Le commerce électronique sur Internet : la naissance d’un nouvel univers marchand ?
Après trois ans de tâtonnements, le commerce électronique apparaît de moins en moins comme une simple réplique du magasin physique dans l’univers virtuel, pas plus qu’un prolongement du concept traditionnel de vente par correspondance.
Ce nouveau média engendre de nouveaux modes de promotion, de transaction, de fixation des prix, de fidélisation.
Il a ses modèles économiques propres, ses marques spécifiques, ses champions. Il est, grâce aux outils qu’il permet d’activer, le domaine de prédilection du marketing one to one. Il réduit l’écart de visibilité entre les grands groupes et les PME. Il est la rampe de lancement d’une nouvelle génération d’entrepreneurs, dont l’imagination créatrice peut, d’ici à cinq ans, révolutionner le commerce et les processus d’échanges interindustries.
En guise d’introduction
S’il est un domaine où Internet crée des ruptures et révolutionne les usages, c’est bien celui du commerce.
Qu’il s’agisse de commerce de détail, où le client est un particulier, ou de commerce entre entreprises, dans la chaîne de valeur ajoutée allant du matériau brut au produit fini ; qu’il s’agisse de biens matériels ou de services, de transactions financières ou de loisirs : tous les secteurs marchands sont ou seront concernés et modifiés en profondeur, dans leur structure, dans leur comportement, dans leur économie.
Cette troisième révolution du commerce, après celle des grands magasins à la fin du xixe siècle ou celle des grandes surfaces dans les années 60, pourrait bien être la plus porteuse de ruptures économiques et culturelles, y compris dans notre façon de vivre, de consommer et de travailler.
Le commerce électronique sur Internet a débuté en 1995, avec l’invention du Web et l’apparition des premiers sites marchands.
Dans un premier temps, on n’y a vu qu’un nouvel avatar de la vente par correspondance, un Minitel amélioré par la présence de l’image et la mondialisation du média. On parlait de catalogue électronique, transposition numérique du catalogue papier. On parlait de boutiques virtuelles ou de galeries marchandes électroniques, et les métaphores utilisées à l’écran singeaient les hypermarchés : caddies, allées, rayons, caisses enregistreuses.
Mais déjà, des questions surgissaient, posées par les plus lucides et les plus visionnaires :
- faut-il vraiment reproduire dans le monde virtuel le modèle physique du magasin ?
- qu’attend et espère le client, que le magasin ne lui apporte pas ?
- où va être la nouvelle valeur ajoutée ?
- faut-il au commerce électronique de nouveaux entrepreneurs ?
La plupart des réponses sont venues de l’Ouest, en rafales, de plus en plus nombreuses.
Aux États-Unis, le terrain avait été préparé par le « ticket » Clinton-Gore, qui, dès 1992, avait intelligemment orienté les priorités fédérales vers les technologies de l’information.
Utilisant les opportunités offertes par la chute vertigineuse du prix du numérique et l’explosion corrélative des parcs professionnel et domestique de PC, les USA ne tardaient pas à faire d’Internet l’instrument principal de communication entre chaque entreprise et son environnement.
Un foisonnement de nouveaux logiciels, un bouillonnement permanent d’idées innovatrices, une création continue de start-ups pour exploiter ces idées, et le résultat : une croissance moyenne de 4,3 % en dollars constants sur les cinq dernières années, tirée pour l’essentiel par les technologies de l’information.
Le décor industriel et commercial a commencé à en être transformé de fond en comble. Maintenant que la poussière soulevée par la tornade est un peu retombée outre-Atlantique, il est possible de discerner les contours du nouveau paysage.
Nous allons donc braquer successivement le projecteur sur deux populations :
- les internautes,
- les entreprises,
et deux notions :
- les processus commerciaux,
- les modèles économiques.
Les internautes
Ils sont, selon les sondages les plus récents, de l’ordre de 170 millions, dont :
- 100 millions aux USA,
- 36 millions en Europe,
- 5 millions en France.
Ces nombres doublent tous les ans. Les 10 millions d’internautes seront atteints en France avant la fin de l’an 2000.
L’internaute a accès à « la Toile » (francisation du Web) soit par son propre PC domestique, et un abonnement (1,5 million en France), soit par son entreprise ou son école.
Certes, l’internaute ne va pas sur Internet que pour y faire ses emplettes. Et le pourcentage d’acheteurs y est même encore nettement minoritaire : 30 % aux États-Unis, 12 % en France ; mais ces pourcentages sont en forte croissance d’une année sur l’autre.
