L’Australie, un paradis pour la science
» Australia : a Paradise for Science « , ce titre en couverture d’un numéro de la revue britannique New Scientist peut paraître provoquant, particulièrement pour les scientifiques australiens qui, à l’image de leurs homologues occidentaux, souhaiteraient obtenir plus facilement crédits, contrats ou emplois.
Cependant cet hommage de l’Alma mater à sa lointaine ex-colonie prend toute sa valeur quand on se rappelle la condescendance avec laquelle les sujets de Sa Gracieuse Majesté regardaient autrefois les » Aussies « .
Pays riche, faiblement peuplé, moins de 20 millions d’habitants, mais disposant d’une main-d’œuvre de qualité, l’Australie a su maîtriser son espace, 14 fois la France, et son éloignement pour entrer dans le groupe des nations scientifiques et technologiques les plus avancées. Avec une structure fédérale où cinq États bénéficient d’une réelle autonomie l’Australie a mis en place des structures scientifiques dynamiques et originales. L’impulsion et le financement viennent pour la plus grande part de l’État fédéral. Celui-ci a fortement encouragé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale la création de grands organismes de recherche et d’universités de haut niveau dans les pôles urbains de Sydney, Melbourne, Canberra, Brisbane, Adelaïde et Perth.
Cette politique a donné une image d’excellence à la recherche scientifique australienne, déjà honorée par sept prix Nobel. Un effort continu est conduit par les pouvoirs publics depuis une dizaine d’années en faveur de la recherche industrielle et de sa valorisation, longtemps considérées comme des points faibles. Avec un niveau d’investissement global en R&D comparable à celui de la Suède ou de la Hollande, l’Australie n’arrive encore qu’au 17e rang des pays de l’OCDE, en termes de pourcentage du PIB (1,5 %), mais elle figure au 4e rang pour la recherche de base. Selon les statistiques officielles les chercheurs australiens participent pour 2 % à la production mondiale de publications scientifiques, soit par tête d’habitant un chiffre comparable à celui des États-Unis ou de la Grande-Bretagne.
La localisation à Canberra, la capitale fédérale, des ministères techniques et des organes consultatifs (dont les services du Chief Scientist, de l’Académie des sciences et de la Conférence des présidents d’universités), des centres de décision des grands organismes de recherche et des agences de financement est un facteur très favorable à la concertation, au choix et à la mise en œuvre des priorités, ainsi qu’à l’évaluation quasi permanente des résultats qui est une des caractéristiques de l’administration australienne.
Les statistiques gouvernementales font état d’un effectif de plus de 100 000 personnes engagées en R et D, dont plus de 50 000 chercheurs confirmés, la moitié dans les universités qui délivrent chaque année 2 000 diplômes de doctorat, et le reste à part égale entre les organismes de recherche publics et les entreprises. Cette population est renforcée chaque année par un » Brain Gain » de 4 000 à 6 000 chercheurs, ingénieurs et enseignants, venant de l’étranger et attirés par les conditions de vie et de travail qui leur sont offertes en Australie.
De grands pôles de recherche de niveau international
L’ossature de la recherche fondamentale est constituée par les instituts et laboratoires de 9 des 36 universités australiennes : trois universités à Sydney (University of Sydney, University of technology of Sydney ou UTS, University of New South Wales ou UNSW), deux universités à Melbourne (University of Melbourne, Monash University), à Canberra (Australian National University, ANU), à Brisbane (University of Queensland), à Adelaïde (University of Adelaïde), à Perth (University of Western Australia).
Celles-ci reçoivent une bonne part des fonds distribués par l’Australian Research Council (ARC), une agence de moyens du ministère de l’Éducation et de la Science dirigée par la biologiste Vicki Sara. En 2002 l’ARC avait retenu quatre axes prioritaires : les nano et biomatériaux, les biotechnologies postgénomiques, les systèmes de communication, les sciences et technologies photoniques.
Le CSIRO (Commonwealth Scientific and Industrial Research Organization) est une organisation à vocation industrielle, mais aussi impliquée en recherche de base, qui a peu d’équivalents ailleurs si ce n’est dans une certaine mesure le TNO néerlandais. Le CSIRO occupe une position dominante dans le paysage australien avec plus de 7 000 chercheurs, ingénieurs et techniciens, répartis dans une centaine de centres.
