Le coaching de la transformation des entreprises
La transformation de l’entreprise et ses enjeux pour le dirigeant
Pour illustrer les mécanismes en jeu dans un processus de transformation, prenons l’exemple d’un alpiniste engagé dans une course de haute montagne. Comment s’adapte-t-il à la haute altitude ?
- tout d’abord, sa respiration et son rythme cardiaque s’accélèrent afin de maintenir la quantité d’oxygène dont il a besoin ;
- puis son métabolisme commence à se modifier pour intégrer de façon durable les effets de la raréfaction de l’air. L’organisme accroît ainsi sa souplesse et se prépare à répondre à de nouvelles exigences de l’environnement.
Intégrer rapidement les évolutions durables de l’environnement
À l’image de notre alpiniste, lorsque l’entreprise se contente de réagir à l’environnement par des ajustements de son fonctionnement, elle privilégie une réponse à court terme sans remettre en cause les anciens schémas de l’organisation. Or les approches du passé conduisent à des impasses : faute d’une intégration en profondeur du nouveau contexte et de sa dynamique, l’entreprise voit ses marges de manœuvre se réduire progressivement. Elle se contraint à » respirer plus vite « .
Le dirigeant doit donc discerner les évolutions de fond de l’environnement et de son entreprise et mettre l’entreprise en stratégie pour lui permettre d’agir sur les impasses qui se dessinent, restaurer ses marges de manœuvre et, par anticipation, faire l’expérience de ce qu’elle veut devenir pour développer sa force. Ainsi, l’acclimatation à la haute altitude d’un alpiniste qui a l’ambition de gravir un sommet élevé résulte, non pas de ce qui lui arrive le jour J, mais des initiatives qu’il prend dès à présent pour se transformer lui-même (courses de préparation, séjours en refuge, etc.).
Ce faisant, il développe sa capacité respiratoire et change son rapport à l’environnement : observez le surcroît de forme qu’il acquiert ainsi, dès la basse altitude.
S’ouvrir à de nouvelles manières de voir
Le partage de la vision stratégique entre les membres de l’équipe dirigeante nécessite que chacun d’eux accepte de remettre en cause ses propres conceptions, celles-ci influençant fortement notre perception de la réalité. Le rôle clé du coach est ici d’ouvrir un espace de partage puis d’opérer un recadrage qui permette le croisement critique et en conscience de ces différents regards
Citons le cas d’une mission que nous avons effectuée auprès d’un grand groupe industriel menant à l’international des projets d’infrastructures complexes, et leader mondial dans son secteur. Le dirigeant d’une de ses principales divisions était confronté à la nécessité de renforcer la maîtrise de la rentabilité des projets. Le processus de coaching a permis à l’équipe dirigeante de prendre conscience du fait que coexistaient, au sein de l’entreprise, pas moins de trois conceptions différentes de ce qu’est un » projet « . En fonction de ces conceptions, le directeur de projet était tantôt considéré comme le responsable du contrat, tantôt comme le patron d’un centre de profit en charge du projet, ou encore comme le pilote d’équipes transverses intervenant sur le projet. L’équipe fut alors invitée à comparer ces différents modèles et à les mettre en relation avec certaines zones de flou et incompréhensions qui persistaient au sein de l’organisation. Une fois ce travail réalisé, l’équipe dirigeante fut en mesure de construire une nouvelle approche des projets répondant efficacement aux enjeux.
Fonder l’action collective sur un socle de valeurs et de comportements
Revenons à notre alpiniste et supposons-le à présent engagé dans une expédition himalayenne dont le but soit la conquête d’un 8 000. Quelle stratégie cette équipe adopte-t-elle vis-à-vis de la contrainte de la haute altitude ?
La stratégie généralement employée, et qui a démontré à maintes reprises son efficacité, repose sur la mise en place progressive de camps d’altitude où sont apportées les bouteilles d’oxygène nécessaires à l’assaut du sommet. Le but de ce mode de fonctionnement est de faciliter l’acclimatation des hommes afin qu’ils préservent les forces dont ils auront besoin pour atteindre le sommet ou pour surmonter des obstacles imprévus.
Observons que le succès d’une telle stratégie est fortement conditionné par le bon fonctionnement du groupe d’alpinistes qui se base, d’une part sur une méthode structurée, et d’autre part sur une confiance mutuelle, des valeurs communes et le but que celui-ci s’est fixé (que l’un au moins d’entre eux atteigne le sommet). Sans ses repères, il serait difficile pour notre alpiniste de jouer pleinement son rôle (contribuer à la mise en place du dispositif sans aucune assurance de pouvoir lui-même tenter le sommet) car celui-ci lui paraîtrait ingrat, ce qui rendrait le fonctionnement décrit très périlleux.
De façon similaire, dans une entreprise, l’adoption de nouveaux modes de fonctionnement est un levier puissant d’innovation et de création de valeur car elle permet de combiner avec souplesse l’action et les ressources de l’équipe. Cependant, passer d’une simple intention à la mise en œuvre efficace de ces nouveaux fonctionnements requiert du dirigeant qu’il prenne soin – à l’instar d’un chef d’expédition himalayenne – d’affirmer au préalable le socle de valeurs, buts et comportements qui serviront de repères durables aux individus durant toute la transformation et qui constituent en quelque sorte l’ADN de l’organisation.
Les principes d’actions au service du pilotage de la transformation
Notre expérience de l’accompagnement des dirigeants et de leurs équipes montre que le processus de changement des individus exige le respect d’un certain nombre d’étapes. C’est pourquoi nous replaçons systématiquement le processus de transformation individuelle des personnes au cœur du processus de changement de l’entreprise afin d’assurer une mobilisation plus efficace de ses ressources (tout en évitant de générer des résistances inutiles) et de permettre à la transformation de s’effectuer aussi rapidement que possible. Notre philosophie d’action se base sur plusieurs principes.