Au total, les particuliers ont acheté sur le Net pour 11 milliards de dollars en 19981. Pour 1999, on attend un chiffre de 31 milliards de dollars1. C’est encore une proportion insignifiante du commerce de détail mondial, mais cette proportion double tous les ans depuis cinq ans. Rappelons-nous la parabole des grains de blé sur l’échiquier ! Même si l’on s’arrête à dix ans, cela représente un facteur 1 000…
Qu’est-ce qui pousse l’internaute à acheter en ligne ? Une bonne adéquation du média à certaines de ses attentes. Les instituts de sondage nous disent que le maître mot en matière d’attentes du consommateur moderne, c’est le mot liberté :
- liberté d’acheter quand il veut, où il veut, à qui il veut,
- sous la forme qui lui convient,
- avec le maximum de choix,
- et la plus grande transparence possible de l’offre.
En outre, il souhaite que le processus d’achat soit simple et confortable. Mais il ne renonce pas pour autant à payer le meilleur prix possible, ni à être traité avec considération et respect, comme une personne, et non comme un chaland anonyme.
Les meilleurs sites ont parfaitement compris et intégré ces attentes. C’est la clé de leur succès.
Les entreprises
Le projecteur découvre là un panorama très contrasté, d’une grande diversité.
Si 62 % des entreprises américaines de plus de 100 salariés sont présentes sur Internet2 (et 20 % des entreprises françaises de même taille) cette présence peut être :
- une simple vitrine institutionnelle (« site-plaquette »),
- ou, à l’autre extrémité du spectre, une véritable place de marché, où les visiteurs trouvent tout ce dont ils ont besoin pour s’informer, choisir, commander, payer, suivre à la trace le traitement de leur commande, dialoguer avec les autres visiteurs, etc.
Les visiteurs peuvent être des particuliers (commerce « B to C ») ou des entreprises (« B to B »).
L’entreprise peut être entièrement dédiée à Internet (« Net-entreprise ») et dans ce cas elle peut même être quasiment virtuelle, ce qui n’exclut pas une forte valeur ajoutée et une valorisation boursière considérable. Mais elle peut être aussi une entreprise traditionnelle désireuse d’être présente sur ce nouveau média : - soit pour des raisons défensives (contrer une Net-entreprise qui menace sa part de marché : exemple de Barnes & Nobles attaquée par Amazon, ou de Toys » R » Us menacé par e‑Toys),
. soit pour des raisons offensives :
– capture d’un nouveau segment de marché,
– attaque d’une nouvelle zone géographique,
– recherche d’une meilleure fidélisation de clientèle, etc. - soit… à toutes fins utiles, et pour aller voir de quoi il retourne !
Cette dernière motivation n’est d’ailleurs pas aussi ridicule qu’on pourrait le penser.
En effet, je suis pour ma part persuadé que même une entreprise qui choisira de rester dans le schéma traditionnel de vente sera affectée, indirectement, par le commerce électronique.
Car la plupart des clients « zapperont » en permanence entre les magasins physiques et les sites virtuels. Et la visite de ces derniers augmentera leur niveau d’exigence, par exemple en matière d’horaires d’ouverture des magasins, de transparence de l’offre, de largeur de l’assortiment.
Les commerçants auront donc tous intérêt à anticiper ces changements comportementaux de leur clientèle, et la meilleure manière d’y parvenir est d’avoir une présence, même modeste, sur Internet.
Terminons ce bref coup de projecteur sur les entreprises par un constat quantitatif : si la part du commerce électronique dans le commerce mondial est encore infime, il existe déjà, sur le Net, des entreprises milliardaires (en dollars) en chiffre d’affaires.
Trois exemples parmi des dizaines :
- Dell Computer Corporation vend chaque jour sur Internet pour 30 millions de dollars de PC,
- CISCO, leader mondial des systèmes de routage pour Internet, utilise le réseau qu’il contribue à construire pour vendre pour 32 millions de dollars de matériel par jour, soit plus de 70 % de son chiffre d’affaires total,
- Amazon est sur un rythme de 3,5 millions de dollars de ventes quotidiennes.
Les processus commerciaux
Bien qu’inspirés par les mêmes raisonnements « marketing » que le commerce traditionnel, les processus du commerce électronique sont de plus en plus spécifiques et originaux.
Il s’agit avant tout d’exploiter à des fins d’efficacité commerciale les possibilités techniques offertes par le Net, et la disparition des contraintes du magasin physique.
Quelques exemples.