Extrêmement diversifiées les activités du CSIRO sont structurées en 25 divisions opérationnelles couvrant un éventail très large de disciplines. Quatre divisions opèrent dans les secteurs des ressources minières, pétrolières et de l’énergie qui constituent un des piliers de l’économie australienne. En effet les exportations de produits miniers et pétroliers, complétées par les ventes de savoir-faire technologique en prospection, extraction et traitement, représentent plus de trente pour cent du PIB australien.
Le CSIRO a d’autres points forts : en biotechnologies végétales, en informatique, en sciences de l’environnement et dans la gestion des grands équipements de recherche notamment en radioastronomie. Les équipes du CSIRO sont souvent regroupées par pôles de compétences : exploration minière à Perth et à Brisbane, biotechnologies végétales à Canberra et Adelaïde, océanographie, pêche et aquaculture à Hobart. Tout en étant largement ouverts sur la recherche universitaire les laboratoires du CSIRO sont parvenus à développer une véritable culture d’entreprise, marquée par le souci de la protection du savoir-faire et la recherche de contrats avec les compagnies américaines, japonaises et européennes.
Le second organisme, par la taille, est le DSTO (Defence Science and Technology Organization) qui dépend directement du ministère de la Défense. Dirigé par le Chief Defence Scientist le DSTO emploie 2 600 personnes dans ses laboratoires de Melbourne, Adelaïde, Perth et son siège à Canberra. Également agence de moyens, le DSTO a développé une grande compétence dans le domaine des radars transhorizon, des logiciels de surveillance aérienne, des télécommunications et de la modélisation informatique.
Plus modeste l’Australian Geological Survey Organization (AGSO), devenue Geoscience Australia, fournit depuis son centre de Canberra les données cartographiques et géotectoniques de base pour l’exploration et l’exploitation du continent et du domaine marin australien. Le Bureau de météorologie (BOM), à Melbourne, est un des plus avancés de l’hémisphère Sud pour la mise au point et l’utilisation des modèles spectraux atmosphériques. L’Institut pour les sciences de la mer (AIMS), à Townsville près de la Grande Barrière de corail, est spécialisé dans l’océanologie tropicale. L’Australian Antarctic Division à Hobart en Tasmanie est chargée de la logistique des expéditions et des bases antarctiques de Davis, Mawson et Casey.
L’ANSTO, le CEA australien, créé en 1958 fait figure de parent pauvre. Dans son unique centre de recherche à Lucas Heights près de Sydney, l’ANSTO gère un réacteur de recherche de 10 MW à uranium enrichi, en cours de remplacement. Malgré ses importantes réserves d’uranium l’Australie n’a pas de programme de développement de l’énergie nucléaire. Sous la direction de la biologiste Helen Garnett l’ANSTO s’est orienté vers la médecine nucléaire, la fourniture de radionucléides, la mise au point de matériaux composites et de céramiques à très haute stabilité, utilisables notamment pour le stockage des déchets radioactifs (procédé SYNROC).
Les pôles d’excellence australiens découlent pour une bonne part de la mise en valeur de cet immense territoire et de la volonté de s’affranchir des distances et de l’isolement. C’est ainsi que l’Australie s’est dotée d’une recherche de tout premier plan dans le domaine des télécommunications, du traitement du signal, et de l’ingénierie informatique, avec des points forts dans le traitement d’images, les transports intelligents, la mise au point de systèmes d’orientation pour les robots et les satellites. Les laboratoires de la société nationale de télécommunication TELSTRA, du CSIRO, du DSTO, les centres de recherche coopératifs d’Adelaïde, Canberra et Sydney constituent un véritable réseau, renforcé par la création récente d’un consortium national focalisé sur les capteurs et les systèmes intelligents.
L’Australie est un des pays les plus avancés dans le domaine des sciences de la terre. Les instituts de géophysique et de géologie des universités de Canberra et de Perth, le centre de technologie minière de Brisbane, les laboratoires du CSIRO et de l’AGSO font autorité. La puissante association des industries minières, AMIRA, qui regroupe 130 compagnies, initie et coordonne des contrats qui sont conduits par les laboratoires publics.
