci­sions, sur une équipe d’en­vi­ron 150 personnes.

Champ et exercice de la régulation

À l’é­poque où la régu­la­tion a été ins­crite et défi­nie dans la loi, elle n’a­vait encore ni son sens dans un envi­ron­ne­ment éco­no­mique en pleine trans­for­ma­tion, ni sa place dans un pay­sage ins­ti­tu­tion­nel dubi­ta­tif. En un mot, elle était un objet juri­dique nou­veau, auquel il fal­lait don­ner la vie.

La notion de régulation

La régu­la­tion doit contri­buer à la visi­bi­li­té, en tra­çant le fil direc­teur le plus réa­liste, le plus com­pré­hen­sible et le plus por­teur pour le mar­ché. Elle le fait en rap­pro­chant deux finalités :

  • celle de la poli­tique publique, qui est sa réfé­rence et qu’elle met en œuvre ;
  • celle du mar­ché, syn­thèse de la réa­li­té conjonc­tu­relle et d’une pré­vi­sion raisonnable.

En gagnant sa légi­ti­mi­té, la notion de régu­la­tion a pu cepen­dant appa­raître por­teuse d’une cer­taine ambiguïté :

  • d’a­bord en dési­gnant une manière d’as­su­rer la maî­trise publique sur des ten­dances pro­fondes de l’é­co­no­mie et de répondre à la néces­si­té de régu­ler la mon­dia­li­sa­tion ; elle devien­drait ain­si syno­nyme d’ac­tion du gou­ver­ne­ment. Or, le rôle du régu­la­teur n’est pas de tra­cer le cap des poli­tiques publiques ou d’en défi­nir les contours. Par exemple, le main­tien d’un ser­vice public des télé­com­mu­ni­ca­tions et la défi­ni­tion du ser­vice uni­ver­sel sont des choix poli­tiques qui relèvent du débat démo­cra­tique et de la repré­sen­ta­tion nationale ;
  • mais éga­le­ment en confon­dant (ce que favo­rise la tra­duc­tion anglaise) les notions de régle­men­ta­tion et de régu­la­tion. Or la régu­la­tion est d’a­bord une fonc­tion de cata­lyse d’un sec­teur d’ac­ti­vi­té éco­no­mique, pour lui per­mettre d’at­teindre, au tra­vers de ses muta­tions, les fina­li­tés ou objec­tifs fixés par la poli­tique publique. Le régu­la­teur doit donc, en ajus­tant l’u­ti­li­sa­tion de ses divers moyens d’in­ter­ven­tion, favo­ri­ser un déve­lop­pe­ment dyna­mique qui ins­talle, pro­gres­si­ve­ment et dura­ble­ment, un véri­table état de concur­rence là où pré­va­lait aupa­ra­vant le mono­pole. C’est dire que son action est tour­née vers l’in­té­rêt du consom­ma­teur, qui doit accé­der à des offres de ser­vice plus diver­si­fiées et finan­ciè­re­ment plus attrayantes.

La méthode du régulateur

LEXIQUE DES SIGLES RENCONTRÉS DANS LES DIFFÉRENTS ARTICLES

ADSL : ASYMMETRIC DIGITAL SUBSCRIBER LINE
ART : AUTORITÉ DE RÉGULATION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
DSLAM : DIGITAL SUBSCRIBER LINE ACCESS MULTIPLEXER
FAI : FOURNISSEURS D’ACCÈS INTERNET
FCC : FEDERAL COMMUNICATIONS COMMISSION (ÉTATS-UNIS)
GPRS : GENERAL PACKET RADIO SERVICE : accès de trans­mis­sion de don­nées sur réseaux mobiles GSM limi­tée à 114 kbit/s.
IP : INTERNET PROTOCOL
ISP : INTERNET SERVICE PROVIDER
MVNO : MOBILE VIRTUAL NETWORK OPERATOR : four­nis­seurs de télé­pho­nie mobile louant le réseau d’un autre four­nis­seur (comme cela se pra­tique en télé­pho­nie inter­na­tio­nale où le client fran­çais par­ti à l’étranger uti­lise le réseau du pays où il vient d’arriver).
TIC : TECHNOLOGIE DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION
UMTS : UNIVERSAL MOBILE TELEPHONY SERVICE
WAP : WIRELESS ACCESS PROTOCOL : accès de don­nées sans fil à quelques kbit/s.
WIFI : WIRELESS FIDELITY

La régu­la­tion, c’est une méthode fon­dée sur la concer­ta­tion et la trans­pa­rence. Concer­ta­tion à tra­vers les tra­vaux des Com­mis­sions consul­ta­tives, les consul­ta­tions publiques et les groupes de tra­vail ; trans­pa­rence à tra­vers la publi­ca­tion sys­té­ma­tique des déci­sions, de lignes direc­trices ou de recommandations.