Il est facile d’élargir l’assortiment, profitant de l’absence de la contrainte de surface qui pénalise les magasins traditionnels. Wal-Mart, le plus grand commerçant du monde, déclare que le premier objectif de son site est d’offrir trois fois plus de produits à la vente (500 000) que le plus grand de ses hypermarchés sur le territoire US (150 000). Amazon propose sur son site l’accès à un catalogue de 4,7 millions d’articles (livres, CD, etc.).
La contrainte de fixité des prix (réglementation mise à part) est aisément contournable sur Internet : la procédure de changement des étiquettes y est très légère, tout logiciel de tarification s’en charge en quelques microsecondes. D’où le succès de ce que les Américains appellent le « dynamic pricing », et qui se décline en :
- sites d’enchères : une des plus belles percées commerciales de ces douze derniers mois, avec plus de 1 800 sites en ligne et un chiffre d’affaires global de 1 milliard de dollars en 1998,
- sites de marchandage, comme hagglezone.com !
- outils de personnalisation, qui permettent de faire une promotion sur l’écran et en temps réel, uniquement visible par un visiteur dont le parcours a été suivi par un « agent intelligent ».
La notion de marketing inverse s’impose également : l’intermédiaire devient le mandataire du client, et non plus celui du fournisseur. D’où la floraison de sites aidant le client à définir et spécifier son besoin, puis lui proposant sur un même écran la panoplie des offres concurrentes répondant à ce besoin, et le cas échéant l’orientant vers le fournisseur choisi. Certains même vont jusqu’à effectuer un mini-appel d’offres pour le compte du client.
L’élargissement de la zone de chalandise au monde entier est aussi un facteur de personnalisation des sites. Créant des vocations d’exportateur au sein d’entreprises (notamment de PME) se limitant jusqu’ici au territoire national, il les conduit à décliner sur leur site de 2 à 8 langues différentes, et à en personnaliser le contenu pour s’adapter aux réglementations et usages des pays ciblés.
Dans le domaine du B to B, et à côté de la fonction « vente », le secteur des approvisionnements tend à devenir un domaine de prédilection pour l’emploi du Net. General Electric, au travers de son site tpn.geis.com, émet et gère pour plus de 1 milliard de dollars par an d’appels d’offres électroniques, et déclare économiser par ce canal plus de 30 % de ses coûts administratifs d’approvisionnement.
Les modèles économiques
Il est courant de lire et d’entendre que le commerce électronique ne profite qu’aux fournisseurs de technologie et aux consultants, et que tous les » Net-commerçants » sont dans le rouge.
C’est inexact. Certes, beaucoup de ces entreprises et notamment parmi les plus connues (et aussi les mieux valorisées en Bourse) sont lourdement déficitaires. Cela d’ailleurs tient souvent à l’ampleur des dépenses promotionnelles qu’elles exposent, parfois même à la demande pressante de leurs actionnaires investisseurs, et ceci pour créer rapidement et avant leurs concurrents une marque puissante, et se constituer un gigantesque fichier clients. Certes, beaucoup de ces entreprises n’arriveront pas à leurs fins et auront disparu dans les trois à cinq ans à venir.
Mais nombre d’acteurs du Net sont déjà profitables, parfois même très profitables, et ceux-là se répartissent dans toutes les catégories : portails, sites d’intermédiation, vendeurs directs de produits ou de services.
Une étude d’ActivMedia montre que 42 % des sites B to B en ligne depuis plus de deux ans sont déjà bénéficiaires.
Quelles sont les paramètres qui jouent sur la rentabilité ?
En B to B, les entreprises qui achètent sur le Net cherchent avant tout à réduire leurs coûts d’approvisionnement, et à élargir la concurrence parmi leurs fournisseurs.
Parallèlement, celles qui vendent sur le Net cherchent à élargir leur territoire de vente et à réduire leurs coûts d’approche.
Enfin, les unes et les autres cherchent à simplifier les circuits d’échanges et à raccourcir les délais, pour fonctionner en flux tendu et diminuer les stocks.
Par exemple, Dell a réussi à ramener ses stocks de produits finis de trois semaines à six jours, avantage économique considérable car appliqué à un chiffre d’affaires de 24 milliards de dollars !
En B to C, les revenus générés vont dépendre directement de l’audience du site (nombre de visiteurs par mois) et du taux d’activité de ses visiteurs (fréquence d’achats effectifs).
Schématiquement, il y a trois sortes de revenus.
