Le BRGM fête 65 ans d’engagement et de mobilisation au service d’un usage raisonné des ressources du sous-sol

Dossier : Vie des entreprises - Décarbonation et économie circulaireMagazine N°799 Novembre 2024
Par Christophe POINSSOT

Res­sources natu­relles, recy­clage, éco­no­mie cir­cu­laire, atté­nua­tion et adap­ta­tion au chan­ge­ment cli­ma­tique… sont autant de sujets qui mobi­lisent le BRGM sur l’ensemble du ter­ri­toire natio­nal. Le point avec Chris­tophe Poins­sot, direc­teur géné­ral délé­gué et direc­teur scien­ti­fique du BRGM.

Pouvez-vous nous rappeler les missions du BRGM ? 

Le BRGM, le Bureau de recherches géo­lo­giques et minières, est un éta­blis­se­ment public qui fête cette année son 65e anni­ver­saire. Le BRGM a prin­ci­pa­le­ment deux mis­sions. C’est à la fois un éta­blis­se­ment de recherche, sous la tutelle du minis­tère de la Recherche, et un éta­blis­se­ment d’expertise qui apporte un sou­tien tech­nique à l’État pour la mise en œuvre des poli­tiques publiques tou­chant le sous-sol ou l’environnement. En ce sens, le BRGM joue le rôle de ser­vice géo­lo­gique natio­nal. En paral­lèle, le BRGM dis­pose d’un impor­tant savoir-faire que nous valo­ri­sons auprès des entre­prises, aus­si bien en France qu’à l’international.

Aujourd’hui, le BRGM est mobi­li­sé autour de plu­sieurs enjeux socié­taux majeurs. Le pre­mier enjeu par ordre d’importance concerne les risques natu­rels d’abord comme les trem­ble­ments de terre, les risques vol­ca­niques, mais aus­si les mou­ve­ments de ter­rain, le retrait-gon­fle­ment des sols riches en argile, ain­si que le recul du trait de côte sous l’influence de l’élévation du niveau marin suite au chan­ge­ment cli­ma­tique mais aus­si les risques anthro­piques liés notam­ment aux acti­vi­tés industrielles.

Le second enjeu concerne la res­source en eau et plus par­ti­cu­liè­re­ment la ges­tion des eaux sou­ter­raines. Le BRGM est, en effet, en charge du réseau natio­nal pié­zo­mé­trique qui per­met de suivre l’état des nappes d’eau sou­ter­raine. Au-delà du sui­vi quan­ti­ta­tif et qua­li­ta­tif des nappes, nous menons aus­si un impor­tant tra­vail pour mieux com­prendre les impacts du réchauf­fe­ment cli­ma­tique sur la dis­po­ni­bi­li­té de cette res­source en eau, ain­si que des études de modé­li­sa­tion avan­cée pour pro­po­ser des solu­tions de ges­tion adaptées.

“Le BRGM est, à la fois un établissement de recherche, sous la tutelle du ministère de la Recherche, et un établissement d’expertise qui apporte un soutien technique à l’État pour la mise en œuvre des politiques publiques touchant le sous-sol ou l’environnement.”

Le troi­sième enjeu tourne autour des res­sources miné­rales, une de nos com­pé­tences his­to­riques. Jusque très récem­ment, ce sujet avait qua­si­ment dis­pa­ru de notre agen­da à l’exception des pro­jets menés à l’international notam­ment en Afrique.

Aujourd’hui, ce sujet est rede­ve­nu une prio­ri­té et nous sommes mobi­li­sés pour contri­buer à la sécu­ri­sa­tion des appro­vi­sion­ne­ments en res­sources miné­rales : d’une part nous déve­lop­pons une exper­tise et un sui­vi glo­bal des chaînes d’approvisionnement mon­diales en mine­rais et métaux stra­té­giques via un obser­va­toire, l’OFREMI ; d’autre part nous sommes man­da­tés par les pou­voirs publics pour remettre à jour la connais­sance des res­sources pré­sentes dans notre sous-sol natio­nal afin de per­mettre leur éven­tuelle valo­ri­sa­tion ; enfin nous déve­lop­pons aus­si des pro­cé­dés pour per­mettre la récu­pé­ra­tion des métaux stra­té­giques pré­sents dans les objets en fin de vie ou les rebuts industriels.