Cette approche est essen­tielle pour per­mettre au régu­la­teur de per­ce­voir les attentes des acteurs dans leur diver­si­té et construire une légi­ti­mi­té fon­dée sur une action aus­si per­ti­nente qu’im­par­tiale. Elle s’ins­crit par­fai­te­ment dans cette contrainte majeure qu’est le rap­port au temps.

Car le temps est, pour les acteurs du mar­ché, un para­mètre clé dont la prise en compte est déter­mi­nante pour l’ef­fi­ca­ci­té et la cré­di­bi­li­té de l’ac­tion du régu­la­teur. Si l’ho­ri­zon d’un inves­tis­se­ment n’est pas celui du court terme, il n’est en effet pas illi­mi­té : l’at­tente d’un retour finan­cier de l’in­ves­tis­se­ment par l’ac­cès à la ren­ta­bi­li­té ne sau­rait être éter­nelle du côté des finan­ceurs, de sorte qu’un mar­ché qui s’ou­vri­rait trop len­te­ment fini­rait par les décou­ra­ger, avec les consé­quences que l’on ima­gine sur les opé­ra­teurs. Le dos­sier de l’UMTS l’a suf­fi­sam­ment montré.

Le régu­la­teur agit par nature avec prag­ma­tisme et non par esprit de sys­tème. Face à une situa­tion constam­ment fluc­tuante où la conjonc­ture tech­no­lo­gique, éco­no­mique ou inter­na­tio­nale peut évo­luer rapi­de­ment, il doit s’ef­for­cer d’u­ti­li­ser avec luci­di­té toute la gamme des leviers dont il dispose.

L’ART a la chance d’a­voir été assez lar­ge­ment dotée à cet égard. Cer­tains de ses outils d’in­ter­ven­tion sont ori­gi­naux et souples, en par­ti­cu­lier la pro­cé­dure de règle­ment de litige, qui per­met de déga­ger, à par­tir d’un dif­fé­rend com­mer­cial entre deux par­ties, des solu­tions équi­li­brées qui auront ensuite voca­tion à se dif­fu­ser par le jeu du prin­cipe de non-dis­cri­mi­na­tion. D’autres sont plus clas­siques et plus lourds tels que la pro­cé­dure de sanc­tion, sou­mise dès l’o­ri­gine pour l’ART à la contrainte d’une mise en demeure préa­lable et plus récem­ment aux exi­gences de plus en plus strictes du droit à un pro­cès équi­table que les juris­pru­dences euro­péenne et natio­nale ont dégagées.

Mais la diver­si­té des registres d’in­ter­ven­tion donne au régu­la­teur des degrés de liber­té et des pos­si­bi­li­tés d’ar­bi­trage. C’est ain­si qu’au cours des der­nières années l’ART a obte­nu plu­sieurs baisses des charges de ter­mi­naux d’ap­pels fixes vers mobiles (de 15 % à 20 % par an pen­dant cinq ans), ou a réel­le­ment ouvert la voie au dégrou­page de la boucle locale, en s’ap­puyant selon les cir­cons­tances sur la concer­ta­tion entre opé­ra­teurs, sur un règle­ment de litige, sur des pou­voirs d’in­jonc­tion issus d’un règle­ment com­mu­nau­taire, voire sur l’ins­truc­tion de pro­cé­dures de sanction.

Cette marche inin­ter­rom­pue vers la concur­rence met le régu­la­teur des télé­com­mu­ni­ca­tions en rela­tion fré­quente avec le Conseil de la concur­rence. La loi a pré­vu un dis­po­si­tif clair, prag­ma­tique et effi­cace de sai­sine réci­proque sur les ques­tions inté­res­sant les deux par­ties ; il fonc­tionne har­mo­nieu­se­ment grâce à une com­pré­hen­sion par­ta­gée des enjeux et des approches de chacun.

L’impulsion vers le marché

La régu­la­tion n’a pas pour rôle de contraindre le mar­ché, mais de le libé­rer de ses contraintes, voire de ses contra­dic­tions internes ; elle ne se sub­sti­tue pas aux acteurs, mais elle faci­lite leur capa­ci­té d’intervention.

