Le coaching des leaders ou « diriger en pleine maîtrise »
Les circonstances amenant un dirigeant à faire appel à un coach sont multiples : un changement imprévu de contexte, le besoin de travailler sur son leadership, la construction d’une équipe puissante, une période de crise, un changement ou une opportunité stratégique, une interrogation sur l’inflexion qu’il veut donner à sa carrière, etc. Après vingt-cinq ans de direction d’entreprises et sept années de pratique de coaching de dirigeants, je crois que l’essentiel du coaching pour les dirigeants réside dans le besoin de découvrir en eux puis d’utiliser toute l’amplitude et la diversité de leur personnalité. Le coach va les aider à construire et à développer leur propre personnalité de leader.
En effet, l’entreprise offre rarement au dirigeant la possibilité d’exprimer son imaginaire, ses rêves, ses émotions, ses valeurs et ses croyances personnelles, encore moins ses doutes profonds et son manque de confiance en lui, dans les autres ou dans la société. Toutes ces facettes humaines recèlent des richesses et un potentiel mal exploités pourtant impératifs pour un leader. Au contraire, non exprimées ou analysées, elles peuvent polluer les décisions et la sérénité du dirigeant, et par conséquent limiter son impact. Elles peuvent diminuer sournoisement la fierté qu’il a de lui en érodant son éthique, ses idéaux et ses valeurs personnelles.
On pourrait définir l’objectif du coaching de dirigeant comme : réduire au minimum (ou tout au moins accepter pleinement) les écarts entre ce que le dirigeant pense réellement, ce qu’il en exprime et ce qu’il fait. Ce travail permet d’arriver à un niveau de conscience de soi, de concentration et d’énergie beaucoup plus élevé. Les peurs et les envies sont ainsi regardées en face et des solutions inédites émergeront naturellement de l’esprit du dirigeant. Le discours intérieur est apprivoisé pour laisser plus de place aux possibles. Ce processus d’ouverture et d’intégration permet une focalisation juste et profonde sur l’essentiel. La différence en termes de sérénité et d’efficacité viendra de là.
Le travail de coaching peut prendre différentes voies. Il n’y a pas de processus tout tracé. Chaque cas est différent. C’est un parcours de création et de découverte. Par exemple, il nous arrive de faire réfléchir un dirigeant sur la vision de son rôle, de sa valeur ajoutée ou de ce qu’il considérerait comme un véritable succès pour lui. Ces points de départ en apparence anodins conduisent rapidement le dirigeant loin des discours habituels et simplificateurs sur le ROE * ou sur les courbes de croissance ou sur la pression des actionnaires et du marché ou sur les stéréotypes du leadership.
Il va parler de lui, de sa vision et de ses représentations mais aussi de ses craintes et des limites qu’il s’impose souvent sans le savoir, etc. Ainsi apparaîtra la matière à partir de laquelle émergeront de vraies convictions sur lesquelles il pourra ensuite s’appuyer. Ces dernières l’amèneront à clarifier son analyse, à aller à l’essentiel, à donner du sens et à agir de façon juste.
Elles agissent un peu comme les racines principales d’un arbre qui captent la sève là où elle est puis la dirige là où il faut, quelle que soit la nature du sol. Elles sont une ressource et une source d’équilibre permanentes pour lui. Le processus de coaching aide à révéler, construire et mettre en œuvre ses richesses présentes mais souvent éparpillées ou oubliées. Il est vrai que cela demande du courage d’être soi et non d’être ce que les autres souhaitent voir en vous. Un sentiment de plus grande liberté naît alors chez le dirigeant. Il se sent beaucoup plus lui-même. C’est là le signe d’un coaching réussi.
