Le bicorne au sommet de l’esprit (du) polytechnicien

Dossier : ExpressionsMagazine N°683 Mars 2013
Par Serge DELWASSE (X86)

Les poly­tech­ni­ciennes
La tra­di­tion des per­son­nels fémi­nins des armées remonte à la Seconde Guerre mon­diale. On emprun­ta pour ces dames le tri­corne à la Royal Navy. C’est donc tout natu­rel­le­ment qu’on coif­fa les poly­tech­ni­ciennes, en 1972, de ce même tri­corne, com­met­tant ain­si une erreur his­to­rique majeure. Erreur répa­rée en 1996, à la demande des élèves elles-mêmes.

Au com­men­ce­ment était un disque de feutre mis en forme. Plus tard on raf­fi­na, on ajou­ta ruban, plume et coiffe inté­rieure : on obtint le cha­peau de mous­que­taire. Très élé­gant, mais peu pra­tique. Alors on rou­la les bords, on les fit dur­cir à la vapeur, et on obtint le tri­corne, qui tra­ver­sa tout le XVIIIe siècle.

Républicain et français

La corne avant gênait, en par­ti­cu­lier pour manier le fusil. On la rédui­sit peu à peu, jusqu’à arri­ver, entre 1786 et 1791, au bicorne, por­té « en bataille ». Le bicorne était né avec la Révo­lu­tion française.

Il connut rapi­de­ment le suc­cès, le tri­corne dis­pa­rais­sant paral­lè­le­ment. Et bien qu’il fût éga­le­ment adop­té par nombre de marines et d’armées étran­gères, sa natio­na­li­té d’origine ne fai­sait pas de doute. Pour preuve, l’ordonnance de 1822, qui remit en vigueur l’uniforme à l’École, men­tionne le « cha­peau français ».

À la fois militaire et civil

De Bona­parte à Maren­go à Napo­léon à Aus­ter­litz, le bicorne, por­té cette fois « en colonne » par les géné­raux de l’Empire, devint le sym­bole des suc­cès mili­taires de la France.

Néan­moins, les guerres napo­léo­niennes mirent en avant le besoin de coif­fures pro­té­geant le com­bat­tant : casques, etc.

BIBLIOGRAPHIE

Joseph Mar­ge­rand, Les Coif­fures de l’armée fran­çaise, Stras­bourg, Éd. Coprur, coll. « Le Livre chez vous », 2002.
Biblio­thèque de l’École poly­tech­nique, Le Grand Uni­forme des élèves de l’École poly­tech­nique, de 1794 à nos jours, Paris, Lavau­zelle, 2003.

Conser­vèrent le bicorne les corps tech­niques, les gen­darmes, les offi­ciers d’état-major. Le XIXe siècle le géné­ra­li­sa aux ingé­nieurs des Mines, aux ambas­sa­deurs, aux aca­dé­mi­ciens, aux huis­siers, pré­fets et commissaires.

Les X, de nos jours, sont qua­si les seuls à por­ter le bicorne, avec les écuyers du Cadre noir, qui, eux, le portent en bataille. Les offi­ciers de marine, les offi­ciers géné­raux, les pré­fets l’ont per­du lors de la Seconde Guerre mondiale.

Mal­gré quelques ten­ta­tives de retour aux tra­di­tions, les élèves méde­cins l’ont aban­don­né en 1974. Les huis­siers de l’Élysée sont tête nue. La plu­part des aca­dé­mi­ciens le portent à la main. Et l’on ne voit plus guère d’ambassadeur en uni­forme. C’est ain­si qu’il est deve­nu le sym­bole de l’École polytechnique.

De la boîte à claque à la dis­tri­bu­tion des claques
Il a exis­té un modèle plus pra­tique à trans­por­ter, pliant – en réa­li­té apla­tis­sable – d’où le nom de « claque » (clac). La boîte de trans­port du claque, de forme tra­pé­zoï­dale, a don­né son sur­nom au pavillon d’entrée de l’École de la rue Des­cartes. C’est aujourd’hui le siège de l’Association des anciens élèves (AX), lieu de ren­dez-vous de nom­breux Groupes X. Quant à la dis­tri­bu­tion des claques, il s’agit bien sûr de la remise des bicornes qui s’y tient chaque année depuis 1996.

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