Collège de France

Le Collège de France et les X au XIXe siècle

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°796 Juin 2024
Par Antoine COMPAGNON (X70)

Le Col­lège de France a entre­te­nu une rela­tion par­ti­cu­lière avec l’École poly­tech­nique au XIXe siècle, alors que les deux éta­blis­se­ments étaient voi­sins sur la mon­tagne Sainte-Gene­viève. Durant cette période, le nombre des chaires scien­ti­fiques aug­men­ta peu à peu et elles prirent le pre­mier rang sur l’affiche. Les X les occu­pèrent en majo­ri­té (mis à part les chaires de méde­cine, qui ne seront pas exa­mi­nées dans cet article). Une seconde livrai­son s’intéressera à quelques-uns des pro­fes­seurs les plus remar­quables. Le XXe siècle connut à cet égard un chan­ge­ment fon­da­men­tal, puisque ce sont les nor­ma­liens qui pro­gres­si­ve­ment mono­po­li­sèrent les chaires scien­ti­fiques du Collège.

Si le Col­lège de France sur­vé­cut à la Révo­lu­tion, à la dif­fé­rence des aca­démies, des autres col­lèges et de l’Université de Paris, il le dut sans doute à sa petite taille et à sa moindre visi­bi­li­té, mais aus­si au fait qu’il avait déjà accom­pli une sorte de révo­lu­tion, ou du moins de réforme, au cours des deux décen­nies pré­cé­dentes. À par­tir de la fin des années 1760, plu­sieurs chaires scien­ti­fiques avaient été sub­sti­tuées aux chaires tra­di­tion­nelles. Le duo qui mena à bien cet aggiorna­mento se com­po­sait de l’abbé Jean-Jacques Gar­nier (1729−1805) et de l’astronome Jérôme Lalande (1732−1807), dans les bonnes grâces du ministre de la Mai­son du roi de 1749 à 1775, le comte de Saint-Flo­ren­tin, deve­nu duc de La Vrillière en 1770, char­gé de la direc­tion du Collège.

Une révolution conceptuelle

À la ren­trée de 1794, Lalande, ins­pec­teur du Col­lège depuis 1791, prit une ini­tia­tive pro­pre­ment révolution­naire et qui se révé­la irré­ver­sible : l’ordre des dis­ci­plines fut ren­ver­sé sur l’affiche et les sciences pré­cé­dèrent désor­mais les lettres ; en outre, l’astronomie prit la place des mathé­ma­tiques comme pre­mière des sciences et figu­ra donc en tête de l’affiche (là où se trou­vait aupa­ra­vant l’hébreu). Lalande s’en expli­qua dans le registre le 21 novembre 1794 : « J’ai chan­gé l’ordre du pro­gramme en met­tant les sciences avant les langues, et l’astronomie qui est la plus éle­vée par son objet, par son ancien­ne­té m’a paru devoir être la pre­mière. » L’influence de la franc-maçon­ne­rie ain­si que l’autorité de l’inspecteur et doyen d’élection se reflé­taient dans cette nou­velle hié­rar­chie des dis­ci­plines. Les huit chaires scien­ti­fiques de 1789 et 1794 furent main­tenues sous le Direc­toire, le Consu­lat, l’Empire et la Res­tau­ra­tion, lorsqu’elles devinrent vacantes.

La lente croissance des chaires scientifiques au XIXe siècle

Par la suite, ces chaires connurent une lente crois­sance à par­tir de la monar­chie de Juillet. Elles pas­sèrent de huit sur un total de dix-neuf à la fin de l’Ancien Régime, à treize sur qua­rante-deux en 1900. La part des « langues », pour par­ler comme Lalande, aug­men­ta donc beau­coup plus vite que celle des sciences au cours du XIXe siècle, pas­sant de onze à vingt-neuf chaires, pour inté­grer notam­ment les diverses branches de l’orientalisme et de l’archéologie. L’évolution sera très dif­fé­rente au cours du siècle sui­vant. Entre 1900 et aujourd’hui, en effet, la part des « langues » n’a plus aug­men­té et s’est même réduite, pour par­ve­nir à la pari­té actuelle entre les chaires des Sciences mathé­matiques, phy­siques et natu­relles (23) et celles des Sciences humaines et sociales (24) en 2023–2024.

Jacques Philippe Binet (1786-1856, X 1804).
Jacques Phi­lippe Binet (1786−1856, X 1804).