Le BRGM a ain­si été un des pre­miers éta­blis­se­ments de recherche à s’intéresser au recy­clage dans les années 80. Notre objec­tif est de sou­te­nir une éco­no­mie cir­cu­laire des res­sources qui per­mette de réduire l’extraction minière au strict besoin.

Le qua­trième enjeu concerne les res­sources éner­gé­tiques du sous-sol en sou­tien à la tran­si­tion éner­gé­tique. Le sous-sol repré­sente en effet un poten­tiel éner­gé­tique impor­tant qui est lar­ge­ment mécon­nu du grand public. À par­tir de quelques dizaines de mètres de pro­fon­deur, le sous-sol est un envi­ron­ne­ment à tem­pé­ra­ture constante de 12 degrés qui est idéal pour ali­men­ter effi­ca­ce­ment des pompes à cha­leur, et ain­si pou­voir chauf­fer en hiver ou refroi­dir en été, à moindre coût et sans émettre de CO₂. Cette géo­ther­mie de sur­face est déployable sur près de 90 % du territoire.

« Le sous-sol représente un potentiel énergétique important qui est largement méconnu du grand public. »

En outre, la géo­ther­mie plus pro­fonde peut per­mettre d’accéder à de l’eau plus chaude (70–80°C) qui per­met d’alimenter des réseaux de cha­leur. Aujourd’hui, plus de 350 000 loge­ments dans la région pari­sienne sont chauf­fés grâce à de la géo­ther­mie, et le poten­tiel de déve­lop­pe­ment reste très impor­tant. Enfin, n’oublions pas que le sous-sol offre aus­si des pos­si­bi­li­tés de sto­ckage du CO₂, voire de pro­duc­tion d’hydrogène naturel…

Pour explo­rer toutes ces dimen­sions et rele­ver l’ensemble de ces défis, le BRGM doit déve­lop­per et appro­fon­dir sa connais­sance de la géo­lo­gie du sous-sol fran­çais et la rendre acces­sible pour répondre aux enjeux ter­ri­to­riaux. C’est pour­quoi l’organisation du BRGM s’appuie sur un réseau de direc­tions régio­nales pré­sentes dans l’ensemble des régions métro­po­li­taines comme ultra-marines pour être au plus proche du ter­rain et des acteurs ter­ri­to­riaux, notam­ment les col­lec­ti­vi­tés et les ser­vices décon­cen­trés de l’État.

Votre ambition est aussi d’accompagner le passage d’une économie linéaire à une économie plus circulaire. Qu’en est-il ? 

Aujourd’hui, il y a un cer­tain consen­sus autour de la néces­si­té d’avoir une uti­li­sa­tion plus rai­son­née et sobre des res­sources natu­relles, et notam­ment des res­sources du sous-sol qui demandent d’importants efforts humains, de l’énergie et de la tech­nique pour les extraire. Pour mieux uti­li­ser cette res­source, le recy­clage des objets en fin de vie est deve­nu incon­tour­nable. C’est un domaine que nous avons inves­ti il y a déjà 40 ans. Depuis, nous avons tra­vaillé sur le déve­lop­pe­ment et l’optimisation de pro­cé­dés de recy­clage, mais aus­si sur leur indus­tria­li­sa­tion grâce à nos pla­te­formes expé­ri­men­tales orléa­naises. C’est un enjeu stra­té­gique, car chaque kilo de métal recy­clé repré­sente autant de res­sources que nous n’aurons pas besoin d’aller cher­cher dans le sous-sol et autant d’impacts envi­ron­ne­men­taux évités.

Néan­moins, cela n’est vrai que si on réus­sit à déve­lop­per des pro­cé­dés de recy­clage éco­con­çus à faible empreinte envi­ron­ne­men­tale. C’est pour­quoi nous déve­lop­pons aus­si les outils et com­pé­tences pour être à même de quan­ti­fier l’impact envi­ron­ne­men­tal des dif­fé­rents procédés.