L’expression des dirigeants devient alors étonnante de justesse, de simplicité et de pragmatisme. Vous trouverez ci-après quelques exemples qui se sont révélés efficaces dans le contexte d’entreprises différentes, à un moment de leur histoire et en fonction de la personnalité du dirigeant. Ce ne sont pas des vérités générales, elles restent spécifiques et personnelles. N’essayez pas de les appliquer telles quelles, car elles sont le résultat d’un long travail de maturation et d’expériences individuelles. La force de ces convictions réside dans la foi que le dirigeant y met. Cela devient comme une règle de conduite fondamentale pour lui qu’il applique, sait décliner dans toutes les circonstances et qu’il évite d’enfreindre :
- » Cette entreprise ne mourra pas d’une erreur stratégique mais pourrait mourir à petit feu sans que nous le voyions si nous ne restons pas attentifs et exigeants sur les fondamentaux de notre métier… » ;
- » Si nous appliquons partout en interne, dans tous nos processus et nos décisions, ce que nous souhaitons que les clients vivent en venant chez nous, nous serons la référence… » ;
- » Si vous ne m’expliquez pas en quoi votre proposition apporte de la valeur ou de la facilité à nos clients ou aux gens qui les rencontrent, je ne vous écoute plus… » ;
- » La stratégie se construit en passant la moitié de son temps sur le terrain à écouter les gens, au contact des clients et des concurrents, et non dans les analyses et les présentations PowerPoint. J’attends de mes collaborateurs qu’ils gèrent leur temps ainsi… » ;
- » Je crois que chaque personne peut progresser chaque jour. Je me demande régulièrement : Qu’est-ce que j’ai appris ? Qu’est-ce que j’ai donné ? Tirer le maximum de leçons et les partager avec les autres est un trésor considérable présent sous nos pieds… La moitié du temps en comité de direction est passé sur ce thème » ;
- » Si les 75 dirigeants de cette unité partagent la même représentation et compréhension de l’environnement et des objectifs communs, les décisions se prendront et s’aligneront instantanément sans que j’intervienne. C’est cela être réactif et souple… Passer du temps à se réunir pour échanger et débattre est l’investissement le plus rentable que je connaisse dans un contexte instable » ;
- » Si je veux des acteurs impliqués fiers de ce qu’ils font, je dois d’abord les écouter puis les convaincre, jamais leur imposer… Ils doivent croire à ce qu’ils font, sinon je ne décide pas » ;
- » Je ne paye pas mes collaborateurs pour savoir s’ils savent faire des additions (cf. les présentations chiffrées). Ce qui m’intéresse c’est qu’ils croient à ce qu’ils disent, et qu’ils soient passionnés par ce qu’ils font… » ;
- » Je prends le temps de construire avec chacun de mes collaborateurs une relation de confiance. Elle est différente avec chacun mais c’est pour moi le seul moyen d’être serein après. Je n’ai plus besoin d’être au courant de ce qui se passe… « , etc.
Nous savons par expérience du coaching que chaque dirigeant est capable de trouver ses propres formulations. Pour y parvenir, la matière sur laquelle intervient le coach est le récit du dirigeant et ses comportements. Le reste est une question d’expérience, de calme et d’intuition. Pour exercer son métier le coach doit avoir lui-même connu une expérience de développement personnel, être au clair quant à sa relation au pouvoir et être animé par l’envie de faire progresser et réussir les autres.
Quant au processus de coaching lui-même, il repose sur quatre ingrédients :
- l’envie du dirigeant de bouger sans laquelle il ne peut y avoir de remise en cause et de travail véritable,
- des situations professionnelles réelles sans lesquelles il n’y aura pas d’objectif opérationnel ni de passage à l’acte,
- l’aptitude du coach à créer et gérer une relation de confiance dans la durée sans laquelle le dirigeant ne s’exposera pas,
- la gestion d’un échange créatif sans lequel il n’y aura pas de développement du dirigeant par lui-même (c’est la différence essentielle avec le » mentoring »).
L’écoute, le questionnement et les relances du coach lors des sessions de travail ont pour but de faire évoluer le regard du dirigeant sur la vision qu’il a de lui, de son environnement et des autres. Ces trois changements de regard vont l’amener à libérer des ressources en lui ou bien faciliter la libération des ressources dans son entourage. Quand le dirigeant dit clairement ce qu’il veut, qu’il y croit, qu’il sait comment agir et qu’il a décidé de sa façon de diriger, alors une grande partie du chemin est parcourue.
À ce moment-là, le coach doit gérer la progression du dirigeant comme celle d’un champion pour maintenir le rythme et le moral dans sa progression.
En effet, » Diriger en pleine maîtrise » impose de laisser tomber certaines béquilles placées là auparavant par facilité ou pour se sécuriser.
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* Return on equity.