D’abord, les ventes directes (de produits ou de services). Les relevés faits ces derniers mois sur des sites marchands de taille suffisante montrent que les écarts de prix avec ceux des magasins physiques ne sont pas significatifs. Quant aux marges, elles sont améliorées par des coûts d’usage plus faibles (pas d’investissements matériels), mais elles sont érodées par la nécessité de livrer à un tarif de livraison qui couvre rarement les coûts.
Mais le vrai avantage est ailleurs. Il réside dans la faculté, pour peu qu’on s’en donne la peine, de mieux connaître ses clients, leurs attentes, leur comportement, leur capacité d’achat ; donc de mieux cibler les offres personnalisées, et d’en retirer un taux de retour sensiblement supérieur. Cela suppose une combinaison efficace d’une stratégie de marketing « one to one » et d’outils de personnalisation utilisables sur le Web.
Une deuxième source de revenus est la publicité sur site, sous forme de « bannières » ou bandeaux, « cliquables » ou non. Des portails ou des sites de très forte audience, comme Yahoo ou Geocities, tirent l’essentiel de leurs revenus de cette publicité. Mais globalement, bien que le montant de chiffre d’affaires publicitaire soit encore modeste par rapport à celui généré par d’autres médias (2 milliards de dollars dans le monde en 1998, soit vingt fois moins que celui généré par la publicité télévisuelle), on perçoit déjà des signes de saturation, et les internautes ressentent l’excès de bannières sur un site comme une pollution, vite dissuasive.
La troisième source de revenus, beaucoup moins connue et pratiquée en Europe qu’aux États-Unis, est l’affiliation. Celle-ci consiste à profiter de la présence d’un internaute sur un site (marchand ou non) pour lui proposer des produits en phase avec ses préoccupations du moment, mais vendus sur un autre site. Exemple : le visiteur d’un site d’information sur l’enneigement des stations de sport d’hiver sera bien disposé vis-à-vis d’une offre attrayante de vêtements de ski. Ces sites sont donc rémunérés par des commissions sur chaque achat qu’ils ont généré. Des sites comme Amazon ou, en France, Alapage, réalisent 35 % de leur chiffre d’affaires par ce processus.
L’affiliation fonctionne un peu à rebours des fameux portails, qui cristallisent ces temps-ci, en Europe, à la fois l’attention des médias et l’intérêt des investisseurs, alors même que les États-Unis commencent à apprécier les limites de leur efficacité.
Le portail vise à canaliser les internautes, dès leur arrivée sur le Net, vers un site généraliste, qui les oriente ensuite, par un système de panneaux indicateurs, vers des sites spécialisés, en fonction de leurs thèmes d’intérêt ou de leur préoccupation du moment. Ces sites rémunèrent les portails les plus fréquentés, pour figurer en bonne place, voire de façon exclusive dans leur catégorie, sur ces panneaux d’orientation.
L’affiliation revient au contraire, pour un site marchand, à multiplier le nombre de sites rabatteurs, qui constituent une sorte de galaxie autour de lui (Amazon a 350 000 sites affiliés !) et, moyennant commission, à leur sous-traiter une partie du processus commercial : le plus souvent, le choix par le client d’un produit, au sein d’un sous-ensemble de l’assortiment (dans l’exemple précédent du sport d’hiver, on pourra consulter et acheter sur le site tous les livres sur le ski disponibles au catalogue d’Amazon).
Les tendances
Le commerce électronique sur Internet est loin de la maturité. Des faiblesses, réelles ou supposées, entravent encore sa croissance. Citons, en vrac :
- l’insuffisance du parc, qui limite, en France par exemple, à 10 % des foyers l’accessibilité du média,
- la crainte d’insécurité, largement amplifiée par la presse, mais qui est encore la cause la plus fréquemment citée par les internautes qui refusent d’acheter en ligne,
- la complexité d’accès via le PC, qui exclut des pans entiers de la population, et, au moins partiellement…, des tranches d’âge,
- l’insuffisante préparation des entreprises à la vente à distance, notamment en matière de logistique de préparation des commandes, de traçabilité et de livraison à domicile,
- certaines imprécisions dans l’arsenal juridique, ou tout au moins dans son application concrète au commerce en ligne, surtout lorsque l’acheteur et le vendeur ne sont pas de même nationalité,
- la lenteur d’affichage sur écran, du fait de goulets d’étranglement du débit disponible sur le trajet entre le serveur du site consulté et le PC du client qui le consulte. Cette pénurie de largeur de bande annihile en partie l’un des avantages pourtant les plus précieux d’Internet pour un commerçant : pouvoir montrer des images, fixes ou animées, de ce qu’il propose à la vente.