Cette évolution représente-t-elle un nouveau défi pour les géosciences ?

Ce n’est pas tant un défi pour les géos­ciences que pour la science des maté­riaux. Concrè­te­ment, les géos­ciences vont s’intéresser prin­ci­pa­le­ment à l’identification et à l’extraction des res­sources du sous-sol, alors que la science des maté­riaux va s’intéresser à la manière dont ces res­sources sont mis en œuvre dans des maté­riaux et objets. Si on veut déve­lop­per une éco­no­mie cir­cu­laire, cela sup­pose un recy­clage répé­ti­tif et par­ti­cu­liè­re­ment effi­cace de ces res­sources, ce qui impose d’avoir des objets conçus pour être faci­le­ment recy­clables. On parle alors d’éco-conception.

Dans cette pers­pec­tive, il est pro­bable que nos socié­tés soient ame­nées dans les pro­chaines années à faire des com­pro­mis entre uti­li­ser des maté­riaux et objets très per­for­mants mais dif­fi­ci­le­ment recy­clables, et uti­li­ser des maté­riaux et objets moins per­for­mants, mais qui pour­ront faci­le­ment se recy­cler. Face à ce défi immense, le BRGM contri­bue modes­te­ment à faci­li­ter un accès ver­tueux et res­pon­sable aux res­sources miné­rales stra­té­giques en s’appuyant autant que faire se peut sur le recyclage.

Alors que le réchauffement climatique s’accélère et que le développement d’une économie circulaire est une nécessité, explorez-vous des pistes particulières ?

Comme pré­cé­dem­ment men­tion­né, la ques­tion du chan­ge­ment cli­ma­tique est un axe de tra­vail cen­tral pour notre éta­blis­se­ment. La majeure par­tie de nos acti­vi­tés sont aujourd’hui liées de près ou de loin à cet enjeu majeur pour nos socié­tés. Sché­ma­ti­que­ment, nous tra­vaillons sur deux axes. 

Pre­miè­re­ment, nous contri­buons à l’atténuation du chan­ge­ment cli­ma­tique en sou­te­nant le déploie­ment de la géo­ther­mie qui reste une éner­gie décar­bo­née per­for­mante pour le chauf­fage indi­vi­duel, et en contri­buant à sécu­ri­ser l’approvisionnement en res­sources miné­rales indis­pen­sables à la tran­si­tion éner­gé­tique et au déve­lop­pe­ment des éner­gies bas car­bone. Nous tra­vaillons aus­si au pos­sible sto­ckage du CO2 dans des aqui­fères pro­fonds salins qui pour­raient être une solu­tion pour les émis­sions de CO2 irré­duc­tibles sur le long
terme.

Deuxiè­me­ment, nous œuvrons aus­si à l’adaptation au chan­ge­ment cli­ma­tique dans le cadre du Plan Natio­nal d’Adaptation au Chan­ge­ment Cli­ma­tique qui recom­mande d’anticiper dès aujourd’hui une éven­tuelle hausse de tem­pé­ra­ture qui pour­rait aller jusqu’à 4 degrés. Dans ce cadre, nous tra­vaillons sur les risques natu­rels et l’impact du chan­ge­ment cli­ma­tique sur le sol et le sous-sol. Cela se tra­duit d’ores et déjà par un retrait accé­lé­ré du trait de côte sous l’effet de l’élévation du niveau marin, une aug­men­ta­tion des épi­sodes cli­ma­tiques extrêmes qui impactent la res­source en eau ou le gon­fle­ment des argiles des sols… Autant de phé­no­mènes que nous obser­vons, quan­ti­fions et modé­li­sons afin de faire des pré­dic­tions sur le long terme dans une logique d’adaptation et d’atténuation, mais aus­si d’anticipation et de pré­ven­tion à l’échelle natio­nale et territoriale. 


Pour plus d’information

c.poinssot@brgm.fr

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