Le casse-tête logistique et environnemental de la vente en ligne
Derrière le e‑commerce et sa facilité d’usage pour le consommateur se trouvent de redoutables défis d’organisation logistique pour le fournisseur. Si la crise sanitaire a accéléré le passage à l’omnicanalité du commerce traditionnel, les performances de livraison et les exigences de l’expérience client n’en confrontent pas moins les fournisseurs aux défis environnementaux.
La distribution française a connu deux années très mouvementées, entre fermeture de magasins, jauge, confinement et couvre-feu, qui ont fortement accéléré la bascule vers le numérique. Si le e‑commerce alimentaire a connu des bouleversements majeurs avec l’arrivée récente du quick commerce et une promesse de livraison quasi immédiate, le e‑commerce non alimentaire a lui aussi connu de fortes mutations en très peu de temps : les pure players du e‑commerce ont dû adapter leurs capacités logistiques pour répondre à la forte croissance des volumes ; les acteurs click and mortar ont dû faire preuve d’une grande agilité dans la gestion de leur omnicanalité entre leurs magasins et leur site internet ; et de plus en plus de fabricants et de marques de produits de grande consommation se sont tournés vers la vente directe ou D2C (Direct to Consumer), sans passer par une entité intermédiaire (distributeur ou revendeur).
Dans le même temps, nous avons pu observer une évolution des pratiques des consommateurs du e‑commerce, qui achètent désormais un ensemble « produit, prix et services ». Parmi les services, l’usage du mobile, les modes de paiement et la livraison sont différenciants. La livraison en tant que service est un facteur déterminant pour le client.
Le défi des organisations supply chain e‑commerce est de répondre aux besoins de leurs clients en offrant des solutions de livraison rapides, flexibles, interactives et aussi respectueuses de l’environnement. La supply chain des acteurs click and mortar et des fabricants a été profondément transformée, car les organisations logistique et transport B2C sont fondamentalement différentes des organisations traditionnelles B2B. Certains acteurs, qui géraient jusqu’alors leur activité B2C sur les mêmes entrepôts que leur activité B2B, ont pris la décision de séparer leurs stocks B2B et B2C et de déléguer la gestion de leur supply chain e‑commerce à des experts de ce métier.
REPÈRES
En 2020, le commerce en ligne a été plébiscité par près de 42 millions d’internautes français (+ 1,5 million par rapport à 2019) et plus
de 112 Md€ de ventes ont été réalisés, soit + 12 % par rapport à 2019 (avec un panier moyen de 62 €). Depuis le début de la crise sanitaire,
le e‑commerce a en effet joué un rôle essentiel d’amortisseur économique, permettant notamment à des milliers de PME de poursuivre leur activité, et de lien social dans un contexte d’évolution forte des attentes des consommateurs.
Les spécificités de la logistique e‑commerce
C’est dans ce contexte que C‑Logistics, filiale supply chain de Cdiscount, qui opérait déjà la logistique et le transport B2C pour plus de 3 000 vendeurs marketplace, pilote désormais tout ou partie de la chaîne logistique de plus de 30 e‑commerçants, qu’ils soient pure players, click and mortar ou fabricants.
Les spécificités de la logistique e‑commerce résident dans trois capacités. D’abord la capacité à préparer des produits au sein d’entrepôts stockant des centaines de milliers, voire des millions de références, et à les expédier vers les clients dans un délai très court en particulier pour les flux express et le same day delivery (livraison le jour de la commande).
Ensuite la capacité à une grande agilité et flexibilité dans les opérations, en pouvant multiplier les capacités d’expédition par 5 à 10 entre les périodes basses d’activité et les périodes de pic (comme le Black Friday) dans l’année, mais aussi adapter les capacités hebdomadaires entre le début de semaine et la fin de celle-ci (expédition des commandes du week-end).
« Les pure players du e‑commerce ont dû adapter leurs capacités logistiques pour répondre à la forte croissance des volumes. »
Enfin l’optimisation des emballages via un travail sur la réduction de la taille des colis et une approche écoresponsable sur les emballages utilisés.
Chez C‑Logistics, nous avons répondu à ces besoins logistiques spécifiques par des approches innovantes déployées sur nos différents entrepôts. Le système robotisé Skypod de préparation Goods to man de la start-up française Exotec – désormais licorne – permet de multiplier par cinq la densité de stockage des produits, d’augmenter fortement la productivité de préparation, tout en améliorant nettement les conditions de travail par rapport au picking traditionnel.
Des machines d’emballage 3D permettent d’ajuster la taille du colis à la taille des produits composant la commande et ainsi de limiter le vide dans les colis, ce qui nous a permis de réduire de 30 % la taille des colis expédiés (- 10 000 camions sur les routes chaque année) et de 30 % la consommation de carton et de papier kraft. Un système d’information est totalement customisé pour répondre aux besoins spécifiques du e‑commerce : les flux sont « tirés » par les heures de départ des camions des différents transporteurs. Une organisation RH agile permet de multiplier par cinq les effectifs pour faire face au pic de fin d’année.
Click and mortar
L’anglicisme click and mortar, littéralement « clic et mortier », sert à qualifier une société traditionnelle, majoritairement issue de la distribution, qui a développé une activité économique en ligne. L’omnicanalité propose aux consommateurs une expérience globale et cohérente sur l’ensemble des canaux de vente et de relation client.
La livraison, facteur déterminant dans l’expérience client
La livraison est un enjeu majeur du e‑commerce, aussi bien sur le plan de l’expérience client, de l’excellence opérationnelle, que sur celui de la responsabilité environnementale. L’expérience client repose notamment sur la capacité à proposer l’offre de livraison la plus complète possible. C’est-à-dire à répondre aux attentes de chacun : concernant le lieu de livraison (domicile, relai, consigne) ou le délai souhaité (standard, express en J+1, livraison le jour même de la commande, sur créneau, le dimanche) ou encore l’impact environnemental du mode de livraison (carburant alternatif).