L’astronomie et les mathématiques

Pour l’astronomie, Jean-Bap­tiste Delambre (1749−1822) suc­cé­da à Lalande de 1807 à sa mort, puis Jacques-Phi­lippe Binet (1786−1856) occu­pa la chaire de 1823 à 1856. Après un hia­tus de cinq ans, elle fut recréée sous le nom de méca­nique céleste pour accueillir Joseph-Alfred Ser­ret (1819−1885) de 1861 à 1885, et renom­mée méca­nique ana­ly­tique et méca­nique céleste pour Mau­rice Lévy (1838−1910) de 1885 à 1908. Tous trois, Binet, Ser­ret et Lévy, étaient des anciens élèves de l’École poly­tech­nique (pro­mo­tions 1804, 1838 et 1856).

En mathé­ma­tiques, Syl­vestre-Fran­çois Lacroix (1765−1843) suc­cé­da à Antoine-René Mau­duit (1731−1815). Nom­mé en 1843, l’aristocrate ita­lien, biblio­phile et escroc, Gugliel­mo Libri-Caruc­ci, « le comte Libri » (1803−1869), occu­pa peu la chaire jusqu’à sa condam­na­tion en 1850. Vinrent ensuite Joseph Liou­ville (1809−1882), de 1851 à 1882, et Camille Jor­dan (1838−1922), de 1883 à 1912, tous deux poly­tech­ni­ciens (pro­mo­tions 1825 et 1855).

Joseph Alfred Serret (1819-1885, X 1838). Atelier Eugène Pirou.
Joseph Alfred Ser­ret (1819−1885, X 1838). Ate­lier Eugène Pirou.

La physique et la chimie

En phy­sique mathé­ma­tique, Jean-Bap­tiste Biot (1774−1862) suc­cé­da à Jacques-Antoine Cou­sin (1739−1800) de 1801 à 1862, puis Joseph Ber­trand (1822−1900) prit le relais de 1862 à 1900. Biot et Ber­trand, poly­tech­ni­ciens eux aus­si (pro­mo­tions 1794 et 1839), cou­vrirent donc l’intégralité du siècle (mathé­ma­ti­ciens plus que phy­si­ciens, ils igno­rèrent les for­mi­dables développe­ments contem­po­rains de la phy­sique en Alle­magne et en Angleterre).

Pour la phy­sique expé­ri­men­tale, c’est le grand André-Marie Ampère qui prit en 1824 la relève de Louis Lefèvre-Gineau (1751−1829), l’administrateur, révo­qué en 1823 à la suite de la nomi­na­tion de Binet, dans des cir­cons­tances poli­tiques qui seront rap­pe­lées dans une seconde livrai­son. Ampère occu­pa la chaire jusqu’en 1836, ensei­gnant aus­si la phy­sique à l’École poly­tech­nique. Le sui­virent Félix Savart de 1836 à 1841, Hen­ri-Vic­tor Regnault (1810−1878) de 1841 à 1872, X 1830, ingé­nieur des Mines, éga­le­ment admi­nis­tra­teur de la manu­fac­ture de Sèvres de 1852 à 1871, par ailleurs pion­nier de la pho­to­gra­phie, fon­da­teur de la Socié­té fran­çaise de pho­to­gra­phie en 1854, et père du peintre Hen­ri Regnault, puis Éleu­thère Mas­cart de 1872 à 1908, le pre­mier ancien élève de l’École nor­male supé­rieure à être recru­té dans une chaire scien­ti­fique au Collège.

« Ampère occupa la chaire de physique expérimentale jusqu’en 1836, enseignant aussi la physique à l’École polytechnique. »

Pour la chi­mie, à Jean d’Arcet (1725−1801) suc­cé­dèrent Nico­las-Louis Vau­que­lin (1801−1804) et Louis-Jacques Thé­nard (1804−1845), avant que la chaire prît le nom de chi­mie miné­rale et assît Théo­phile-Jules Pelouze (1845−1850), Antoine-Jérôme Balard (1851−1876), Paul Schüt­zen­ber­ger (1876−1897) et Hen­ry Le Cha­te­lier (1898−1907). Vau­que­lin, Thé­nard, Pelouze et Balard avaient reçu une for­ma­tion ini­tiale à la phar­ma­cie avant de se conver­tir à la chi­mie, et Schüt­zen­ber­ger à la méde­cine éga­le­ment, tan­dis que Le Cha­te­lier était X 1869, ingé­nieur des Mines. Sous le Second Empire, en 1865, une seconde chaire de chi­mie orga­nique fut créée à côté de la chi­mie miné­rale pour Mar­ce­lin Ber­the­lot, qui l’occupa jusqu’à sa mort en 1907.