Les ravages exercés sur un environnement relativement fragile par l’exploitation minière, ainsi que par l’agriculture et l’élevage extensif ont provoqué une prise de conscience des pouvoirs publics et des milieux scientifiques. La protection des sols, les changements climatiques, la protection des espèces vivantes sont devenus le point de rencontre de tout un ensemble de laboratoires pluridisciplinaires qui ont donné aux chercheurs australiens une forte audience dans les instances internationales. C’est ainsi que plus de 320 scientifiques australiens exercent des responsabilités comme membres ou présidents des diverses commissions et groupes de travail des unions scientifiques internationales et comités interdisciplinaires du Conseil international de la science (ICSU), soit autant que les Français et autant que les Allemands.
L’Australie est un grand pays d’élevage et un important producteur et exportateur de laine, de coton et de céréales. L’exploitation de ces ressources a eu pour corollaire le développement d’un fort potentiel en biosciences, financé en partie par les taxes perçues sur les producteurs. Les biotechnologies sont devenues une des priorités des pouvoirs publics depuis une dizaine d’années. Les travaux sur les plantes transgéniques, déjà très avancés, font l’objet d’une réglementation récemment mise à jour, mais relativement souple. Les recherches en biotechnologie végétale sont concentrées dans les universités et les divisions Plant Industry et Horticulture du CSIRO de Canberra et d’Adelaïde. Cette dernière ville abrite en outre un centre de recherche vitivinicole de niveau international qui épaule la croissance particulièrement rapide de ce secteur.
La recherche biomédicale, soutenue par une agence fédérale le National Health and Medical Council, est un autre point fort qui suscite un intérêt de plus en plus marqué de la part des entreprises pharmaceutiques européennes et américaines. Les recherches en postgénomique, protéomique, bio-informatique bénéficient de grands équipements récents : l’Australian Proteome Analysis Facility à Sydney, l’Australian Genome Research Facility à Melbourne et à Brisbane, où se met en place actuellement un très ambitieux Institute for molecular Biosciences. Melbourne concentre une part importante de la recherche biomédicale avec l’Université Monash et l’Institut d’immunologie Walter et Elisa Hall dirigé par Suzanne Cory, membre associé de notre Académie des sciences. Mais il ne faut pas oublier l’Institut Garvan à Sydney et l’Institut John Curtin à Canberra, très connu pour ses travaux sur le diabète et dont trois anciens chercheurs ont reçu le prix Nobel (Mac Farlane Burnet en 1960, Peter Doherty et le Suisse Rolf Zinkernagel en 1996).
On estimait en 2002 à 5 700 le nombre de personnes employées dans les 650 PME de biotechnologie australiennes, dont la moitié dans le domaine de la santé. Ces sociétés se répartissent principalement entre les pôles de Sydney et de Melbourne, mais le pôle de Brisbane fait figure de concurrent de plus en plus crédible.
Le radiotélescope de Parkes en Nouvelle-Galles-du-Sud, propriété du CSIRO.
Ce radiotélescope a été utilisé au cours de la mission Giotto de l’Agence spatiale européenne.
L’Australie a hérité de la période britannique d’un réseau important de télescopes et de radiotélescopes, dont certains ont été remis à niveau et accueillent de nombreux chercheurs étrangers. On peut être surpris par contre par la place modeste que tient la recherche aéronautique et spatiale, qui se cantonne pour l’essentiel à la mise au point de capteurs et de composants pour les satellites et les équipements de télédétection. On peut remarquer que le satellite australien C1 de télécommunication civile et militaire, lancé le 11 juin 2003 par une fusée Ariane 5, avait été conçu et assemblé aux États-Unis.
Dans le domaine des grands équipements de physique, considéré traditionnellement comme un point faible, la situation devrait s’améliorer progressivement avec, outre le nouveau réacteur de recherche de l’ANSTO en cours de construction, la mise en route envisagée pour 2007 d’un synchrotron à Melbourne financé par l’État du Victoria. Dans le domaine des nanosciences un recensement récent a permis d’identifier une vingtaine de centres de recherche publics et une vingtaine d’entreprises disposant d’une bonne expertise en nanomatériaux, technologies optiques et nanobiotechnologies.