Lister ces faiblesses actuelles, c’est aussi indiquer les pistes d’amélioration, et tracer les tendances :
- contre l’insuffisance du parc et la complexité d’usage des PC : l’apparition prochaine de nouveaux moyens d’accès à Internet, spécialisés, simples, « presse-bouton », et peut-être proposés gratuitement avec un abonnement. C’est aussi l’ouverture prochaine à Internet de dizaines, bientôt de centaines de millions de téléphones cellulaires, parfaitement adaptés à des usages de consultation ou de transactions simples et rapides,
- contre l’insécurité réelle ou supposée : l’adoption de standards de cryptographie, assurant une protection adaptée à chaque niveau de risque unitaire. Mais aussi la généralisation progressive de procédures d’assurance garantissant le client ou le marchand du risque de fraude,
- contre l’insuffisance de largeur de bande : l’apparition de technologies nouvelles (ADSL, transmission à fort taux de compression) conjuguées à un effort d’investissement sans précédent des grands opérateurs.
Dans le domaine B to B, dont j’estime personnellement qu’il continuera à représenter dans l’avenir la majeure partie du commerce électronique, rares seront les entreprises qui pourront échapper à la contagion. Ne serait-ce que parce qu’elles auront dans leur environnement (clients, fournisseurs, partenaires, administrations) des interlocuteurs qui, ayant franchi le pas, les inciteront fortement à le franchir à leur tour, afin d’optimiser les gains d’usage.
À cet égard, les professions qui utilisent aujourd’hui de façon courante l’EDI (échange de données informatisé) se préparent à basculer les processus correspondants sur Internet, en profitant pour les étendre à des PME jusqu’ici non concernées : c’est le Web-EDI, porté par un nouveau langage descriptif d’objets : XML.
En bref, les relations interentreprises vont être de plus en plus profondément marquées par un fonctionnement en réseau, basé sur la mise en place de multiples « extranets » (réseaux privés partagés par des entreprises partenaires et utilisant les protocoles d’Internet). Ces extranets seront les supports d’échanges de toutes sortes : techniques, commerciaux, financiers.
Enfin, il ne faut pas oublier que, sur Internet, la nécessité d’instaurer un rapport de confiance entre le vendeur et le client est d’autant plus forte que celui-ci ne voit pas (ou pas encore) celui-là. D’où l’obligation, pour les nouveaux venus, de créer des marques de forte notoriété, afin d’établir et de consolider cette confiance.
Cette course à la notoriété de la marque et des sites qui la portent devrait, à mon sens, orienter les options stratégiques des principaux acteurs, au moins pour les trois à cinq ans à venir.
Pour conclure, quelques recommandations
Je vais, au risque de gâcher le métier de consultant que j’exerce, dévoiler ici quelques-uns des pièges que je signale à mes clients pour leur éviter d’y tomber.
Ou plutôt, je vais indiquer les façons les plus sûres de rater son entrée sur le commerce électronique :
- créer un site sans avoir vraiment réfléchi à ce que vous voulez en faire (c’est plus fréquent qu’on ne pense, mais c’est mortel),
- ne pas spécifier le type de client que vous souhaitez séduire et fidéliser sur le Net,
- si vous avez choisi de créer un site transactionnel, le considérer comme une pièce rapportée, sans connexion robuste et fiable avec votre système d’information existant,
- démarrer sans avoir rodé le « back-office », et vérifié la robustesse et l’efficacité de la logistique d’approvisionnement et de livraison,
- ne pas prévoir la promotion du site et son référencement sur les principaux moteurs de recherche, ni le budget correspondant,
- ne pas vous préoccuper de l’ergonomie du site ; penser que le client sera ravi de revivre ses émotions de jeunesse en suivant un jeu de piste pour trouver ce qu’il cherche sur le site,
- ne pas prévoir un outil de sécurisation des transactions : penser que l’internaute a naturellement le goût du risque,
- prévoir une messagerie pour permettre au client de vous poser des questions…, et ne pas prévoir un dispositif de réponse sous vingt-quatre heures,
- ne pas vous préoccuper de l’audience du site, et ne pas avoir prévu d’outils ou de services de fidélisation de la clientèle.
Si vous n’êtes tombés dans aucun de ces pièges, bravo. Il vous restera à convaincre vos visiteurs fidèles que vous avez de bons produits à leur vendre, mais pour cela je vous fais confiance !
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1. Source Dataquest octobre 1999.
2. Référence Yankee Group.