Afin d’optimiser l’expérience client, la livraison doit s’adapter au client et non l’inverse. C’est un facteur clé. Ainsi, une attention particulière doit être apportée à la flexibilité proposée (capacité à aider le client à gérer un impondérable, par exemple se faire livrer dans un relai plutôt qu’à domicile, modifier son jour de livraison) et à l’interactivité tout au long de la livraison (traçabilité à chaque étape, suivi en temps réel sur le dernier kilomètre). Le client doit pouvoir être acteur de sa livraison.
« La livraison de produits encombrants induit une complexité opérationnelle dans la logistique du e‑commerce. »
Ces sujets sont d’autant plus importants lorsqu’on parle de livraison de produits encombrants, car ce type de produits induit une complexité opérationnelle pour les logisticiens du e‑commerce. L’expérience doit être à la fois numérique (prise de rendez-vous en ligne, interaction avec le livreur) et de qualité. À ce titre, des applications permettent désormais aux clients de noter sur 5 étoiles la prestation de livraison.
Ces indicateurs en temps réel permettent de mesurer la perception des clients, concernant leur satisfaction et le respect des processus de livraison. Ces données sont à la fois un radar des besoins des clients, ainsi qu’un réel outil de management et d’animation des livreurs sur le dernier kilomètre. Grâce à cette démarche, la filiale de C‑Logistics, C Chez Vous, leader en France de la livraison de produits encombrants, a pu atteindre une note supérieure à 4,8÷5.
Réduire l’impact environnemental
La responsabilité environnementale de la livraison a toujours été un enjeu, mais il est aujourd’hui encore accru. Il porte à la fois sur les moyens utilisés et sur les modes de livraison proposés aux clients finaux. Cette démarche commence par les techniques d’emballage utilisées en entrepôt. À ce titre on peut citer les emballages réutilisables 100 fois de la start-up française Hipli, qui permettent d’éviter de générer des déchets.
Quant à la livraison à proprement parler, il existe aujourd’hui des solutions concrètes qui remplissent plusieurs objectifs. Les solutions alternatives à la route pour limiter l’impact environnemental : parmi elles, le TGV permet de transporter des colis d’une région à une autre en France. Associé à un premier et dernier kilomètre en énergie alternative (électrique, bioGNV), cela permet de proposer à la fois un service de livraison rapide (le jour même de la commande) et écoresponsable.
“Mesurer en temps réel la perception des clients.”
De plus, le développement des véhicules électriques permet par exemple de couvrir des villes entières, que ce soit pour les petits colis ou pour les produits encombrants (exemple de la livraison par vélo-cargo à assistance électrique pour C Chez Vous par la start-up Fends la bise à Lyon). Une autre solution est de rapprocher les zones rurales des points de retrait de colis. C’est ce que propose la start-up Agrikolis que C‑Logistics a accélérée dans son incubateur, The Warehouse, en 2019, avec son réseau de points de retrait pour produits volumineux chez les agriculteurs.
Ce projet remet l’humain au cœur des enjeux de livraison : l’agriculteur peut, par la gestion de cette activité secondaire, mutualiser ses moyens et promouvoir sa production. Pour le client, cela lui évite de parcourir des dizaines de kilomètres pour récupérer son produit et lui permet de découvrir des circuits courts de consommation. C’est notre rôle de mettre en valeur ces solutions innovations qui répondent aux enjeux à la fois de satisfaction client et de responsabilité environnementale et sociétale en matière de livraison. C’est dans cet esprit que Cdiscount a signé, en juillet dernier, conjointement avec le gouvernement et avec quatorze autres acteurs du commerce en ligne, la charte pour un e‑commerce responsable.
L’innovation, moteur de la supply chain
Qui dit innovation dit start-up : la France est un vivier exceptionnel de start-up. Des pépites qui ont cependant besoin d’être accompagnées pour pleinement donner leur potentiel. Nous considérons que c’est notre rôle naturel de favoriser l’émergence de ces pépites et surtout de les accompagner dans leurs différentes phases de développement et d’accroître leurs performances comme la nôtre.
Pour détecter et favoriser l’émergence des solutions de demain, il faut animer efficacement notre écosystème constitué de start-up, de grands groupes, d’industriels, de laboratoires de recherche, d’écoles. Cet écosystème doit répondre à des besoins clairs : l’amélioration de l’expérience utilisateur et des conditions de travail, l’optimisation de la performance et la réduction de l’impact environnemental.
Afin d’itérer rapidement et d’accélérer l’accès au marché, notre programme d’innovation ouverte s’adapte et se met à l’échelle temporelle des start-up : si le produit ou le service de la start-up est finalisé, l’objectif est de tester rapidement la solution (POC Factory, 15 proofs of concept par an). Durée : moins de six mois.
Si la solution nécessite d’être codesignée (état de concept ou de prototype), notre accélérateur de start-up, The Warehouse, est l’approche la plus adaptée. Durée : six à dix-huit mois.
Un autre axe est la R & D partagée avec des partenaires. C’est ce que nous faisons, par exemple, au sein de la chaire « Supply Chain du futur » des Ponts et Chaussées (aux côtés de Louis Vuitton, Renault et Michelin), où nous travaillons sur des enjeux stratégiques partagés : l’automatisation des entrepôts, l’IoT, la blockchain et la supply chain décarbonée.
Agilité, flexibilité, innovation et responsabilité sociétale et environnementale, tels sont les atouts d’une supply chain e‑commerce performante qui permettent d’accompagner durablement les évolutions rapides du commerce vers le numérique.