Enfin il ne faut pas oublier les sciences humaines avec la présence d’un pôle d’étude de renommée mondiale sur l’Indonésie, le Sud-Est asiatique et les sociétés insulaires du Pacifique-Sud : Papouasie, Mélanésie, Polynésie. La Research School of Pacific and Asian Studies de l’Université nationale à Canberra est considérée comme un centre de référence pour l’étude ethnographique, mais aussi socioéconomique et culturelle de ces zones, dont certaines connaissent depuis quelques décennies de véritables bouleversements sous l’impact de la surexploitation de leurs ressources marines, minières et forestières.
Une réussite : les centres de recherche coopératifs
Héritière d’une économie de type colonial l’industrie australienne est encore largement composée de filiales de groupes étrangers. En 2001 on ne comptait que quatre entreprises australiennes dans le classement des 400 plus grandes sociétés mondiales. Les gouvernements travaillistes, suivis par les conservateurs, se sont attachés à favoriser la création d’un tissu de PME de haute technologie, mais aussi à inciter les multinationales à implanter leurs centres de recherche en Australie. En plus d’incitations fiscales de type classique une des initiatives les plus réussies a été la création en 1991 des CRC (Cooperative Research Centres).
Ces structures souples et opérationnelles ont pour fonction de fédérer des laboratoires de recherche d’universités, de grands organismes et d’entreprises, autour de projets communs. L’astuce a été de donner aux CRC une structure juridique et un mode de fonctionnement le plus proche possible d’une petite entreprise. Chaque CRC est placé sous l’autorité d’un directeur, lui-même responsable devant un conseil d’administration constitué des représentants des organisations partenaires. Les centres définissent eux-mêmes leur stratégie et leur politique de partage et de protection du savoir-faire. Une entreprise étrangère peut être membre d’un CRC. L’incitation financière est fournie par le gouvernement fédéral qui apporte à chaque CRC une subvention pouvant atteindre la moitié des coûts de mise en place et de fonctionnement. C’est le ministère chargé de l’Industrie qui donne le feu vert pour la création d’un nouveau CRC, en fonction de la qualité du projet présenté et de l’intérêt stratégique du domaine concerné.
En 2002 on comptait 71 CRC répartis dans toutes les métropoles australiennes et couvrant des domaines aussi variés que le génie des procédés, les technologies médicales, le traitement des eaux, les technologies minières, le génie informatique. Concrètement un CRC se présente comme une structure légère, associant de 4 à 20 organisations, coordonnant les activités de 15 à 100 chercheurs, plus quelques doctorants, et bénéficiant d’une subvention annuelle pouvant atteindre l’équivalent de deux millions d’euros. Créé pour une durée de sept ans chaque CRC est évalué une première fois après trois ans d’existence et plus en détail au bout de cinq ans. Parmi les innovations qui ont débouché sur le plan industriel et commercial figurent des biomatériaux, des implants médicaux, des bioréactifs, des composants photoniques, des logiciels de procédés ou de contrôle.
Le lancement des CRC a eu pour autre conséquence de stimuler l’effort national de valorisation de la recherche que ce soit dans les grands organismes ou dans les universités. La plupart des grandes universités sont maintenant dotées de sociétés de valorisation, dont certaines telles que Montech (Université Monash à Melbourne) ou Anutech (Université nationale à Canberra) emploient plusieurs dizaines de permanents. Cette évolution est confortée par la création de parcs industriels et technologiques à proximité des pôles scientifiques. Parmi les réussites il faut signaler le parc technologique de Perth ouvert en 1985 à proximité de l’Université Curtin et l’Australian Technological Parc à Sydney, ouvert en 1996 grâce à l’association des trois universités scientifiques de Sydney.
Une recherche scientifique très ouverte à la coopération internationale
La recherche australienne est très largement ouverte à la coopération internationale. Cette tendance est fortement encouragée par les autorités fédérales qui présentent l’Australie comme un lieu d’implantation idéal pour les activités de R et D orientées vers les marchés asiatiques.
Avec ses 70 mètres de diamètre “ Deep Space Station 43 ” est la plus grande des 5 antennes du centre spatial de la NASA à Tibinbilla près de Canberra. Cette station suit les véhicules spatiaux qui explorent le système solaire et au-delà.
