Le capital investissement, une activité économique jeune et pleine d’avenir
Une activité jeune
Le capital investissement, investissement en fonds propres dans des sociétés non cotées pratiqué de manière professionnelle, est une activité économique jeune. Elle a réellement décollé aux États-Unis dans les années soixante-dix avant de démarrer en Europe au début des années quatre-vingt.
Le capital investissement se pratique selon des stratégies variées utilisant tous les leviers de création de valeur :
- création d’un fonds de commerce et croissance pour la création d’entreprises, segment du capital-risque ;
- croissance de l’activité et des résultats pour l’accompagnement des entreprises existantes, segment du capital développement ;
- restauration de la rentabilité pour le redressement d’entreprises, segment du capital retournement ;
- croissance et levier financier de l’endettement pour les cessions d’entreprises, segment du capital transmission.
Une forte contribution au développement économique
C’est une activité qui contribue fortement au développement économique et est reconnue comme telle par les pouvoirs publics. Dans tous les pays, les études montrent que le capital investissement, dans tous ses segments, création, développement, retournement et transmission, favorise la création d’emplois et le développement des entreprises financées.
En France, par exemple, ce sont plus de 2 000 entreprises qui sont financées chaque année par le capital investissement. Depuis le début des années quatre-vingt, les pouvoirs publics, ayant reconnu le rôle clef de cette activité, ont favorisé par de multiples initiatives le développement de cette profession avec notamment :
- la création du second marché et du statut des fonds communs de placement à risque (FCPR) en 1983 ;
- le statut des sociétés de capital- risque (SCR) ;
- le régime d’intégration fiscale ;
- la création du nouveau marché ;
- les contrats d’assurance vie dits » DSK » ;
- les fonds communs de placement à l’innovation (FCPI).
Une activité en plein essor
Schéma 1 Montants investis en capital investissement en France (milliards d’euros) |
C’est une activité en plein essor comme le montre son évolution au cours des 5 dernières années (cf. schéma 1). Ainsi de 1995 à 2000 le volume total des investissements réalisés par les professionnels français a été multiplié par 8 avec une croissance homogène dans tous les segments. Même si la forte sensibilité de cette activité à la conjoncture économique permet de prévoir une stabilisation voire une régression dans certains segments pour 2001 et 2002, il restera une croissance très spectaculaire sur longue période.
Elle dispose, en France, d’un potentiel de développement très important. La meilleure illustration de ce potentiel est la comparaison du poids de cette activité dans l’économie globale entre les principaux pays (cf. schéma 2). Ainsi aux États-Unis, elle est 3,5 fois plus développée qu’en Europe et 5 fois plus qu’en France. En Europe, la France est 3 fois moins développée que la Grande-Bretagne et précède légèrement l’Allemagne.
Comment réaliser complètement ce potentiel ?
Pour répondre à cette question, il convient d’analyser les quatre principaux facteurs clefs de succès de cette activité :
- des capitaux pour investir ;
- des opportunités de création de valeur ;
- des outils juridiques et fiscaux efficaces ;
- des professionnels compétents et expérimentés.
Des capitaux pour investir
Schéma 2 — Investissements en 2000 en pourcentage du PIB |
Le capital investissement est une classe d’actifs parmi la palette des classes d’actifs au service des investisseurs institutionnels. Ceux-ci ont appris progressivement, au cours des trente dernières années, à l’intégrer dans leur stratégie d’allocation d’actifs. Les études, sur longue période, ont montré que l’investissement en actions, cotées ou non, est la classe d’actifs la plus performante et que le supplément de rentabilité apporté par l’investissement en actions non cotées compense pleinement les caractéristiques de risque et de liquidité de cette classe d’actifs.
Ceci explique la très forte croissance des allocations à cette classe aux États-Unis dans les quinze dernières années. Aujourd’hui de 5 à 7 % des actifs sont alloués à cette classe par les investisseurs institutionnels américains. L’Europe a suivi progressivement mais la France est très loin derrière avec moins de 0,5 % alloués à cette classe.
Comme dans toute activité économique, un marché intérieur puissant est un avantage stratégique majeur dans la compétition internationale. Il est donc vital, pour le développement du capital investissement en France, que les investisseurs institutionnels français augmentent très fortement leurs allocations à cette classe d’actifs. C’est un véritable challenge pour les pouvoirs publics, les professionnels et l’association qui les représente, l’AFIC, Association française des investisseurs en capital.