Jean Baptiste Armand Louis Léonce Élie de Beaumont (1798-1874, X 1817), par Th. Truchelut & Valkman, 1874. Paris, BnF.
Jean Bap­tiste Armand Louis Léonce Élie de Beau­mont (1798−1874, X 1817), par Th. Tru­che­lut & Valk­man, 1874. Paris, BnF.

L’histoire naturelle

Pour l’histoire natu­relle, après qu’elle avait été illus­trée par Dau­ben­ton (1778−1800) et Georges Cuvier (1800−1832), l’orientation de la chaire fut inflé­chie, puisqu’elle alla à Léonce Élie de Beau­mont (1798−1874), X 1817, ingé­nieur des Mines et géo­logue. Quelques années plus tard, en 1838, elle prit le nom de chaire d’histoire natu­relle des corps inor­ga­niques, lorsqu’une chaire d’histoire natu­relle des corps orga­ni­sés fut créée pour un dis­ciple de Cuvier. À la mort d’Élie de Beau­mont en 1874, Charles Sainte-Claire Deville, son ancien assis­tant à l’École des mines, lui suc­cé­da briè­ve­ment (1875−1876), puis Fer­di­nand Fou­qué (1877−1904), qui, avant d’être reçu à l’École nor­male supé­rieure, avait été élève de l’éphémère École d’administration annexée au Col­lège de France en 1848 et 1849.

Bilan de fin de période

Ain­si, le nombre des chaires scien­ti­fiques du Col­lège n’augmenta pas entre 1789 et 1844, et il fut même réduit à sept entre 1832 et 1838. La monar­chie de Juillet le fit pas­ser à neuf, le Second Empire à dix, et la Troi­sième Répu­blique créa trois chaires entre 1875 et 1892. En 1900, l’ordre de pré­sen­ta­tion des chaires sur l’affiche res­tait fidèle à celui de 1794, quand les sciences devan­cèrent défi­ni­ti­ve­ment les langues sur une déci­sion de Lalande. L’ordre était le sui­vant : méca­nique ana­ly­tique et méca­nique céleste, Mau­rice Lévy (avec Jacques Hada­mard pour sup­pléant) ; mathé­ma­tiques, Jor­dan ; phy­sique géné­rale et mathé­ma­tique, Joseph Ber­trand ; phy­sique géné­rale et expé­ri­men­tale, Mas­cart (avec Mar­cel Brillouin pour sup­pléant) ; chi­mie miné­rale, Le Cha­te­lier ; chi­mie orga­nique, Ber­the­lot ; méde­cine, d’Arsonval ; his­toire natu­relle des corps inor­ga­niques, Fou­qué ; his­toire natu­relle des corps orga­ni­sés, Marey ; embryo­gé­nie com­pa­rée, Hen­ne­guy ; ana­to­mie géné­rale, Ran­vier ; psy­cho­lo­gie expé­ri­men­tale et com­pa­rée, Ribot ; his­toire géné­rale des sciences, Laffitte.

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Une place particulière pour les polytechniciens

Par­mi les pro­fes­seurs scien­ti­fiques du Col­lège au XIXe siècle, les poly­tech­ni­ciens consti­tuent un sous-groupe impor­tant. La forte com­pli­ci­té entre le Col­lège de France et l’École poly­tech­nique, voi­sins sur la mon­tagne Sainte-Gene­viève, est remar­quable tout au long du XIXe siècle. Elle illustre la pro­fes­sion­na­li­sa­tion de l’enseignement scien­ti­fique et de la for­ma­tion à la recherche à par­tir du Direc­toire. Qua­torze X ont été pro­fes­seurs au Col­lège de France entre 1800 et la guerre de 1914. Qua­si tous les scien­ti­fiques du Col­lège ont ensei­gné à Poly­tech­nique les mathé­ma­tiques, la phy­sique ou la chi­mie, avant de don­ner des cours au Col­lège, ou concomitamment. 

