Le BRGM fête 65 ans d’engagement et de mobilisation au service d’un usage raisonné des ressources du sous-sol
Ressources naturelles, recyclage, économie circulaire, atténuation et adaptation au changement climatique… sont autant de sujets qui mobilisent le BRGM sur l’ensemble du territoire national. Le point avec Christophe Poinssot, directeur général délégué et directeur scientifique du BRGM.
Pouvez-vous nous rappeler les missions du BRGM ?
Le BRGM, le Bureau de recherches géologiques et minières, est un établissement public qui fête cette année son 65e anniversaire. Le BRGM a principalement deux missions. C’est à la fois un établissement de recherche, sous la tutelle du ministère de la Recherche, et un établissement d’expertise qui apporte un soutien technique à l’État pour la mise en œuvre des politiques publiques touchant le sous-sol ou l’environnement. En ce sens, le BRGM joue le rôle de service géologique national. En parallèle, le BRGM dispose d’un important savoir-faire que nous valorisons auprès des entreprises, aussi bien en France qu’à l’international.
Aujourd’hui, le BRGM est mobilisé autour de plusieurs enjeux sociétaux majeurs. Le premier enjeu par ordre d’importance concerne les risques naturels d’abord comme les tremblements de terre, les risques volcaniques, mais aussi les mouvements de terrain, le retrait-gonflement des sols riches en argile, ainsi que le recul du trait de côte sous l’influence de l’élévation du niveau marin suite au changement climatique mais aussi les risques anthropiques liés notamment aux activités industrielles.
Le second enjeu concerne la ressource en eau et plus particulièrement la gestion des eaux souterraines. Le BRGM est, en effet, en charge du réseau national piézométrique qui permet de suivre l’état des nappes d’eau souterraine. Au-delà du suivi quantitatif et qualitatif des nappes, nous menons aussi un important travail pour mieux comprendre les impacts du réchauffement climatique sur la disponibilité de cette ressource en eau, ainsi que des études de modélisation avancée pour proposer des solutions de gestion adaptées.
“Le BRGM est, à la fois un établissement de recherche, sous la tutelle du ministère de la Recherche, et un établissement d’expertise qui apporte un soutien technique à l’État pour la mise en œuvre des politiques publiques touchant le sous-sol ou l’environnement.”
Le troisième enjeu tourne autour des ressources minérales, une de nos compétences historiques. Jusque très récemment, ce sujet avait quasiment disparu de notre agenda à l’exception des projets menés à l’international notamment en Afrique.
Aujourd’hui, ce sujet est redevenu une priorité et nous sommes mobilisés pour contribuer à la sécurisation des approvisionnements en ressources minérales : d’une part nous développons une expertise et un suivi global des chaînes d’approvisionnement mondiales en minerais et métaux stratégiques via un observatoire, l’OFREMI ; d’autre part nous sommes mandatés par les pouvoirs publics pour remettre à jour la connaissance des ressources présentes dans notre sous-sol national afin de permettre leur éventuelle valorisation ; enfin nous développons aussi des procédés pour permettre la récupération des métaux stratégiques présents dans les objets en fin de vie ou les rebuts industriels.
Le BRGM a ainsi été un des premiers établissements de recherche à s’intéresser au recyclage dans les années 80. Notre objectif est de soutenir une économie circulaire des ressources qui permette de réduire l’extraction minière au strict besoin.
Le quatrième enjeu concerne les ressources énergétiques du sous-sol en soutien à la transition énergétique. Le sous-sol représente en effet un potentiel énergétique important qui est largement méconnu du grand public. À partir de quelques dizaines de mètres de profondeur, le sous-sol est un environnement à température constante de 12 degrés qui est idéal pour alimenter efficacement des pompes à chaleur, et ainsi pouvoir chauffer en hiver ou refroidir en été, à moindre coût et sans émettre de CO₂. Cette géothermie de surface est déployable sur près de 90 % du territoire.
« Le sous-sol représente un potentiel énergétique important qui est largement méconnu du grand public. »
En outre, la géothermie plus profonde peut permettre d’accéder à de l’eau plus chaude (70–80°C) qui permet d’alimenter des réseaux de chaleur. Aujourd’hui, plus de 350 000 logements dans la région parisienne sont chauffés grâce à de la géothermie, et le potentiel de développement reste très important. Enfin, n’oublions pas que le sous-sol offre aussi des possibilités de stockage du CO₂, voire de production d’hydrogène naturel…
Pour explorer toutes ces dimensions et relever l’ensemble de ces défis, le BRGM doit développer et approfondir sa connaissance de la géologie du sous-sol français et la rendre accessible pour répondre aux enjeux territoriaux. C’est pourquoi l’organisation du BRGM s’appuie sur un réseau de directions régionales présentes dans l’ensemble des régions métropolitaines comme ultra-marines pour être au plus proche du terrain et des acteurs territoriaux, notamment les collectivités et les services déconcentrés de l’État.