Elle n’est à cet égard pas indif­fé­rente à la situa­tion de ceux qui sont en dif­fi­cul­té et ne sau­rait s’ar­rê­ter au seul com­men­taire : » Ils ont pris leur res­pon­sa­bi­li­té, à eux de les assu­mer. » La régu­la­tion, c’est d’a­bord une approche d’é­qui­té. L’ob­jec­tif de concur­rence durable est plus que jamais d’ac­tua­li­té ; il passe par le main­tien d’ac­teurs viables par-delà les crises qui affectent le secteur.

La régu­la­tion, conduite par une ins­ti­tu­tion de l’É­tat, vise fon­da­men­ta­le­ment à don­ner un nou­veau visage à son action pour déve­lop­per une capa­ci­té effec­tive d’in­fluence sur des pro­ces­sus éco­no­miques com­plexes, met­tant en jeu des inté­rêts col­lec­tifs. Le rôle du régu­la­teur est à cet égard plei­ne­ment com­plé­men­taire de celui des pou­voirs publics tra­di­tion­nels au sein de l’or­ga­ni­sa­tion de l’État.

La régu­la­tion, c’est en défi­ni­tive une forme nou­velle, ins­ti­tu­tion­nelle et prag­ma­tique, de rela­tion entre l’É­tat et le mar­ché. Elle est plus ouverte dans ses ana­lyses, plus souple dans ses méthodes et plus rapide dans ses pro­cé­dures. En ce sens, elle apporte une forme de moder­ni­té à l’ac­tion publique.

Un premier bilan et de nouvelles perspectives pour la régulation

Selon une expres­sion lar­ge­ment par­ta­gée, l’ART est aujourd’­hui soli­de­ment ins­crite dans le pay­sage ins­ti­tu­tion­nel fran­çais ; et pour­tant sa tâche est loin d’être ache­vée. L’in­ten­si­té du tra­vail accom­pli depuis jan­vier 1997 est géné­ra­le­ment recon­nue mais ne sau­rait se limi­ter au seul nombre de ses déci­sions et avis, près de 6 500 en six ans.

L’es­sen­tiel est que l’ef­fort de l’ART lui donne d’ores et déjà une réelle cré­di­bi­li­té en France même et un rayon­ne­ment effec­tif sur le plan inter­na­tio­nal, par la mise en place de pro­ces­sus de concer­ta­tion et de déci­sion ori­gi­naux, par l’ex­pres­sion d’une doc­trine néces­sai­re­ment évo­lu­tive à l’in­ten­tion des opé­ra­teurs, par l’in­té­gra­tion dans son action de dimen­sions absentes de la loi de 1996, le déve­lop­pe­ment d’In­ter­net notam­ment, et par un rôle moteur dans l’ins­tal­la­tion des organes de concer­ta­tion entre les régu­la­teurs indé­pen­dants de l’U­nion euro­péenne : d’a­bord le groupe infor­mel des régu­la­teurs indé­pen­dants, et main­te­nant le groupe des régu­la­teurs euro­péens, appe­lé à tra­vailler étroi­te­ment avec la Com­mis­sion. Les régu­la­teurs, ins­tal­lés ou en deve­nir, des pays fran­co­phones sont éga­le­ment regrou­pés dans un réseau créé en 2002 et dont l’ART assure la présidence.

Le mou­ve­ment d’ou­ver­ture du mar­ché s’est mani­fes­té par l’é­mer­gence d’un grand nombre d’o­pé­ra­teurs (plus d’une cen­taine) qui ont au total pris plus du tiers du mar­ché des com­mu­ni­ca­tions télé­pho­niques de longue dis­tance. Il s’est aus­si tra­duit par une diver­si­fi­ca­tion des offres dis­po­nibles pour le consom­ma­teur : encore modeste sur la télé­pho­nie fixe, elle est forte sur la télé­pho­nie mobile (for­faits horaires, cartes pré­payées…) et sur Inter­net avec les for­faits d’ac­cès illi­mi­té au haut débit. Enfin, le pro­ces­sus a engen­dré un mou­ve­ment de baisse des tarifs au béné­fice du consom­ma­teur pour les ménages et plus encore pour les entre­prises, sur les com­mu­ni­ca­tions longue dis­tance où le mou­ve­ment a été le plus fort et plus récem­ment sur les com­mu­ni­ca­tions locales. La dimi­nu­tion des prix a notam­ment béné­fi­cié lar­ge­ment aux uti­li­sa­teurs d’In­ter­net puis­qu’elle aura été de plus de 30 % depuis l’au­tomne 2002, pla­çant le mar­ché fran­çais au niveau des tarifs les plus favo­rables en Europe.

Pour autant, le che­min de l’ou­ver­ture à la concur­rence est loin d’être ter­mi­né et place le régu­la­teur en situa­tion d’a­dap­ta­tion permanente.