Les trois pre­mières chaires à l’affiche, astro­no­mie, mathé­ma­tiques et phy­sique mathé­ma­tique, ont été tenues par des lignées de poly­tech­ni­ciens : Binet, Ser­ret et Mau­rice Lévy pour l’astronomie (deve­nue méca­nique céleste, puis méca­nique ana­ly­tique et méca­nique céleste), Liou­ville et Jor­dan (et Georges Hum­bert de 1912 à 1921) en mathé­ma­tiques, Biot et Joseph Ber­trand en phy­sique mathé­ma­tique, aux­quels il faut ajou­ter Regnault pour la phy­sique expé­ri­men­tale, Élie de Beau­mont pour l’histoire natu­relle des corps inor­ga­niques (et par la suite Auguste Michel-Lévy de 1905 à 1911), Le Cha­te­lier en chi­mie, sans oublier les deux poly­tech­ni­ciens qui occu­pèrent des chaires lit­té­raires : Antoine-Léo­nard de Ché­zy (1773−1832), de la pre­mière pro­mo­tion 1794, nom­mé dans une chaire de langue et lit­té­ra­ture sans­crites par Louis XVIII en 1815, qui mou­rut du cho­lé­ra en 1832, comme Cham­pol­lion, et Michel Che­va­lier (1806−1879), ancien saint-simo­nien comme une bonne par­tie de sa pro­mo­tion de 1823, ingé­nieur des Mines, dans la chaire d’économie poli­tique (1840−1879).

C’est sans comp­ter la longue liste de sup­pléants qui exer­cèrent dans ces diverses chaires.

Des polytechniciens aux normaliens

Au milieu du XIXe siècle, les auto­di­dactes aux car­rières mou­ve­men­tées ont dis­pa­ru des chaires scien­ti­fiques du Col­lège et l’on n’y trouve qua­si plus que des méde­cins et des poly­tech­ni­ciens. Ain­si, entre 1850 et 1862, sur les neuf chaires scien­ti­fiques, les poly­tech­ni­ciens en occupent cinq (astro­no­mie, mathé­ma­tiques, phy­sique mathé­ma­tique, phy­sique expé­ri­men­tale, his­toire natu­relle des corps inor­ga­niques), tan­dis que les méde­cins en occupent trois (méde­cine, his­toire natu­relle des corps orga­ni­sés, embryo­gé­nie com­pa­rée), la der­nière reve­nant à un phar­ma­cien (chi­mie).

La dis­tri­bu­tion change avant la fin du siècle, tan­dis que l’École nor­male supé­rieure, ins­tal­lée rue d’Ulm à par­tir de 1848, devient le labo­ra­toire pri­vi­lé­gié de la for­ma­tion à la recherche scien­ti­fique et que l’École poly­tech­nique, après 1870, se conçoit moins comme une école scien­ti­fique que comme une école mili­taire ayant pour mis­sion de for­mer des offi­ciers d’artillerie et du génie. En 1900, sur les treize chaires scien­ti­fiques, seules quatre sont déte­nues par des poly­tech­ni­ciens (mais dès 1901 ils ne seront plus que trois), deux sont déte­nues par des nor­ma­liens (mais ils seront trois dès 1901) et quatre sont occu­pées par des méde­cins. Quelques-uns de ces pas­sages de relais méritent d’être examinés.

Joseph Bertrand

Joseph Ber­trand (1822−1900), fils et neveu de poly­tech­ni­ciens, enfant sur­doué, audi­teur libre à l’École poly­tech­nique à l’âge de onze ans, élève de la pro­mo­tion 1839 et ingé­nieur des Mines suc­cé­da à Biot en phy­sique mathé­ma­tique de 1862 à 1900, si bien qu’à eux deux ils fran­chirent le siècle.

Ayant renon­cé aux Mines, Joseph Ber­trand ensei­gna les mathé­ma­tiques aux lycées Saint-Louis et Napo­léon (Hen­ri-IV), devint exa­mi­na­teur d’admission et répé­ti­teur à l’École poly­tech­nique, maître de confé­rences à l’École nor­male supé­rieure, et il était le sup­pléant régu­lier de Biot depuis 1848. À l’assemblée du 23 mars 1862, il eut pour concur­rent Émile Ver­det (1824−1866) qui, signe des chan­ge­ments en cours, avait été reçu à Poly­tech­nique en 1842, mais avait opté pour l’École nor­male supé­rieure. Le nor­ma­lien ne pré­ten­dait tou­te­fois pas encore à la pre­mière ligne et sa can­di­da­ture était for­melle, puisque Joseph Ber­trand et Ver­det furent, sans dis­cus­sion, « nom­més suc­ces­si­ve­ment pre­mier et second can­di­dats du Col­lège de France à l’unanimité des voix ».