Des opportunités de création de valeur
On entend souvent dire qu’il y a trop de capitaux et pas assez d’opportunités de qualité. Même si c’est en partie vrai, il ne faut pas s’en plaindre car c’est une condition nécessaire du développement de cette activité. En réalité, l’offre excédentaire de capitaux accélère la croissance de la demande de capitaux. C’est le cas depuis plus de trente ans aux États-Unis ; c’est aussi le cas en France.
Ceci dit, il faut aussi que toutes les conditions soient réunies pour favoriser l’esprit d’entreprise et faciliter la création ou la transmission de sociétés. Il est certain qu’il y a là aussi beaucoup de progrès à faire en France.
Il faut enfin que l’évolution technologique et plus généralement l’innovation technique, industrielle ou commerciale soit porteuse de changements significatifs. Cela a été le cas dans les années quatre-vingt avec les ordinateurs personnels et l’éclosion des biotechnologies. C’est aujourd’hui le cas avec toujours les biotechnologies et les nouvelles techniques de communication, Internet et téléphonie mobile.
J’ai la conviction qu’au-delà des soubresauts de la » nouvelle économie » les évolutions technologiques en cours auront un impact majeur et durable sur notre vie et sur la quasi-totalité des secteurs économiques. De multiples opportunités verront, de ce fait, le jour et profiteront à de nouvelles sociétés ou à des sociétés existantes.
La France occupant une place très enviable dans ces domaines, cela créera un potentiel de développement considérable pour le capital investissement français dans les cinq à dix ans qui viennent.
Des outils juridiques et fiscaux efficaces
Avec les statuts des FCPR (fonds communs de placement à risque) et SCR (sociétés de capital-risque), la profession du capital investissement dispose de structures déjà très performantes. Les améliorations en cours du statut des FCPR faciliteront grandement le travail des professionnels. Des progrès restent cependant à faire au niveau des valeurs mobilières (absence des actions privilégiées remboursables par exemple) et de divers seuils comme les seuils pour l’intégration fiscale et le retrait obligatoire pour les sociétés cotées (fixés tous les deux à 95 %).
Des professionnels compétents et expérimentés
Le capital investissement est un métier très spécifique nécessitant des compétences fortes en matière de diagnostic de technologies et d’entreprises, de négociation de partenariats et de montages financiers, de gestion stratégique et opérationnelle. Il s’accompagne très généralement d’une participation active aux conseils d’administration. Il n’y a pas d’école de formation spécifique à ce métier et la plupart des nouveaux entrants ne disposent que partiellement des compétences requises.
En outre, les premières qualités recherchées par les investisseurs lorsqu’ils choisissent des gestionnaires sont intégrité, transparence et déontologie.
Au-delà de la formation interne dans chaque équipe et de la valeur irremplaçable de l’expérience, la profession a besoin d’une structure unifiée lui apportant des réponses efficaces aux besoins notamment en matière de formation et de déontologie.
Dans tous les pays où ce métier a décollé, une association professionnelle représente l’ensemble des professionnels quels que soient les stratégies et les modes d’exercice.
En France, c’est l’AFIC qui depuis 1984 représente la profession. Avec 170 membres actifs, elle rassemble la très grande majorité des acteurs représentant plus de 90 % des capitaux gérés par la profession. Son rôle est essentiel en matière de formation (de nombreux séminaires), de déontologie (nouveau code récemment adopté), de statistiques et de représentation auprès des pouvoirs publics, des investisseurs institutionnels et des médias.
J’ai la conviction que la plupart des acteurs, dont les dirigeants ont, en grande majorité, connu les difficultés du début des années quatre-vingt-dix, sont bien armés pour faire face aux défis des prochaines années.
Impact de la crise économique actuelle
Si j’ai souhaité axer cet article sur les évolutions structurelles d’une activité de long terme, il n’en reste pas moins, qu’à court terme, la crise économique a et aura un impact significatif sur la profession : baisse des capitaux levés auprès des institutionnels, baisse des investissements, diminution des performances, ralentissement de la rotation des participations.
L’importance de l’impact dépendra bien évidemment de l’ampleur et de la durée de la crise qu’il est difficile à ce stade de prévoir.
Il faut cependant rappeler une des leçons de la crise des années quatre-vingt-dix. Une crise a aussi des effets positifs : les meilleurs investissements se font en période de crise car l’on combine à la fois la croissance des performances opérationnelles liées à la sortie de crise et l’amélioration des multiples qui va de pair.