L’Aslive : “Être heureux et content au monde”
Accompagner, plutôt que d’encadrer ou éduquer, et partager de bons moments
L’accompagnement, voilà le maître mot ici : c’est ce qui définit le mieux, par élimination, ce que font ces étudiants ou jeunes actifs qu’on appelle ici les Gentils Organisateurs (GO).
Car ils « n’encadrent » pas les Gentils Membres (GM), qui sont des adultes touchés de handicap mental (trisomie 21, autisme, maladie orpheline, etc.); ils ne les « éduquent » pas non plus.
Le but de l’Association est précisément de proposer pendant quelques jours par an une alternative à ce que les GM connaissent déjà dans les milieux spécialisés.
Ici, tout est fait pour que la relation entre GO et GM soit simple, décomplexée, sans relation d’ordre, et surtout que tout se passe dans la bonne humeur. Même les dénominations GO et GM, tirées du film Les Bronzés, veulent signifier qu’ici on ne se prend pas au sérieux, que l’ambiance est bon enfant.
Ainsi les GO prennent tour à tour le rôle de joueur, acteur, clown, cuisinier et j’en passe.
Visite à la ferme pédagogique avec Arnaud (2010).
Ce qu’est l’Aslive
L’Aslive est une association dont le but est d’améliorer la vie des handicapés mentaux adultes en les accompagnant lors de courts séjours ludiques et culturels : chaque année ce sont ainsi neuf week-ends de l’année scolaire, et deux semaines au mois d’août, ce qui représente en tout une trentaine de jours de congés durant lesquels se succèdent jeux, promenades et visites pédagogiques.
S’engager dans l’associatif pour aller vers l’autre
D’où viennent ces GO, tous bénévoles ? Beaucoup d’entre eux viennent de l’École polytechnique, car l’Association y est fortement ancrée depuis sa création (qui remonte à 1975). En effet, après avoir été pendant un temps hébergée par une école d’agronomie, l’Association a noué des liens étroits avec l’X (même si les archives ne permettent pas de dater correctement ce rapprochement).
Être organisateur, c’est être responsable, apprendre à anticiper du mieux possible tout en sachant gérer les imprévus
Rattachée au pôle d’actions sociales de la Kès (l’ASK), l’Aslive entrepose ses puzzles, déguisements et autres jeux enfantins dans un local du Bataclan. Et, au-delà de ces dispositions logistiques, on compte toujours des polytechniciens parmi les accompagnateurs de l’Aslive, qui joue ainsi un rôle de passerelle entre les promotions.
Mais l’Association aspire à être résolument ouverte et elle peut compter sur la motivation des étudiants d’horizons variés. Rassembler entre promos, entre filières, entre générations, c’est par essence une valeur constitutive de cette Association dont la finalité est de franchir les barrières de la différence, en allant vers le handicap mental pour mieux le connaître, le vivre et le partager dans ses bonheurs comme dans ses peines.
Une réputation durable
Depuis bientôt quarante ans que l’Association existe, elle a su faire ses preuves. En attestent la confiance des parents (ou des tuteurs) qui lui confient leurs enfants, les multiples messages de remerciements qu’ils envoient, ou encore, plus simplement, le bonheur manifeste des GM durant les séjours de l’Association.
Faire perdurer cette réputation de sérieux de l’Aslive acquise au fil des ans, c’est la délicate mission de l’équipe de l’Association, qui se renouvelle rapidement (chaque année, comme bien souvent dans les associations étudiantes).
C’est pour eux une solide expérience, car s’il leur incombe des tâches habituelles d’administration associative (tenue du budget, représenter l’Association, communiquer, organiser les assemblées générales), la spécificité de leur mandat est de veiller à la bonne logistique des séjours organisés « clés en main » qui représentent plus de trente jours par an.
Tout doit être planifié : déplacements en car ou en voiture, activités, courses, etc. Rien n’est laissé au hasard et les rôles sont répartis avec soin.
Enfin, la mécanique a beau être huilée du mieux possible, les petits déboires sont inévitables. Des soucis avec une voiture, des appareils électroménagers récalcitrants, un ingrédient qui manque ? Place alors à l’improvisation, et dans ce domaine les organisateurs ont montré que ce n’est pas l’imagination qui manquait.
L’équipe de l’Aslive devant le château de
Songeons (Oise), à droite Tridibesh (2012).
La joyeuse bande rassemblée autour de
Noé (Aurélien, 2009).
Le partage et la spontanéité
Au-delà de la gestion que requièrent les séjours, le partage et la spontanéité, voilà peut-être la recette magique de l’Aslive : grâce à des activités variées, tout aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur (chasse au trésor, jeux de ballon, peinture, origami, découpage), et à des sorties ludiques et culturelles (cinéma, visites à la ferme pédagogique, musée Michelin, Vulcania, le Puy-du-Fou), les participants de l’Aslive vont au-delà du handicap dans l’allégresse.
C’est du moins ce que laissent penser les manifestations de joie des GM, mais aussi des GO.
Ainsi, quand on a goûté à l’Aslive, on y revient : certains GM viennent depuis plus de vingt ans, et nombre de GO n’hésitent pas à réserver à l’avance pour participer aux week-ends qui sont planifiés sur toute une année.
C’est peut-être parce que, comme dit un des plus fidèles participants, on vient à l’Aslive pour « être heureux et content au monde ».
C’est comme cela que s’exprime son bonheur, avec des mots qui lui sont propres. Pléonasme ou non, nul ne sait, mais la tournure a le mérite d’être explicite.
Des cuisines de professionnels
L’un des domaines qui demandent le plus d’organisation est sans doute la cuisine. Quand il s’agit de nourrir plus de trente personnes, adieu la « tambouille » habituelle, place aux techniques de la restauration collective. Les recettes sont empruntées à la cuisine familiale, mais les proportions sont considérablement plus importantes, tout comme les ustensiles qui sont démesurés.
Les séjours se déroulent généralement dans des gîtes disposant de cuisines équipées pour faire face à des tablées de 50 à 100 personnes, dans lesquelles ont lieu des formations comme le CAP restauration. Bassines gigantesques, gazinière de professionnel, énorme appareil de plonge, etc. Dans ce contexte, les GO qui aiment faire la cuisine sont ravis.
Les travaux pratiques, dirigés par Guilherme (2012).