Lire aus­si : Les X aux pre­miers rangs de la science


Élu à l’Académie des sciences en 1856 et à l’Académie fran­çaise en 1884, Joseph Ber­trand est l’auteur de tra­vaux sur les séries et sur la théo­rie des nombres. Son suc­ces­seur au Col­lège en 1901 sera Mar­cel Brillouin, dont l’élection confir­ma la tran­si­tion des poly­tech­ni­ciens aux nor­ma­liens vers la fin du XIXe siècle.

Camille Jordan fut élu et occupa la chaire de mathématiques au collège de France de 1883 à 1912.
Camille Jor­dan (1838−1922, X 1855), par Eugène Pirou.

Camille Jordan

En mathé­ma­tiques, à la mort de Liou­ville, Camille Jor­dan (1838−1922), X 1855, sup­pléant de Ser­ret en méca­nique céleste, fut élu et occu­pa la chaire de 1883 à 1912. L’assemblée du 19 novembre 1882 avait déci­dé le main­tien de la chaire de Liou­ville, après que Joseph Ber­trand eut rap­pe­lé son ancien­ne­té et qu’elle était la seule affec­tée aux mathé­ma­tiques pures. Un mois plus tard, le 24 décembre 1882, deux can­di­da­tures furent sou­mises au vote de l’assemblée, celle de Jor­dan et, pour la forme, celle d’Edmond Laguerre (1834−1886), poly­tech­ni­cien de la pro­mo­tion 1853, exa­mi­na­teur d’admission à l’École.

Joseph Ber­trand rap­por­ta sur les deux can­di­dats, avant que, sur vingt votants, Jor­dan obtienne dix-neuf voix et Laguerre une au pre­mier tour, puis que Laguerre fasse l’unanimité pour la seconde ligne (et sup­plée par la suite Joseph Ber­trand). Jor­dan, ingé­nieur des Mines, auteur du Trai­té des sub­sti­tu­tions et des équa­tions algé­briques (1870), avait été exa­mi­na­teur à Poly­tech­nique, où il était pro­fes­seur d’analyse depuis 1876. Il reprit la direc­tion du Jour­nal de Liou­ville.

En 1912, son suc­ces­seur sera son sup­pléant, Georges Hum­bert (1859−1921), X 1877 et ingé­nieur des Mines, le der­nier poly­tech­ni­cien à occu­per une chaire de mathé­ma­tiques pures au Col­lège de France, car Hen­ri Lebesgue lui suc­cé­da, nor­ma­lien comme Brillouin, qui avait suc­cé­dé à Joseph Ber­trand en phy­sique mathé­ma­tique en 1901, et comme Jacques Hada­mard, qui avait suc­cé­dé à Mau­rice Lévy dans la chaire de méca­nique ana­ly­tique et méca­nique céleste en 1909.

Maurice Lévy (1838-1910, X 1856) occupa la chaire de méca­nique analytique et mécanique céleste au collège de France.
Mau­rice Lévy (1838−1910, X 1856).

Auguste Michel-Lévy

Auguste Michel-Lévy (1844−1911), de la pro­mo­tion 1862, ingé­nieur des Mines, occu­pe­ra briè­ve­ment la chaire d’histoire natu­relle des corps inor­ga­niques de 1905 à 1911, tan­dis que, pour la chi­mie, au départ de Le Cha­te­lier à la facul­té des sciences en 1907 (son frère Alfred occu­pait la chaire de socio­lo­gie et socio­gra­phie musul­manes au Col­lège depuis 1902), le choix de l’assemblée se por­ta sur Camille Mati­gnon, normalien.

Auguste Michel-Lévy occupera brièvement la chaire d’histoire naturelle des corps inorganiques de 1905 à 1911 au collège de France
Auguste Michel-Lévy (1844−1911, X1862)

Un seul X en 1914 !

Ain­si, les nor­ma­liens ont rem­pla­cé les poly­tech­ni­ciens au début du XXe siècle dans les trois pre­mières chaires à l’affiche du Col­lège de France, pour la méca­nique ana­ly­tique et méca­nique céleste en 1909, pour les mathé­ma­tiques en 1921 et pour la phy­sique mathé­ma­tique dès 1901, de même que pour la chi­mie en 1907. En 1914, vrai terme du XIXe siècle, Hum­bert est le seul poly­technicien ensei­gnant encore au Col­lège de France. L’École nor­male supé­rieure sert désor­mais de pépi­nière des chaires scien­ti­fiques du Col­lège. Il fau­dra attendre l’année 1959 et l’arrivée simul­ta­née d’Alfred Sau­vy et de Louis Leprince-Rin­guet pour entendre à nou­veau des poly­tech­ni­ciens au Col­lège de France.


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