Un régu­la­teur sec­to­riel n’a certes pas voca­tion à l’é­ter­ni­té, mais il serait pour autant pré­ma­tu­ré de consi­dé­rer aujourd’­hui que sa mis­sion pour­rait appro­cher de son terme au béné­fice d’une régu­la­tion concur­ren­tielle trans­ver­sale de droit commun.

À bien des égards, la matu­ri­té concur­ren­tielle du sec­teur des télé­com­mu­ni­ca­tions reste encore à construire, l’an­cien­ne­té de la FCC amé­ri­caine et de l’Of­tel bri­tan­nique en témoigne d’ailleurs.

Cette exi­gence d’a­dap­ta­tion se fonde aus­si bien sur l’é­vo­lu­tion de la tech­no­lo­gie et du mar­ché que sur celle de la régle­men­ta­tion euro­péenne. Et à cet égard, les chan­tiers en cours ou à venir ne manquent pas !

La marche vers l’UMTS et ses enjeux indus­triels, l’ir­rup­tion du WiFi et de l’In­ter­net mobile, les mul­tiples impacts de l’AD­SL, sur le haut débit et poten­tiel­le­ment sur l’offre de télé­vi­sion, l’a­ve­nir des réseaux câblés, toutes ces ques­tions s’ex­priment en termes de concur­rence, entre acteurs mais aus­si entre technologies.

Pour être équi­table et loyale, cette concur­rence sup­pose des règles pour les­quelles il faut par­fois inno­ver, mais tou­jours avec la pré­oc­cu­pa­tion d’ap­por­ter non pas de la contrainte, mais de la visibilité.

La trans­po­si­tion du nou­veau cadre com­mu­nau­taire est assu­ré­ment l’un des évé­ne­ments majeurs de l’an­née 2003, l’im­por­tance des tra­vaux pré­pa­ra­toires du Gou­ver­ne­ment et la réflexion enga­gée depuis plus d’un an sur ce thème par l’ART en témoignent d’ores et déjà, avant même l’ou­ver­ture du débat par­le­men­taire, dont les étapes récentes rela­tives au ser­vice uni­ver­sel, au rôle des col­lec­ti­vi­tés locales ou à la régu­la­tion des ser­vices en ligne font clai­re­ment res­sor­tir la sen­si­bi­li­té et les enjeux. Enjeu euro­péen, qu’ex­prime le plan e‑Europe dans ses dif­fé­rentes phases 2003–2005 ; enjeu natio­nal, ins­crit dans les prio­ri­tés du Gou­ver­ne­ment avec le plan RESO-2007.

Quel che­min par­cou­ru en moins d’une décen­nie, pour pas­ser d’un mono­pole appor­tant ses ser­vices à des usa­gers à une situa­tion de mar­ché dans laquelle le consom­ma­teur indi­vi­duel ou entre­prise est deve­nu un acteur majeur au sein d’une âpre com­pé­ti­tion, indus­trielle et inter­na­tio­nale. Les télé­com­mu­ni­ca­tions s’in­tègrent dans le champ plus vaste des tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion ; leur spé­ci­fi­ci­té au regard de l’au­dio­vi­suel doit être repen­sée au titre de la conver­gence, sym­bo­li­sée par l’ap­pa­ri­tion ren­for­cée des mêmes ser­vices sur des réseaux dif­fé­rents. Quant au ser­vice de la voix, fixe ou mobile, la place qu’il tient encore dans l’é­co­no­mie du sec­teur ne doit en rien mas­quer le déve­lop­pe­ment des ser­vices de don­nées et d’i­mages, concré­ti­sant ain­si la pro­gres­sion vers la socié­té de l’information.

La crise récente qui a affec­té les tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion et l’é­cla­te­ment de la bulle Inter­net ont pu faire naître le doute sur ce sec­teur, qui n’en demeure pas moins l’un des prin­ci­paux res­sorts de la crois­sance par son impact sur la moder­ni­sa­tion et la pro­duc­ti­vi­té de notre éco­no­mie, dans sa pleine dimen­sion indus­trielle et sociale.

Dans la luci­di­té qu’ap­portent les épreuves et qu’exige le retour à la rai­son, il faut gar­der confiance et fon­der un nou­vel espoir en l’a­ve­nir. Un poten­tiel consi­dé­rable d’in­no­va­tion, et la for­mi­dable appé­tence du consom­ma­teur, notam­ment des jeunes, voi­là deux atouts majeurs pour la France et pour l’Eu­rope. Leur valo­ri­sa­tion doit être une exi­gence partagée.

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