Les échanges scientifiques avec les États-Unis sont permanents et informels dans tous les secteurs. Un des aspects les plus spectaculaires de cette coopération est illustré par la présence près de Canberra d’une des trois stations de réception de la Nasa chargées du suivi des véhicules spatiaux, sans parler des installations de la National Security Agency près d’Alice Springs et en Australie-Occidentale.
Les liens culturels et économiques avec la Grande-Bretagne restent très forts. L’Académie des sciences australienne était jusqu’en 1954 une branche de la Royal Society. Plus de 20 % des copublications scientifiques avec des partenaires étrangers se font avec le Royaume-Uni.
Les échanges avec le Japon, longtemps cantonnés au domaine économique, se sont maintenant élargis aux sciences et aux techniques : recherches conjointes en climatologie, utilisation permanente du synchrotron japonais de Tsukuba, coopération en physique du solide et dans le domaine du logiciel avec les universités et les entreprises japonaises, notamment Fujitsu. La coopération scientifique avec la Chine, la Corée et les pays du Sud-Est asiatique se limite à des actions de formation et des missions de conseil et d’expertise.
L’Australie a signé en juillet 1994 un accord de coopération scientifique et technique avec l’Union européenne qui a permis aux chercheurs et organismes australiens d’être associés à une trentaine de projets des 4e et 5e programmes cadres, mais en prenant en charge leur propre participation à ces projets. Il semble que les autorités australiennes ne souhaitent pas s’engager plus avant en demandant le statut de pays associé, mais préfèrent étudier les possibilités de coopération au cas par cas.
La place particulière de la coopération scientifique franco-australienne
Un historien pourrait faire remonter la collaboration scientifique avec la France au XVIIIe siècle ou au début du XIXe siècle lorsque les navigateurs français, Marion Dufresne, Saint Allouan, La Pérouse, d’Entrecasteaux, Baudin, Freycinet, cartographiaient les côtes australiennes. C’est en fait au cours de ces trois dernières décennies que la France et l’Australie ont appris à mieux se connaître, et à identifier des centres d’intérêt scientifique communs, dans le même temps où nos entreprises investissaient sur le sol australien. Toute une série d’accords passés au niveau gouvernemental et entre grands organismes et universités des deux pays ont contribué à créer un courant d’échange, qui n’a pas souffert des tensions politiques périodiques.
En médecine nucléaire le CEA et l’ANSTO entretiennent des échanges réguliers depuis 1992 qui s’élargissent maintenant à des équipes universitaires. Le CSIRO pour sa part finance une quarantaine de projets impliquant une collaboration avec des équipes françaises, en particulier à Montpellier où il dispose d’une antenne de son Institut d’entomologie. Plus de 60 laboratoires du CNRS entretiennent des relations non formalisées avec les laboratoires australiens. Environ 130 biologistes, physiciens, chimistes, astronomes du CNRS viennent chaque année en Australie pour des missions allant de quelques semaines à plusieurs mois. Les recherches en sciences marines dans le Pacifique-Sud, biologie marine, géosciences marines, aquaculture, climatologie, constituent un terrain privilégié de la coopération franco-australienne.
En 1998 et 1999 deux campagnes conjointes de l’AGSO et de l’Ifremer ont mis en évidence un gisement d’hydrates de gaz sous les fonds marins situés entre la Nouvelle-Calédonie et la côte est de l’Australie. Depuis 2002 une équipe franco-australienne associant l’université de Polynésie française, l’IRD de Nouméa et un institut de biologie de Sydney explore la faune marine de Nouvelle-Calédonie. Français et Australiens collaborent au sein de l’ICRI (International Coral Reef Initiative) pour la protection des récifs coralliens, et également au sein de la CCAMLR, la Commission pour la protection des ressources vivantes des eaux antarctiques dont le secrétariat permanent est installé à Hobart.
Le continent antarctique lui-même, vaste domaine de 14 millions de km2, est devenu un espace de coopération franco-australienne bien que l’Australie n’y ait que suspendu ses revendications territoriales. Hobart est le port d’attache de l’Astrolabe, le navire ravitailleur de notre base de Dumont d’Urville en terre Adélie. Les chercheurs de l’université de Tasmanie et de l’Australian Antarctic Division collaborent avec les équipes de l’IPEV (ex-IFRTP) de Grenoble, Saclay et Strasbourg. La coopération sur le site de Concordia, la nouvelle base antarctique franco-italienne, vient d’être illustrée par la mise en place d’une station australienne de mesure automatique de données d’astrophysique.
