Le Châtelet à travers les âges
Une nouvelle ère s’ouvre pour le Châtelet, scène historique dont les origines remontent à plus de dix siècles
© MARIE-NOËLLE ROBERT/CHÂTELET
Mentionnés dès le IXe siècle et reconstruits sous Louis VI le Gros en 1130, le Grand et le Petit Châtelet sont, à l’origine, deux forteresses parisiennes destinées à protéger les entrées nord et sud de la Cité.
Au XVIIe siècle, Louis XIV transforme le Grand Châtelet en prison pour les criminels de droit commun. Le Châtelet devient alors un symbole plus terrifiant encore que celui de la Bastille.
En 1802, Napoléon donne ordre de démanteler la prison du Grand Châtelet dont les fondations s’enfonçaient à 18 mètres sous le niveau de la Seine. Les pierres sont récupérées et servent à la construction de la maison des Notaires, toujours visible aujourd’hui, dans l’axe du Pont-au-Change.
Sous le Second Empire, le percement des boulevards haussmanniens entraîne la destruction de plusieurs théâtres du célèbre « boulevard du Crime ». Pour reloger certains expulsés, la Ville de Paris ordonne la construction de nouvelles salles sur des terrains lui appartenant.
Deux d’entre elles sont confiées à l’architecte Gabriel Davioud, de part et d’autre de la Fontaine-du-Palmier sur les bords de la Seine. C’est ainsi que sont édifiés entre 1860 et 1862 le Théâtre lyrique (par la suite Théâtre Sarah-Bernhardt, puis Théâtre de la Ville) et le Théâtre impérial du Châtelet (l’ancien Théâtre impérial du Cirque).
Le 19 août 1862, le Théâtre impérial du Châtelet donne son spectacle inaugural en présence de l’impératrice Eugénie : Rothomago, féerie de MM. d’Ennery, Clairville et Monnier. Avec ses 2 500 places et une scène de 24 x 35 mètres, ce théâtre est alors la plus grande salle de Paris.
À partir de 1873, le Châtelet joue un rôle primordial dans la vie musicale française avec l’installation de l’Association des Concerts Colonne. Dirigé par son fondateur Édouard Colonne jusqu’à sa mort en 1910, l’Orchestre Colonne fait découvrir au public du Châtelet les compositeurs français de son époque (Bizet, Saint-Saëns, Lalo, Massenet, Ravel…), ressuscite le génie de Berlioz, mais joue également Mendelssohn, Wagner, Liszt, Schumann, Brahms… Des compositeurs tels que Tchaïkovski, Grieg, Richard Strauss ou Debussy viennent y diriger leurs propres œuvres. D’autres orchestres sont aussi invités. En 1900, Gustav Mahler y dirige son premier concert en France à la tête de l’Orchestre philharmonique de Vienne.
En 1908, sous l’égide de l’impresario et éditeur de musique Gabriel Astruc, le Châtelet est le lieu d’un véritable séisme avec la première saison des Ballets russes de Diaghilev, mêlant art lyrique et chorégraphique.
La soirée du 19 mai 1909 est réellement historique. Le Tout-Paris y sacre ses nouvelles idoles en la personne des danseurs Tamara Karsavina, Anna Pavlova et Vaslav Nijinski, dans des décors et costumes d’Alexandre Benois et de Léon Bakst. Quelques jours plus tard, Feodor Chaliapine fait au Châtelet sa deuxième grande prestation parisienne, dans le rôle-titre d’Ivan le Terrible de Rimski-Korsakov.
En 1910, Astruc propose une saison italienne avec la troupe du Metropolitan Opera de New York amenée par Arturo Toscanini. C’est aussi pour les Parisiens l’occasion d’applaudir le grand Caruso dans I Pagliacci, Aïda ou lors de la création parisienne de Manon Lescaut de Puccini.
De 1928 à 1966, le Théâtre du Châtelet est dirigé par Maurice Lehmann. Celui-ci se lance dans l’opérette à grand spectacle et signe lui-même de nombreuses mises en scène. C’est au Châtelet que le public parisien peut alors découvrir les musicals qui font fureur à Broadway. En 1941, Maurice Lehmann connaît son plus grand succès avec Valses de Vienne sur les musiques de Johann Strauss père et fils. Viendront ensuite L’Auberge du cheval blanc (1948), Le Chanteur de Mexico (1951), Méditerranée (1955), Monsieur Carnaval (1965)… où l’on retrouve les noms de Fernandel, Luis Mariano, Francis Lopez, Tino Rossi, Georges Guétary…
En 1980, après une période contrastée et le réaménagement de la salle, la Ville de Paris reprend le Châtelet, dénommé Théâtre musical de Paris (TMP), qui ouvre à nouveau sous la direction de Jean-Albert Cartier et la présidence de Marcel Landowski. La programmation et le prix des places doivent attirer le public le plus large. Au début, le TMP accueille de nombreuses productions françaises et étrangères, organise des coproductions et abrite certaines manifestations parisiennes (Festival d’Automne, festivals de danse, de poésie, de jazz…).