Votre ambition est aussi d’accompagner le passage d’une économie linéaire à une économie plus circulaire. Qu’en est-il ?
Aujourd’hui, il y a un certain consensus autour de la nécessité d’avoir une utilisation plus raisonnée et sobre des ressources naturelles, et notamment des ressources du sous-sol qui demandent d’importants efforts humains, de l’énergie et de la technique pour les extraire. Pour mieux utiliser cette ressource, le recyclage des objets en fin de vie est devenu incontournable. C’est un domaine que nous avons investi il y a déjà 40 ans. Depuis, nous avons travaillé sur le développement et l’optimisation de procédés de recyclage, mais aussi sur leur industrialisation grâce à nos plateformes expérimentales orléanaises. C’est un enjeu stratégique, car chaque kilo de métal recyclé représente autant de ressources que nous n’aurons pas besoin d’aller chercher dans le sous-sol et autant d’impacts environnementaux évités.
Néanmoins, cela n’est vrai que si on réussit à développer des procédés de recyclage écoconçus à faible empreinte environnementale. C’est pourquoi nous développons aussi les outils et compétences pour être à même de quantifier l’impact environnemental des différents procédés.
Cette évolution représente-t-elle un nouveau défi pour les géosciences ?
Ce n’est pas tant un défi pour les géosciences que pour la science des matériaux. Concrètement, les géosciences vont s’intéresser principalement à l’identification et à l’extraction des ressources du sous-sol, alors que la science des matériaux va s’intéresser à la manière dont ces ressources sont mis en œuvre dans des matériaux et objets. Si on veut développer une économie circulaire, cela suppose un recyclage répétitif et particulièrement efficace de ces ressources, ce qui impose d’avoir des objets conçus pour être facilement recyclables. On parle alors d’éco-conception.
Dans cette perspective, il est probable que nos sociétés soient amenées dans les prochaines années à faire des compromis entre utiliser des matériaux et objets très performants mais difficilement recyclables, et utiliser des matériaux et objets moins performants, mais qui pourront facilement se recycler. Face à ce défi immense, le BRGM contribue modestement à faciliter un accès vertueux et responsable aux ressources minérales stratégiques en s’appuyant autant que faire se peut sur le recyclage.
Alors que le réchauffement climatique s’accélère et que le développement d’une économie circulaire est une nécessité, explorez-vous des pistes particulières ?
Comme précédemment mentionné, la question du changement climatique est un axe de travail central pour notre établissement. La majeure partie de nos activités sont aujourd’hui liées de près ou de loin à cet enjeu majeur pour nos sociétés. Schématiquement, nous travaillons sur deux axes.
Premièrement, nous contribuons à l’atténuation du changement climatique en soutenant le déploiement de la géothermie qui reste une énergie décarbonée performante pour le chauffage individuel, et en contribuant à sécuriser l’approvisionnement en ressources minérales indispensables à la transition énergétique et au développement des énergies bas carbone. Nous travaillons aussi au possible stockage du CO2 dans des aquifères profonds salins qui pourraient être une solution pour les émissions de CO2 irréductibles sur le long
terme.
Deuxièmement, nous œuvrons aussi à l’adaptation au changement climatique dans le cadre du Plan National d’Adaptation au Changement Climatique qui recommande d’anticiper dès aujourd’hui une éventuelle hausse de température qui pourrait aller jusqu’à 4 degrés. Dans ce cadre, nous travaillons sur les risques naturels et l’impact du changement climatique sur le sol et le sous-sol. Cela se traduit d’ores et déjà par un retrait accéléré du trait de côte sous l’effet de l’élévation du niveau marin, une augmentation des épisodes climatiques extrêmes qui impactent la ressource en eau ou le gonflement des argiles des sols… Autant de phénomènes que nous observons, quantifions et modélisons afin de faire des prédictions sur le long terme dans une logique d’adaptation et d’atténuation, mais aussi d’anticipation et de prévention à l’échelle nationale et territoriale.