Adapter la stratégie de mise en œuvre à la dynamique comportementale individuelle et collective
Dans un projet de changement, les acteurs de l’entreprise se trouvent confrontés à une situation inhabituelle qui exige d’eux l’atteinte de résultats opérationnels dans un laps de temps court et un contexte complexe.
Or les individus réagissent de façon différente aux situations nouvelles en fonction de leurs préférences comportementales et de leur propre style d’apprentissage. Ainsi, certains ont d’abord besoin de comprendre les principes globaux alors que d’autres apprennent sur la base d’un mode opératoire, et que d’autres privilégient l’apprentissage au contact du coach en vivant directement avec lui une situation réelle. Afin de favoriser les apprentissages clés, le coach veillera donc à s’appuyer à chaque fois que possible sur le style naturel de la personne.
L’organisation, tout comme l’individu, a également ses préférences et il s’agit d’en tenir compte dans la façon de la mettre en mouvement. Prenons l’exemple d’une entreprise dont la culture dominante est l’excellence opérationnelle, en d’autres termes une entreprise dont la préoccupation principale est la parfaite maîtrise de ses processus et de ses coûts pour obtenir des produits fiables et de qualité. Nous accompagnons plusieurs organisations de ce type qui représente, dans la typologie de cultures organisationnelles utilisée par Mediator International, l’un des quatre types les plus répandus. Dans ce type de culture, l’expérience montre que les acteurs porteurs du changement auront intérêt, pour rassembler le soutien nécessaire, à s’appuyer sur une lettre de mission officielle. De plus, les discours sont ici de peu d’effet car pour convaincre, il s’agit avant tout de prouver : les acteurs devront donc orienter leur action vers l’obtention rapide de premiers résultats (au moyen d’une expérimentation par exemple). Notre expérience nous montre que ce n’est qu’une fois la preuve faite que la généralisation peut être déployée sans résistances majeures.
Encore faut-il veiller à réconcilier les contrastes culturels, faute de quoi ils pourront ultérieurement constituer des points de blocage forts vis-à-vis des évolutions annoncées. Dans ce type de culture organisationnelle, afin d’éviter que ne se crée une opposition factice entre logique de coût et logique de développement, il sera par exemple utile de poser une question de la forme : » quel mode de développement mettre en œuvre qui permettra de réduire les coûts ? »
Prendre en compte les émotions
Comme vous l’avez sans doute vous-même observé, lorsqu’à l’issue d’une réflexion commune une équipe s’engage sur une liste d’actions avec la meilleure volonté du monde mais sans avoir pris la peine d’écouter ce qu’au fond d’eux ils ressentent et ce qui pourrait les gêner, cela conduit souvent in fine à ce que très peu d’actions se réalisent : c’est le syndrome de » la tête plus grosse que le ventre « . Parce que la véritable motivation des personnes prend sa source dans les émotions, l’accompagnement doit d’emblée à la fois intégrer les dimensions stratégiques et émotionnelles.
Veiller au maintien de la cohérence d’ensemble durant les différentes phases de la transformation
Le dirigeant, avec le support du coach, doit s’assurer que les valeurs sont concrètement traduites dans les comportements et modes de fonctionnement de l’entreprise, faute de quoi le fonctionnement de l’entreprise risque de perdre en cohérence et en performance, et d’anciens modes de fonctionnement pourraient perdurer de façon plus ou moins officieuse.
Citons l’exemple d’une mission concernant un projet de fusion entre deux sociétés européennes du domaine de l’aéronautique, dont les dirigeants avaient affirmé un ensemble de valeurs (telles que » entrepreneurship « , » accountability « …) pour la nouvelle société commune. Dans un premier temps, nous les avons invités à expliciter comment ils déclinaient chacune de ces valeurs en changements clés dans la façon de fonctionner de l’organisation afin que chacun puisse comprendre le nouveau cadre de référence. Puis, dans l’accompagnement du projet de transformation, nous avons impliqué un certain nombre d’acteurs clés afin qu’ils déterminent rapidement un ensemble cohérent de règles opérationnelles couvrant en particulier certaines zones sensibles de l’organisation. Nous avons animé cette action sur la base d’une méthodologie permettant de garantir la cohérence d’ensemble de ces règles tout en encourageant les acteurs à prendre une autonomie maximale.
Soulignons enfin que pour susciter la confiance et l’adhésion des membres de l’entreprise, il est essentiel que la façon dont le projet est mené soit exemplaire en s’appuyant sur des principes et des valeurs clés exprimés. L’exemplarité du comportement des dirigeants est à cet égard cruciale, car c’est largement sur la base de l’observation de modèles que se réalise l’apprentissage de nouveaux comportements.
L’organisation, telle une cordée d’alpinistes, doit donc pour » gravir sa montagne » choisir, non pas la ligne de plus grande pente, mais la voie qui lui permette de se mettre en mouvement et de progresser le plus rapidement possible, en suivant ses propres repères, en travaillant le geste juste et en restant attentive à ce qui se passe autour d’elle. Telle est la nature du raccourci qu’il lui faut trouver.
Henri Cartier-Bresson disait que le critère d’une photographie réussie est » l’alignement sur la ligne de mire du regard, de la tête et du cœur « . Aussi veillons-nous dans notre approche à prendre en compte et réunir la tête – la stratégie, la méthode, les formes de pensée – et l’intelligence du cœur qui permet une vision juste des besoins de l’autre, en partant du regard qu’il porte sur les choses.