Lorsque Jean-Albert Cartier décide de quitter le Théâtre musical de Paris, son adjoint, Stéphane Lissner, est nommé à la tête du théâtre. La salle reprend son nom originel de Théâtre du Châtelet. L’ambition de Stéphane Lissner est de redonner au Châtelet le prestige international, le rôle de création et d’innovation qu’il a connus au début du siècle, dans un esprit d’ouverture où se trouvent réunis toutes les formes de spectacle et les genres musicaux les plus variés. Les saisons musicales s’organisent autour de « cycles » faisant appel aux meilleurs orchestres, chefs et solistes : « Intégrale Gustav Mahler », « L’Europe musicale de 1650 à 1750 », « La musique française de Berlioz à Debussy », « Musique de notre siècle », Robert Schumann, Béla Bartok, Richard Strauss, Ludwig van Beethoven, Arnold Schoenberg, Igor Stravinsky, Hommage à György Ligeti, Bicentenaire Franz Schubert.
Rénovations
Pendant ces vingt dernières années, la Ville de Paris a engagé des travaux importants.
En 1979, la fosse d’orchestre, les planchers de la scène et les fauteuils sont refaits. En 1989, l’acoustique et la visibilité sont améliorées, et la salle réaménagée pour un meilleur confort. En revanche, depuis les années 50, la cage de scène n’a bénéficié d’aucune intervention conséquente, hormis des renforcements ponctuels de charpente qui ont dû être réalisés en décembre 1995.
Le volume de la cage de scène, dont l’importance est impressionnante, 18 000 m3, renferme la partie vive, mais cachée, du théâtre, c’est-à-dire l’ensemble de la machinerie scénique et les cases à décors. Cet espace s’étend :
- en hauteur : des fondations à la charpente,
– en largeur : du mur côté jardin (à gauche lorsqu’on regarde la scène à partir de la salle) au mur côté cour (à droite),
– en profondeur : de l’avant-scène au mur lointain.
© CHÂTELET
On peut diviser cet espace en trois zones distinctes : les dessous, la scène, les cintres.
C’est dans les cintres que sont manipulés et stockés en partie les décors. C’est aussi le lieu d’accrochage des différents systèmes d’éclairage montés sur des herses. Les cintres supportent donc plusieurs tonnes de machinerie et équipements divers. Ils se composent eux-mêmes de différents éléments :
- le gril et le faux gril, qui constituent le plafond technique de la cage de scène,
– les passerelles, permettant aux techniciens de circuler et de procéder aux mouvements de décors. Au Châtelet, elles se répartissent sur trois niveaux, appelés « services »,
– les équipes : porteuses, perches, poulies, « commandes ».
Outre ces éléments « scénographiques », les installations électriques de la cage de scène, alimentées par cinq réseaux issus du tableau général basse tension sont remises aux normes. S’agissant des installations de secours, le réseau d’incendie est remplacé par des appareils normalisés : l’ensemble des dispositifs, rideau d’eau, « grand secours » est remis en état.
Par ailleurs, les divers réseaux courants faibles, sonorisation, vidéo, téléphone, intercom, sonneries d’appel informatique, pilotage de l’éclairage scénique, lignes Radio France, sont remis en état et optimisés.
Le Châtelet aujourd’hui
Mais qu’est-ce qui anime le Théâtre du Châtelet tous les jours ? Peut-on imaginer qu’il y a cent trente permanents dans cette entreprise ? Auriez-vous pensé qu’il faut environ vingt-cinq personnes pour l’accueil de deux mille spectateurs chaque soir, et le contrôle des spectacles.
Le Théâtre parvient à concentrer plus de deux cent dix représentations sur dix mois de l’année. Huit cents artistes en alternance nous offrent leurs talents divers : soixante midis musicaux et trente dimanches matins, vingt concerts de renommée internationale, dix récitals et, bien sûr, les douze opéras et ballets de la saison.
Tout ceci ne peut exister que par l’apport des subventions de la Ville de Paris (deux tiers du budget du Théâtre), du mécénat d’entreprises et de particuliers. Pour permettre à cette grande scène lyrique de subsister et d’offrir des spectacles de qualité, pour que les jeunes puissent découvrir ce qui nous émeut tous dans l’expression artistique, on se doit d’aider le Théâtre.
Téléphone : 01.40.28.29.29,
ou CIAM.chatelet [at] wanadoo.fr
Le Cercle international des amis et mécènes du Châtelet (ou CIAM Châtelet) offre de nombreux avantages aux amis donateurs.
Siècle après siècle, notre culture s’est élaborée à travers l’art, et pour qu’il se développe et nous imprègne, il lui faut des moyens. Pour qu’une scène soit vivante, il lui faut des mécènes. Elle en a toujours eu : rois, aristocrates, grands bourgeois, et aujourd’hui tous les amis de l’art. Ce rôle de mécène nous incombe désormais.
Amoureux du théâtre lyrique, chanteur à mes heures, je me suis engagé comme bénévole pour aider le Théâtre du Châtelet parce qu’il est précurseur, parce qu’il est à l’image de Paris, parce qu’il est une scène de prestige. Vous aimez un festival permanent ? Aidez-le aussi !