L’AX lance une large consultation de la communauté polytechnicienne
Aussi loin que je me souvienne et en tout cas depuis mon entrée à l’École polytechnique, j’entends dire, de tous les côtés de l’échiquier politique, que la recherche scientifique française souffre d’une trop grande déconnexion entre les laboratoires publics et les centres privés. Des dizaines de mécanismes ont été imaginés depuis quarante ans pour favoriser les échanges et plus largement l’osmose entre ces deux mondes. Malgré tous ces efforts, la France se situe toujours au 31e rang mondial en matière de synergie entre recherche académique et entreprise et doit donc redoubler d’efforts pour combler son retard. Notre École, par sa vocation historique et sa mission réaffirmée maintes fois et inscrite dans ses statuts, est le creuset par excellence où doit se réaliser une telle osmose, je dirais même une telle synthèse.
“La France se situe toujours au 31e rang mondial en matière de synergie entre recherche académique et entreprise.”
C’est dans cet esprit que, dès 2012, avait été séparée du domaine foncier de l’X une surface située à l’est de l’emprise (entre P5, terrains de sport et bois) pour y implanter un Parc d’innovation technologique. Ce parc est destiné à accueillir des laboratoires publics et privés et favoriser les échanges. L’administration de l’École est, à l’évidence, consultée pour ce type d’implantation et ce sont des accords entre l’X et les entreprises qui définissent le cadre public-privé recherché.
Un projet récent proposé par TotalEnergies, consacré à la transition énergétique et aux énergies renouvelables, a malheureusement dû être abandonné, du fait de l’incompréhension de certains anciens. La communication n’a probablement pas été suffisante et n’a pas permis de répondre aux interrogations ou de dissiper les malentendus dans la communauté. C’est de mon point de vue un échec pour tout le monde. D’autres projets sont en cours de préparation dont celui de LVMH autour des matériaux et du luxe durable.
Forte de cette expérience, l’AX considère qu’il est clé de consulter tout le monde. En anticipation des décisions que sera amenée à prendre la gouvernance de l’École polytechnique, le conseil d’administration de l’AX a décidé de lancer une large consultation dans les prochains jours. Vous recevrez donc un message vous indiquant comment exprimer votre opinion sur l’interaction public-privé en matière de recherche, sur le parc d’innovation technologique et sur le projet proposé.
Je vous en conjure, prenez le temps de le lire et de vous exprimer.
4 Commentaires
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https://infodoc.agroparistech.fr/index.php?lvl=bulletin_display&id=127178
Bonjour
Il faut dire que la France revient de loin dans ce domaine.
Je suis X62, j’ai choisi la « botte recherche ». Aprés ma thèse en 1970, sous la désapprobation de mes célèbres patrons de thèse, j’ai pantouflé pour l’industrie, en remboursant donc mes frais d’étude à l’X. Logique à l’époque, ce n’était pas l’incitation attendue pour rapprocher l’université et l’industrie.. A ma retraite en 2005, je suis devenu « business angel », pour introduire un peu de science dans l’investissement. J’ai découvert que cette activité de fonds d’investissement avait été inventée aux USA en 1946 par un Français, Georges Doriot, si peu connu en France. En France cela a fini par démarre aussi, mais globalement 50 ans plus tard. Que d’erreurs en chemin !
Je suis très content du nouveau chemin pris par l’X – étudier doit surtout permettre de prendre plus de risques – , mais triste de ce reliquat bien pensant , qui nous a conduit entre autres a gacher notre position dans le nucléaire.
Bonjour, il me semble que ce genre de considération relève très clairement du siècle passé. Le besoin d’améliorer les synergies public privé, ne peut en aucun cas être une fin en soi. Dans un environnement qui se dégrade, et face à un nombre incroyable de défis que nous avons à affronter, l’enjeu ne saurait être une initiative qui se traduira par du bétonnage accru (sur les terres les plus fertiles de l’île de France), des déplacements carbonés dans une zone déjà au bord de l’asphyxie. De plus, cerise sur le Gâteau, un partenariat avec LVMH, évadé fiscal notoire, et opérant dans un secteur plus que discutable (le luxe) serait contraire aux valeurs de la république et de l’école
Je suis ingénieur de recherche à l’ONERA (Office National d’Etudes et de Recherches Aérospatiales). J’écris sous un pseudonyme. Plus de cinquante pourcent de notre financement nous viennent de contrats avec des industriels, certains publics mais aussi des industriels privés. Nous faisons à ce titre de moins en moins de recherche et de plus en plus de la R&D pour le compte de grands groupes du secteur aéronautique et spatial. Cela pose de sérieux problèmes à long terme où nous risquons d’être déclassés si nous ne positionnons pas sur des innovations de rupture. L’industrie n’est pas en mesure de porter de tels efforts de recherche car elle ne vit pas à la même échelle de temps qu’un EPIC. Le DLR, notre concurrent allemand, a une subvention publique trois fois supérieure à celle de l’ONERA. La part de plus en plus accrue de contrats dans notre activité, et notre manque de personnel pour les honorer (en raison de contraintes budgétaires limitant les recrutements) nous empêchent de développer les activités de recherche amont (bas TRL, fort risque) aussi rapidement que nous le souhaiterions. Il y a vingt ans un ingénieur de l’ONERA était libre de faire ce qu’il voulait sur environ 20 % de son temps, aujourd’hui chaque heure de mon temps doit être fléchée sur un projet. Cette consultation m’inquiète donc car elle pourrait avoir des conséquences concrètes très néfastes sur notre travail à l’ONERA.