Au niveau des échanges d’étudiants et de doctorants, des accords ponctuels incluant des cotutelles de thèses ont été passés entre les établissements français et australiens, avec des fortunes diverses selon l’initiative et la persévérance des enseignants responsables. L’École polytechnique pour sa part envoie depuis plus de cinq ans des élèves-ingénieurs effectuer un stage de recherche dans les laboratoires de l’Université nationale à Canberra.
L’initiative la plus originale et la plus emblématique a vu le jour en 1991 avec le lancement du programme FAIR de coopération en recherche industrielle, soutenu par le ministère des Affaires étrangères et le ministère chargé de la Recherche. Ce programme, renouvelé en 1998 pour une durée de cinq ans, a précédé ou accompagné les grandes entreprises (Thalès, Lyonnaise des eaux, Vivendi, Chargeurs Réunis, Péchiney, Alcatel, Pernod-Ricard, Limagrain, Sanofi-Synthélabo, Aventis, etc.) qui ont investi avec succès dans ce continent où elles emploient actuellement plus de 50 000 personnes.
Depuis sa création FAIR a permis d’initier des collaborations, maintenant accessibles à des entreprises de taille modeste, dans des domaines aussi variés que les matériaux, l’agroalimentaire, la prospection et l’exploitation pétrolière et minière, les biotechnologies et l’informatique appliquée à la médecine, le traitement des eaux. Le programme FAIR a bénéficié en France de l’action de l’Association française de coopération en recherche industrielle avec l’Australie, AFCRIA, présidée par Christian Marbach. Le 8e séminaire FAIR, organisé par l’AFCRIA, qui s’est tenu à Paris, Lyon, Grenoble et Strasbourg en novembre 2002, sur le thème des technologies médicales, a réuni à parts égales une cinquantaine de Français et d’Australiens, responsables de PME de haute technologie, de sociétés de valorisation, de laboratoires universitaires ou de grands organismes.
Outre l’ébauche de diverses collaborations strictement bilatérales un des résultats de cette rencontre a été la décision de certains participants australiens de s’associer à des projets présentés par les intervenants français dans le cadre des appels d’offres du 6e PCRD.
Conclusion
Il est prévisible que le développement rapide des sciences et des technologies en Australie va modifier profondément le profil socioéconomique de l’île-continent, historiquement marqué par le poids des productions primaires : mines et agriculture.
L’Australie est un partenaire à ne pas négliger si l’on considère la qualité de son potentiel de R et D, renforcé par une immigration très sélectionnée, et son immersion dans le monde américain, européen et asiatique. Même le handicap que constitue l’isolement géographique est devenu un atout, en stimulant la mise en œuvre des techniques de communication les plus avancées. Pays riche et ambitieux, ouvert à la coopération internationale, l’Australie veut conforter sa place au sein des pays industrialisés.
Les programmes de coopération scientifiques et technologiques franco-australiens, dont certains ont bénéficié du soutien attentif de notre ministère des Affaires étrangères, sont devenus un facteur fondamental de rapprochement entre les deux pays, l’emportant sur les malentendus qui ont pu passagèrement les opposer. Ils ont contribué à créer un cadre très favorable aux transferts de technologie, aux échanges commerciaux et aux investissements des entreprises françaises. De nouveaux domaines d’intérêt commun apparaissent où les compétences des deux pays sont complémentaires, que ce soit dans les technologies liées à l’environnement terrestre ou marin, la santé, ou encore les technologies émergentes dont font partie les nanosciences et les biotechnologies.
Il faut souhaiter que les cadres de coopération futurs, qu’ils soient bilatéraux ou européens, laisseront ouvertes les perspectives les plus ambitieuses aux relations entre la France et l’Australie.
Gérard Siclet, professeur des universités, chargé de mission à l’Académie des sciences, est secrétaire exécutif du Comité français des Unions scientifiques internationales. Il a effectué plusieurs missions de longue durée pour le compte du ministère des Affaires étrangères en tant qu’attaché scientifique dans les ambassades de France à Canberra de 1994 à 1999, à La Haye de 1983 à 1988 et à Tokyo de 1974 à 1979.